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Chemins de traverse. N°18.

Écrit par sur 27 juin 2010

Il est une impression étrange que l’on rencontre parfois au cours de la vie, que l’on reconnaît aussi ici et là dans notre époque inquiète. Une impression devant laquelle il est alors souvent bon de garder confiance, de ne pas paniquer : l’impression de la perte. Avec elle, c’est un vide qui s’ouvre, un désert qui se creuse; quelque chose ou quelqu’un qui s’en va. Le dictionnaire historique de la langue française nous dit ainsi : « Dès les tout premiers textes, « perdre » exprime la privation d’une partie de soi-même, d’une faculté, d’une qualité propre à la personne. » Cela désigne aussi « être privé de la jouissance d’un bien ou d’un avantage ». Le verbe correspond ensuite à l’idée de « cesser de percevoir par les sens, d’appréhender par la pensée ». Bref la perte désigne l’amputation d’un rapport, d’une relation avec quelqu’un ou quelque chose. Peut-être aussi la cessation d’un certain rapport au temps que cette relation construit. Et puis enfin « se perdre » signifie le fait de « s’écarter du bon chemin ».

Se perdre, c’est donc sortir des sentiers battus et cela n’est pas sans risques. La disparition du rapport réouvre l’indétermination du monde, l’immaîtrisable. Ce qui était sûr ne l’est plus, ce qui était simple devient complexe. C’est en fait une sortie hors de la cartographie mentale rassurante et quotidienne qui borne notre vécu. Ces chemins que l’on empruntaient habituellement ne sont plus. En somme la perte a pour conséquence la sortie hors des habitudes. L’habitude, justement, qui signifie « relation, rapport reproduit », disposition acquise par la répétition, par fréquentation ordinaire. L’habitude est ainsi du même ordre que le chemin. Elle ne se dessine et ne se creuse que parce que l’on repasse plusieurs fois au même endroit. Comme le chemin qui est la mémoire d’un passage, d’un parcours répété et pratiqué, l’habitude est elle aussi une mémoire de gestes, de postures, de façons de parler, etc… que l’on refait régulièrement, presque machinalement et donc souvent de manière inconsciente.

Mais par cette répétition même, ce qui guette est l’indifférence, une certaine sensibilité qui s’étiole, l’étonnement qui s’évanouit. Comme une sorte de calcification de ce qui était souple et vif. Aussi ce moment de la perte, qui dénoue les habitudes acquises, peut aussi être une formidable occasion. Celle de retrouver cette sensibilité perdue. Celle d’éprouver à nouveau l’étrangeté. Laquelle ? Celle du monde qui n’est jamais celui que l’on croît. C’est de nouveau la possibilité, toute poétique, de la rencontre avec l’imprévu, l’insoupçonné, l’inouï. Aussi à cette époque qui est la nôtre des traçages généralisés, du contrôle de l’évènement, des cellules de gestion de crise, de tout ce qui nous fiche et qui est le signe d’une volonté de maîtrise totale, produisant bien souvent aussi son contraire, ne peut-on penser comme le dit philosophe Jean Pierre Dupuy « qu’accepter de perdre une certaine forme de maîtrise, c’est se donner une chance de rencontrer le réel » ? Tout cela ne signifie bien évidemment pas de faire table rase des chemins et des habitudes connus jusqu’ici. Ceux-ci doivent être, sous une forme ou une autre, encore parcourus. Simplement l’étonnement qui nous fait tant exister ne s’éprouve souvent que par l’emprunt et l’expérience des « chemins de traverse ».

M.D

Chronique.

« les traverses en Azobé ne sont généralement pas traitées à la créosote » Ça fait message codé. J’ai cherché « traverse »:

« Une traverse est un élément fondamental de la voie ferrée. C’est une pièce posée en travers de la voie, sous les rails, pour en maintenir l’écartement et l’inclinaison… »

Et l’image m’est revenue d’une fenêtre grande ouverte sur une belle lumière de Juin. Le lieu est paisible. Deux hommes. L’un est très jeune et très pâle. L’autre raconte l’absence d’une femme qui l’a quitté : Prendre un train, n’importe lequel pour n’importe où, sans escale, sans relâche, des jours et des jours.

Il a écrit quelque part : « Le sentiment du lièvre. Ce qui reste après son passage. Ce qui demeure. L’accueil ! »

Traverse : le nombre de traverses au kilomètre, est variable. En France, sur le réseau SNCF il est généralement de 1666 traverses/km.

Bon, mais c’est une autre histoire !

Françoise.

28/06/2010-13:10

Capture d’écran 2017-11-14 à 22.23.38« Chemins de traverse » est aussi le titre de l’émission d’animation musicale quotidienne 11H30/12H, concoctée et animée par l’auteur de cette chronique.


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