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Eau et Carte des cours d’eau, la « vaste escroquerie ». N°827

Écrit par sur 21 février 2018

DSCN2896Bon, par cette belle journée ensoleillée au ciel dégagé, peu venteuse, après une légère gelée, depuis l’temps qu’on l’attend, on se sent dépaysé, et repaysé, et du coup ça peut apparaître incongru de parler… d’eau! Cependant, abdiquer à quelque parole sur le sujet me fait l’effet, c’est sûr, d’un mince filet d’eau qui fait son bruit, mais qui, bloqué par de gros cailloux, à la longue déborde. Si bien que devant vous, par temps sec, par bonheur et en juste cause, l’eau est ici à l’ordre du jour.

Balayée par le fil d’actu, puis tombée dans les trous de notre mémoire, l’info sur le rapport de l’UFC Que Choisir, publié en octobre 2017 à l’occasion des Etats généraux de l’alimentation (lire ici), pointait ceci : dans la moitié du territoire français, les pesticides sont présents dans les cours d’eau à des doses supérieures à la norme autorisée dans l’eau potable. Cette norme est aussi dépassée dans le tiers des nappes phréatiques. Et pire, les contaminations en nitrates ont progressé. Et malgré tous les plans, l’utilisation des pesticides a augmenté de 18% sur les quinze dernières années. En ligne de mire du rapport: des « décennies d’agriculture intensive » et « l’inaction des pouvoirs publics ».

Résultat pathétique, comme l’eau du robinet est de bonne qualité, les consommateurs ne se rendent pas compte de la situation. Or l’eau potable masque la réalité de l’eau souillée de la ressource, qui se raréfie, et qu’il faut dépolluer. Ce qui a un coût. Un coût « astronomique »! Dont la réparation des dommages environnementaux sont essentiellement financée par les consommateurs, précise l’UFC. Via leur facture d’eau, ils payent 88 % de la redevance « pollution » et 70 % de la redevance « prélèvement », soit 1.9 milliards d’euros par an. L’agriculture, pourtant responsable à elle seule de 70 % des pollutions en pesticides, de 75 % des pollutions en nitrates ne paie que « 7 % de la redevance « pollution » et 4 % de la redevance « prélèvement », en violation flagrante du principe « préleveur-pollueur-payeur ».

Folle injustice qui correspond à une subvention implicite à l’agriculture intensive. Et l’UFC Que Choisir de conclure que la politique de l’eau dans les régions est « dictée par les intérêts agricoles », ce qui a conduit à « des mesures essentiellement curatives, trop souvent sans chercher à réduire les pollutions à la source, alors même qu’il est 2,5 fois moins couteux de prévenir les pollutions que de dépolluer ».

DSCN2890Pas même apparu dans le fil d’actu, et déjà tombé dans les trous de notre mémoire, s’ajoute le sort des rus, ruisseaux, petites rivières! Qui ont besoin de nous car chez certains aux yeux farcis par le profit, ces imbéciles baveux, il est plus que temps de les faire disparaître. Ni vus ni connus je t’embrouille. A gommer tous ces petits ruisseaux qui, d’une eau nouvelle, vont leur chemin, vagabondent en terrain plat, à la flânerie contrôlée contournent les buttes, s’entortillent autour de vieilles souches, rochers, voire parfois bidons gisants, souillures quelconques ou semelles de caoutchouc, galopent à la descente des versants et alimentent nos rivières.

Explication. Le gouvernement pousse pour que soient cartographiées, département par département, l’ensemble de nos rivières. Les grandes, mais aussi, et surtout, les petites. Officiellement pour « mieux connaître les éléments du réseau hydrographique ». Ah! Bonne idée direz-vous! Grosse naïveté! Car officieusement, cette cartographie comme le site Reporterre l’avait montré (lire ici), est mise en branle afin de soustraire une partie des cours d’eau à l’application de la loi et du droit de l’environnement… Voilà tout simplement en faisant disparaître des rus, des ruisseaux, des petites rivières de la Carte des cours d’eau!

Sans aller jusqu’à se grimer en Zadistes, il va falloir une très sévère intransigeance à l’égard de la compromission officielle: « Dans le secret de quelques bureaux, une coalition de politiques et de lobbyistes de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) a décidé de changer la carte géographique et physique de la France. » Et ce groupement d’intérêt par le biais des Chambres d’agriculture et bourses d’étude « a mobilisé ses troupes pour en faire déclasser le maximum », écrit Reporterre.

Faire main basse sur le réel, sur le nôtre, c’est « une stratégie globale de la FNSEA de remise en cause des normes environnementales. Ils veulent façonner le pays en fonction de leurs intérêts. » dit Gilles Huet, président d’Eau et rivières de Bretagne. Pour lui, ce qui est en train de se passer dans l’indifférence générale relève ni plus ni moins d’une « vaste escroquerie ».

Enfin, comme nous le montrent ces photos ci-dessus des marais de Sougeal, dans la vallée du Couesnon, prises par nous-mêmes en ce début février, en cette sombre et pluvieuse météo hivernale, mais là-encore à qui le dire, à qui le faire savoir plus encore, plus fort encore, que, quelque soit le doux temps des aléas météorologiques, les inondations se sont gravement aggravées par la franche banalité de la bétonisation, l’artificialisation des zones humides par drainage, et la disparition des haies ?

Voilà bien ce qui justifie pour le moins notre entretien avec Jean-François Piquot, porte-parole de l’association régionale Eau et rivières de Bretagne.

D.D

ruCe qui a été dit et écrit ici-même autour du Chaos climatique.


Les opinions du lecteur
  1. Françoise   Sur   23 février 2018 à 9 h 26 min

    « comme l’eau du robinet est de bonne qualité » dis-tu…
    Mais n’oublions pas que 2,8 millions des personnes,en France, essentiellement des habitants de petites communes rurales reçoivent une eau non-conforme… Bien sûr, il leur est recommandé gentiment de boire de l’eau en bouteille…

    Pour les autres, ceux qui peuvent boire l’eau du robinet, tu l’as souligné, ils « bénéficient » non pas d’une eau provenant d’une ressource bien protégée mais d’une eau dépolluée. Ils paient eux-mêmes entre 600 millions et un milliard d’euro par an…pour cette dépollution!
    Dépollution?
    Ces quelques 50 contaminants que pointent les analyses physico-chimiques (zinc, plomb, cuivre, nickel, cadnium, mercure…) et qui sont « enlevés » de notre eau du robinet…que deviennent-ils ? Oh, pas encore dirigés vers des centres d’enfouissement à 500m sous terre et que 500 gendarmes devront défendre contre une quinzaine de manifestants!
    Ces métaux retournent la plupart du temps dans la nature, transitent dans la colonne d’eau avant de s’accumuler dans les sédiments où ils seront impliqués dans de nombreuses réactions biogéochimiques.
    Dans les sols acides, ces métaux lourds sont plus mobiles et se retrouvent plus facilement dans la chaîne alimentaire. Par conséquent, on prévoit que dans les terres où l’acidité va augmenter les plantes absorberont une quantité plus importante de métaux lourds (par ex. du cadmium).Nous ne pouvons pas encore assurer si de grandes quantités de sédiments accumulées au fond des réservoirs naturels et artificiels peuvent, par exemple, durant le changement de réaction de l’eau (pluie acide) relâcher des éléments toxiques et devenir une source secondaire de contamination, créant un nouvel effet nommé « bombe à retardement chimique. » …

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