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Le 4 février 1994, la colère des marins-pêcheurs bigoudens. N°877

Écrit par sur 6 février 2019

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Le 4 février 1994. Voici 25 ans, près de 5.000 pêcheurs de la façade sud du Pays Bigouden, de ces ports alors de pêche fraîche, Le Guilvinec, Saint-Guénolé, Loctudy, Penmarc’h, Lesconil, etc., débarquent à Rennes. Face à eux : 700 CRS. Lors de cette journée d’une extrême violence , « un CRS a le pied transpercé par un lance-amarre ; un autre fonctionnaire souffre d’une double fracture (tibia-péroné) provoquée par une fusée de détresse ; un pêcheur de Locquirec a la main arrachée après avoir renvoyé une grenade… 72 personnes sont transportées aux urgences (…) À l’hôpital, les rapports décrivent « des lésions s’apparentant aux plaies de guerre les plus sévères ». Puis, la nuit, un incendie ravagera l’ancien parlement de Bretagne retournant immédiatement l’opinion publique qui jusqu’alors soutenait ce soulèvement. L’incendie se déclenche dans la charpente en chêne. Les dégâts sont très importants : une partie de la toiture, des tapisseries et des œuvres d’art sont touchées. Il éclipsera la manifestation de la journée.

A lire ici & voir .

« Dès 10H15, les premières échauffourées éclatent, place du Parlement. Billes d’acier, boulons, plombs de pêche et pavés contre gaz lacrymogène. Les fusées de détresse déchirent le ciel » (lire ici). Cette journée de chaleur, même par temps froid, fut le point d’orgue d’une semaine d’actions diverses, partie des ports finistériens et qui était passé la veille par Rungis. Menée par un comité de survie issue de la base des pêcheurs artisans. Point d’aboutissement aussi, comme il est dit par ailleurs, d’une importante crise démarrée en 1993: la dégringolade des cours dans les ports de Bretagne entraîne la montée d’une contestation importante. En février 1993, les pêcheurs bretons organisent une montée à Paris et dévastent le marché de Rungis, saccageant notamment les caisses de poisson étranger. L’année suivante, un nouveau coup de sang se produit fin janvier 1994 : parti du Guilvinec, il a mobilisé l’ensemble des pêcheurs français et dégénéré en nouvelles manifestations de violence, toujours au marché de Rungis. Face à cette situation de crise, la commission européenne s’est vue dans l’obligation d’imposer en 1993 et 1994 des prix minima sur les importations de poisson. Le gouvernement français décida de son côté d’accorder un certain nombre d’aides financières aux pêcheurs pour faire baisser les tensions. Aucun autre mouvement de pêcheurs n’a remis la pêche à la une des médias à ce point.

Pour comprendre cette irruption d’une grande violence à Rennes, le journal municipal Le Rennais interrogea le sociologue du travail Henri Vacquin, spécialiste des conflits sociaux. Peut-être, c’est une vaine hypothèse, que l’explication radicale, c’est-à-dire allant à la racine des problèmes, qu’il en donna devrait résonner tout particulièrement 25 ans plus tard, aux oreilles de notre pouvoir d’Etat à l’heure où celui-ci envoie les Brigades Anti-Criminalités (B.A.C) régler la grave crise sociale que nous connaissons (7 000 arrestations, 1 900 blessés, 1 000 condamnations en deux mois…).

« La réduction du travail à la seule productivité est la cause de la crise qui est culturelle. » Et les marins-pêcheurs dans tout cela? « Justement. L’acceptabilité exclue les conflits sociaux. Or le conflit est un régulateur, un terrain de rencontre. Quand les individus ne parlent plus et ne mettent plus en discours leurs revendications, ils deviennent des objets dans un flot économique. Jusqu’au jour où les tensions accumulées explosent. Et une explosion n’est jamais un discours organisé mais un cri. Les mouvements comme celui des marins-pêcheurs représentent cette façon violente, éruptive, d’évacuation d’une tension sociale qui n’a pas trouvé une expression maîtrisable et maîtrisée par le langage et le dialogue ».

Voilà pour la forme. Reste à déceler les raisons profondes de tous les conflits sociaux. » – lire la suite, ici:

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Valeur « travail » en crise, perte de sens et humiliation subie, ça rend l’homme bagarreur. Ce goût de vivre. C’est ce qu’évoquent aussi les deux belles toiles ci-dessous de notre ami Philippe Le Gall, peintre, qui, en saisissant le départ de la flottille du Guilvinec le matin même précédent la révolte, rend compte de la colère de ces marins pêcheurs bigoudens.

« (…) Leurs bateaux ont toutes couleurs/ Rouges jaunes noirs/ A noms de femme ou de déesse/ Amphitrite ou Marie-José/ Ils se font du ventre amical/ Jouent d’un coude désabusé/ En attendant de lever l’ancre/ Les poissons somnolent encore (…) »; « La nuit s’allume, japonaise/ Des moteurs se mettent en branle/ Ces gens-là vont gagner leur vie/ Entre la pointe du Raz et la pointe de la Chèvre/ Ou au-delà, dans l’Iroise. » (Georges Perros, Poèmes bleus, p.76,77).

D.D

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ruCe qui a été dit et écrit ici-même autour de la colère.


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