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Anselm Jappe, « La société autophage. » N°805

Écrit par sur 20 septembre 2017

Capture d’écran 2017-09-19 à 21.37.53Comme ne peuvent l’ignorer les lecteurs habitués au contenu de ce site, nous proposons parfois depuis plus de 15 ans en texte, audio et vidéo, des éléments théoriques d’abord difficile. Avec un succès certain notons-le : nous dépassons assez facilement les onze millions de pages vues sur les douze derniers mois !

Alors voici, après s’être intéressés à celui de Cassandre (ici et ), que nous passons ce jour au mythe grec d’Érysichthôn. Qui nous parle d’un roi qui s’autodévora parce que rien ne pouvait assouvir sa faim – punition divine pour un outrage fait à la nature.

Car dans son dernier ouvrage La société autophage – Capitalisme, démesure et autodestruction (La Découverte, septembre 2017), le philosophe allemand Anselm Jappe nous ramène au coeur sanguinolent de la mythologie grecque en invitant ses lecteurs à repenser à cette image de ce Érysichthôn qui s’en prit à son propre corps et se dévora lui-même, point de départ de son propos.

Présentation. Dans La société autophage, en s’intéressant au sujet narcissique-fétichiste Jappe l’identifie comme la subjectivité propre au capitalisme de crise. Dit autrement, ce que produit le capitalisme que nous connaissons est ce type d’individu narcissique-fétichiste.

Capture d’écran 2017-09-19 à 11.32.34Le point de vue que développe Jappe part de sa proposition à renoncer « à l’idée, forgée par la Raison moderne, que le « sujet » est un individu libre et autonome. En réalité, ce dernier est le fruit de l’intériorisation des contraintes créées par le capitalisme, et aujourd’hui le réceptacle d’une combinaison létale entre narcissisme et fétichisme de la marchandise.

Le sujet fétichiste-narcissique ne tolère plus aucune frustration et conçoit le monde comme un moyen sans fin voué à l’illimitation et la démesure. Cette perte de sens et cette négation des limites débouchent sur ce qu’Anselm Jappe appelle la « pulsion de mort du capitalisme » : un déchaînement de violences extrêmes, de tueries de masse et de meurtres « gratuits » qui précipite le monde des hommes vers sa chute. »

Dans ce contexte, il nous incite à prendre « acte d’une véritable « mutation anthropologique » ayant tous les atours d’une dynamique régressive. »

Ainsi révèle-t-il notamment la dissolution de soi dans un système mondialisé où il n’y a plus de coupables (donc tout le monde est l’ennemi, y compris soi-même), où les rapports virtualisés nous rendent interchangeables, où le marché nous conçoit comme jetables. »

Mais retrouvons-le ce jour pour quelque chose qui est ici-même régulièrement remis sur le métier: « La société de croissance en question. » Ceci dans un entretien croisé avec l’économiste ex-sherpa présidentielle Laurence Boone, diffusé sur Arte dans la nuit de dimanche. Emission de 26′ à voir ici: « Un XXIe siècle à la bougie ? ».

Jappe, tel autre Cassandre, nous fait comprendre la « décomposition du capitalisme ». Car ce théoricien de la valeur développe, depuis quelques années, l’une des pensées les plus lucides du moment : le système capitaliste est arrivé à un stade de décomposition tel que, désormais, « c’est l’humanité elle-même qui devient superflue, lorsqu’elle n’est plus nécessaire pour la reproduction du capital-fétiche ».

L’histoire cruelle d’Érysichthôn, châtié de son impiété par une faim dévorante et qui finit par se dévorer lui-même, illustre ce diagnostic sans appel: « Le capitalisme est devenu visiblement ce qu’il a été essentiellement dès le début : une bête s’autodévorant, une machine s’autodétruisant, une société qui n’est vivable pour personne ».

Aussi développe-t-il une « nouvelle critique de la valeur ». « La seule chance est celle de sortir du capitalisme industriel et de ses fondements, c’est-à-dire de la marchandise et de son fétichisme, de la valeur, de l’argent, du marché, de l’État, de la concurrence, de la Nation, du patriarcat, du travail et du narcissisme, au lieu de les aménager, de s’en emparer, de les améliorer ou de s’en servir. » écrivait-il dans son ouvrage Crédit à mort (Edt lignes).

« Mais, déclare-t-il dans un entretien, la logique capitaliste possède une tendance à tout écraser et à tout transformer en source de profit et ne va pas tolérer la naissance d’une autre forme de vie. Il faut donc prévoir une phase de conflits et de luttes. Dans le capitalisme, tout ce qui existe n’est considéré que comme une portion de valeur qui ne connaît que des relations quantitatives. (…) La fin du capitalisme ne sera pas une fin pacifique ; en effet, la tendance à la barbarisation augmente partout. Les forces postmarchandes et non barbares devront trouver des façons de réagir contre la logique maffieuse et criminelle qui ne manquera pas de se diffuser. Il y aura aussi une augmentation de la violence comme on le voit déjà avec les nombreuses guerres civiles dans le monde. »

Pour mieux appréhender le sillon théorique que creuse ce philosophe, donc apprendre à reconnaître ce qui fabrique ce type d’individu coupé du monde sensible, esclave du capital et qui jouit à la vue de la marchandise, qu’il décrit, je vous propose de le ré-écouter ici à l’occasion d’une présentation de son livre Crédit à mort à Rennes, en 2011.

D.D


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