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Au printemps. N°627

Écrit par sur 16 avril 2014

Eh bien ce jour, je m’accorde au printemps. Étymologiquement le premier temps. Jugez-en.

Bourgeons qui s’éclatent, fleurs en joie qui paradent, tout re-explose. Tu te dis « Oh ! c’est génial !  Immuable ! Quoiqu’on fasse, nous, les connards d’hommes. Oui, avril, mai, quelle résurgence ! »

Tant que j’y suis dans les confidences, j’avoue qu’écrire cette Chronique-ci à cette saison en fin d’après-midi à ma descente de train, au retour d’une journée de travail déprimante et enfermée, quand il fait si beau dehors, m’est difficile. Ce sont ces magnifiques soirées qui veulent ça.

Acuité accrue des sens. Trop envie de brouetter tel ou tel tas de taille d’arbustes, consolider les poteaux de clôture, bricoler ici ou là parmi le murmure sonore des oiseaux, ou vocables criards parfois qui t’engueulent dès que tu rentres sous leur « chez eux », respirer à plein poumons près des fleurs blanches des cerisiers, des pommiers, pruniers, poiriers, etc. Qui rayonnent de beauté. Et du vert si tendre de toutes ces feuilles nouvelles. Dans cette exubérance printanière, tout m’enchante, tout me réjouit. Quand « penser à autre chose » a cette signification : ouvrir les yeux et voir, voir, tourner la tête, balayer autour de soi du regard. Virer dans un paysage sonore, olfactif, où la sensibilité s’enrichit. Par contacts tactiles beaucoup.

Les deux chèvres font la sieste. Ou la cabriole quand elles font les folles pour nous faire la fête, ou simulent la castagne à cornes, ces deux-là. L’âne trop gourmand goûte goulûment les brins d’herbe d’avril. Bonjour la fourbure ! Mais bon. Qui peut résister à pareille herbe fraîche ? Lui jamais. Qui adore aussi sortir de son enclos pour le petit tour du propriétaire, puis retour. Les pigeons, un couple, un vieux couple peut être, randonne. Se pose. Bavarde. Comme des pies. Et l’on plante. Les légumes, petits pois, fèves, les fleurs. Pas prudent pour les patates avant les saints de glace, dit-on. Pfff… la terre est tellement prête à les accueillir. Qu’on s’y sent pousser. Jouable.

Tout est parti très vite cette année, faut dire. La tonte de l’herbe comme la préparation de la terre du jardin. Avec reprise des manettes des outils mécaniques, tondeuse et moto-bineuse. Qui toussent. Qui s’ébrouent. Je me suis donc jeté littéralement dans tout ça. Comme d’autres, plus tôt que d’habitude cette année. J’y re-plongerais sans hésiter si présentement je m’écoutais.

Mais le mercredi la Chronique me retient. M’enferme. Nos quatre chats me le font bien savoir. Que dehors c’est mieux. Vachement mieux. Tour à tour en tournant autour de moi. Me caressant le nez avec leur queue quand je pianote sur le clavier. Comme une main à l’épaule, affleure. Mais cette fois je ne fronce pas les sourcils. M’attendent impatiemment pour jouer dans l’herbe, ces quatre-là. Ou pour leur montrer comment l’on jardine. D’ici que ça les intéresserait. D’ailleurs le font déjà. Dans mes coins du monde –pas confondre avec un fruit qu’on ne cultive plus guère: le coing -, mes lieux de vie, d’émerveillement, tout rapproche et réconcilie deux mondes vivants : l’animal et le végétal. Au vent, aux oiseaux, à nos semelles d’y déposer des graines en ces lieux jamais figés. Dirait Gilles Clément.

Nos quatre chats ont sur moi l’avantage de grimper mieux aux arbres tout en étant au sol plus près des fleurs. Comme chacun sait. Eux comme moi plaçons chêne, châtaignier, érable, tilleul, frêne et marronnier, dans la catégorie des pépères éléphants. Pour leur peau semblable à celle de ceux-ci. Je vis ainsi entouré de sages. De grands et beaux sages pépères éléphants. Qui le mercredi se moquent de moi (version perso qui satisfait mon ego). En vrai, ils s’en fichent pas mal. Ont d’autres chats à fouetter les «pépères éléphants » (l’expression est de Françoise de Lieux-dits. Les siens sont plus vieux encore, donc plus sages. Respects.): tout comme les insectes et graines issus de la diversité en péril.

Mais ce qu’ignore tout ce petit monde, c’est que se coltiner la Chronique c’est jardiner le temps. Voilà, il y a l’espace et le temps. Pas l’un sans l’autre. Pas de la même façon. Pas s’embrouiller en les confondant. Quand ça balance entre l’ombre et la lumière. Avoir le souci des deux. Etre attentif. Des deux à la fois. Ou à tour de rôle.

Rédiger la Chronique d’ici est pareil à bêcher, ensemencer, désherber, herser, ratisser, amender, etc. Voire tondre. Reconsolider la clôture. Ouvrir de nouvelles perspectives. Jouer avec les couleurs. Aligner au cordeau. Ou laisser venir à soi les aléas heureux. Tenir compte des détails. Et des énergies.

Voilà, donc ! Cela se fait à la sueur de son front l’un et l’autre. Le corps en bave. Mais reste brave quand il jardine l’espace ou le temps. Sans différence. Tout en accord. Et assemblage entre les êtres vivants. Pleinement. Sobrement. Harmonieusement. Tout animal ou plante que l’on soit et de notre perpétuel mouvement dans l’espace et dans le temps.

Il est vrai qu’en revendiquant la solitude et n’étant pas loin de se soumettre avec délices au pur silence, le jardinier qu’à cette saison je suis, me pousse à prendre quand même la parole, l’ombrageux à se livrer… Et persister. Cela existe déjà dans la terre qui porte le fruit, entendez la morale qui soutient l’écriture.

Entendons-nous bien, la morale au sens qu’en donnent ces autres jardiniers que sont ceux des jardins familiaux (ré-écouter le reportage de Matthieu), le poète Louis Dubost (ré-écouter la captation d’une de ses lectures), et Gilles Clément par exemple.

Et depuis hier, jour historique, au sens de l’évolution notoire du Code civil qui vient de passer les animaux de «bien meuble» à «être vivant doué de sensibilité».

Voilà, vous savez tout, alors bon jardinage à tous !

D.D


Les opinions du lecteur
  1. françoise   Sur   16 avril 2014 à 18 h 53 min

    « Art. 515‑14. – Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens corporels. »

    Combien de siècles faudra-t-il encore attendre pour lire dans un article du même code : »les végétaux sont des êtres vivants… »et que les facho qui s’échinent à coups de godets de pelleteuse sur un tronc tricentenaire ou qui arrachent un chêne sur le terrain de leur voisin soient traduits en justice?

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