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10 mai. N°477.

Écrit par sur 11 mai 2011

Bon, je cède à la commémoration. Oui, à mon tour. D’autant qu’en tant que radio libre nous devons beaucoup de choses à cet événement. Voilà, c’est au soir du 10 mai 81 que l’idée fut lancée de créer une radio libre.

« Rétrospective en direct ». Pour moi, cela pouvait constituer un bien belle façon de poursuivre ce que nous faisions depuis 6 à 7 ans avec nos petits journaux de la presse locale dite alternative des années 70. La première réunion de constitution eut lieu dès le mois de mai 81. Inutile de dire combien l’initiative était prise comme utopique !

Les radios libres sont sans aucun doute le phénomène médiatique le plus important de la fin des 70 et du début des années 80.

Ces stations locales, émettant en modulation de fréquence, constituent un défi au monopole de la radio et de la télédiffusion mis en place à la Libération, qu’elles enfreignent. Elles s’installent dans un paysage radiophonique centralisé et monolithique, où seules ont leur place les stations du service public et les « périphériques » (Europe 1, RTL, RMC, Sud Radio et Radio Andorre), ainsi appelées parce que leurs émetteurs se trouvent à l’étranger, aux frontières du territoire français.

Les radios libres sont dans leur grande majorité aux mains d’amateurs peu fortunés qui proposent des programmes éclectiques (musique, informations sur la vie d’un quartier ou d’une commune, émissions politiques, etc.), mais de qualité inégale. La fréquence des émissions varie d’une station à l’autre (plusieurs rendez-vous par semaine pour les plus ambitieuses, quelques diffusions éparses et aléatoires pour les autres).

Enfin, le problème de l’existence des radios libres est intimement lié à la question plus large du monopole d’Etat sur l’audiovisuel – un monopole dont l’instauration était politique et dont le maintien, notamment au cours de la Ve République, n’est dû qu’à la seule volonté politique de ceux qui se sont succédés à la tête du pays. Bon, j’arrête là la description quelque peu ennuyeuse.

En ce qui nous concerne ici, à partir du 10 mai nous avons mis pas moins de deux ans pour émettre. Ce fut le 28 février 1983. Grande date ! Ainsi, durant deux ans nous avons cherché comment monter notre projet. Dans un premier temps, il fut ambitieux. Il consistait à bâtir une radio de « pays », qui devait s’appeler « Radio Chantepleure, radio du pays de Rance ». J’explique. A l’époque l’idée des pays était forte en Bretagne. Elle s’appuyait alors sur des références sociales et culturelles pour en définir les contours. Cette idée cherchait à rassembler les acteurs du tissu associatif. Projet trop ambitieux. Et structurellement nébuleux. Mais cependant riche compte tenu des rencontres qu’il aura occasionné et de la conviction communicative qui était la nôtre.

Pour l’anecdote, je me souviens à ce propos d’une rencontre avec Charles Josselin, alors député-maire de Pleslin-Trégavoux et président du Conseil Général des Côtes du Nord (devenu d’Armor) qui nous avait fait part à mi-voix d’un échange qu’il avait eu avec François Mitterrand à propos des radios libres. Le Président nouvellement élu lui avait avoué qu’il craignait que l’expérience des radios libres en France ne tourne comme au Chili, avec Allende. C’est-à-dire qu’elles contribuent à son renversement. C’est probablement la raison qui a conduit Mitterrand à interdire dans un premier temps la publicité pour les radios locales privées contrairement à ce que souhaitaient les députés socialistes. Une forme nouvelle de financement fut alors mise en place par la création d’un fonds d’aide à l’expression radiophonique associative alimenté par une taxe para-fiscale prélevée sur les publicités diffusées par les chaînes de télé et les radios publicitaires.

C’est ce système de financement qui nous a permis ici d’exister et qui continue à le faire. Un soutien fondamental qui permet d’être propriétaire de nos moyens de diffusion et d’avoir la part de l’espace hertzien qui nous revient de droit. Merci et chapeau Monsieur le Président ! Grâces vous soient rendues 30 ans après! Sans quoi, il nous aurait fallu passer sous les fourches caudines des élus locaux et autre tissu économique local –ce qui a été et reste le cas pour la très grande majorité des radios de la bande FM qui ne peuvent se taxer d’être libres dans de telles conditions de dépendance. Ou la dèche et restés muets. Pourtant le langage est à tout le monde. Donc, voilà pour l’histoire ! ça rajeunit.

Nos statuts furent déposés en juillet 81. Et en août 81, à l’occasion des congés, cap du côté des radios libres italiennes. Et particulièrement à Venise, d’une radio qui s’appelait Radio Cooperativa Veneta pêchée par hasard dans le botin local. Qui, elle, sans ce soutien fondamental, a disparu depuis fort longtemps.

Voilà pour aujourd’hui, 30 ans après. Soit un an avant ce qui devra être, avec l’élection d’un président ou d’une président de gauche, l’ouverture d’une nouvelle ère de liberté dans le domaine de la radio, non plus face au monopole d’Etat mais face à celui hégémonique d’un capitalisme qui se pare de ses plus beaux atours: la nouveauté technologique, en l’occurrence la radio numérique terrestre à venir prochainement ! Bien décidé à ne pas laisser une seule parcelle de ressource de communication à l’abri de la recherche du profit. Paraît que les radios associatives seraient diffusées par Orange, SFR ou Bouygues, selon des modalités et des coûts qui conviendront à ces opérateurs.

Au boulot! Qui ne sera pas de la tarte. Face à ces outils nouveaux qui se chargeront de faire le vide. Faire le vide dans les têtes pour que celles-ci soient prêtes à accueillir, à désirer avidement même, toutes les marchandises! Faut dire que du baladeur à l’oreille et de la voiture à la boîte carrée qui sert de chambre, ou de cuisine, ou de séjour, la radio est omniprésente.

Car, comme dans les années 70 et 80, ça soulève des questions très pertinentes l’air de rien: celles de l’espace commun. Et à ce sujet aussi, j’empreinte à J.P Dollé sa formulation épatante: « L’espace commun est l’en-commun, c’est-à-dire non un lieu localisable, mais ce qui permet l’entrée dans le champ politique, autrement dit la prise en compte de ce que, selon J.T Desanti, « chacun de nous est inséparable de cela même dont il est séparé : l’autre parlant. » (Le territoire du rien-Editions Lignes).

Bon, commémorer c’est embaumer. Et nous n’avons pas vraiment goût à la «Mitterrandolâtrie» contemporaine. Alors pourquoi en parler? Parce que les libertés actives sont rares. La plupart des libertés sont passives, engluées dans des habitudes de pensée et de jugement. Pas en raison d’une mémoire nostalgique donc, mais réamorce du désir que l’on a du monde présent. Voilà, oui, comme au soir du 10 mai 81 !

D.D


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