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« …l’espoir que font naître les choses sans importance. » N°471.

Écrit par sur 10 mars 2011

L’observation de Matthieu reprenant Paol Keineg est fort juste. C’est ce qui me vient à l’esprit devant les images de ces pauvres gens qui parmi les décombres de leur maison, recherchent en vain quelques objets voire une seule miette de leurs maigres biens, ou des parents ou des voisins parce qu’on ne sait jamais, ou déterrent une brassée de poireaux ou de choux parce qu’ils ont faim dans leur gymnase transformé en campement de fortune dans lequel s’entasse le village entier sans qu’aucune autorité n’ose venir les rencontrer.

Décalage ahurissant entre les Nucléaristes de tout pays, bardés de certitudes, d’arrogances et d’opacité trahissant l’autisme, dénués de toute capacité d’avoir honte de ce qui est fait au monde et aux hommes, et ces pauvres bougres qui ont tout perdu de leur vie, « tout ce qui fait le quotidien de chacun, tout ce qui nous permet de vivre : l’air, l’eau, la nourriture, l’amitié, l’habitat… et l’infinité des visages du vivant. Toutes ces choses essentielles qui, dans notre époque de spéculation financière forcenée et d’extension illimitée des profits, sont rangées au rayon des choses futiles et sans importance. » (Matthieu)

A l’heure où j’écris, les pauvres bougres qui ont l’amour des cerisiers en fleurs, et des jardins de beauté, adaptés à l’environnement local et notamment à sa flore, s’en reviennent du marché aux poissons, coquillages, crustacés et légumes frais cultivés dans les champs, aux fruits, viande de porcs, volailles, produits laitiers, oeufs alors qu’en mer comme sur terre ou dans l’air, le vent, la pluie, les taux de radioactivité, fruits d’une société de croissance sans limites, sont effroyables. A une centaine de kilomètres de la centrale de Fukushima, les niveaux autorisés de becquerels ont été très largement dépassés. Exemple : dans des lots d’épinards, le niveau atteignait 54 000 becquerels par kilo, alors que la limite est de 2 000 becquerels par kilo.

Habiter la terre, à la façon dont les habitants eux-mêmes pensent et comprennent leur territoire, disais-je la semaine dernière. A cette heure, le long du littoral nord-est du Japon, c’est faire comme si…Mais que faire d’autre?

Pourtant qui d’autre au monde est aussi sensible qu’un japonais à ce qui l’entoure, à la beauté des fleurs, des arbres, et des petites choses simples du quotidien? Ou à la sobriété de son habitat traditionnel, ou à sa manière d’être à table en adepte du Hara Hachi Bu qui consiste à rester toujours légèrement sur sa faim et à ne jamais se resservir, cette extrème maîtrise de soi qui nous étonne ici. Habiter la terre, et le temps, les Japonais le savent apparemment beaucoup mieux que nous. Tout en constituant le pays le plus productiviste du monde par tête de pipe où se sent la prospérité et la vie urbaine inhumaine pour les plus faibles (le prix des logements est très élevé). Dans le peloton de tête des pays qui gagnent, Tepco avait su « rationaliser » les coûts de production afin de « sécuriser les profits »! Comment comprendre vu d’ici? Peut être en lisant cet entretien d’un écrivain japonais Mizubayashi.

Alors espérons qu’ils retrouvent « …l’espoir que font naître les choses sans importance » : les jardins japonais qui sont incontestablement parmi les créations les plus profondes, les plus nobles, les plus belles de l’esprit humain. De celles qui élèvent et rendent fiers, en apportant la paix, la joie de la communion dans le hors-temps, dit-on. Ainsi que ces petites choses : étendre son linge entre deux averses, entre deux très longues averses, regarder les chats du quartier qui passent, penser à ses amis qui viendront partager la cérémonie du thé, avec la grosse théière, ses tasses et ses soucoupes, le sucrier et le petit pot de lait. Pendant ce temps, l’insidieux empoisonnement des eaux, de l’air et des terres alentours suit son cours…(lire ici les inquiétudes des physiciens asiatiques).

D.D


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