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L’indicateur IRM. N°493

Écrit par sur 31 août 2011

Lundi soir, un reportage au journal de 20 heures de France2 nous montrait combien fructifiaient, pour le compte des grandes marques, des agences spécialisées en captation de l’attention cérébrale . Des images montraient des consommateurs-cobayes qui subissaient l’épreuve de l’imagerie par résonance magnétique (IRM), technique fort coûteuse d’ordinaire utilisée pour les maladies d’Alzheimer ou pour d’autres dysfonctionnements du cerveau. Cela afin d’y tester des messages de pub sur les neurones de l’émotion.

Ainsi, quand un message est bien fait, il permet le court-circuitage de la partie du cerveau consacrée à la raison en stimulant simultanément celle de l’émotion. Et comme chacun sait, l’émotion fait acheter (et se vendre). Pas la raison qui traîne des pieds. Selon les personnes interrogées, ces tests auxquels contribuent des neuro-psychiatres de renom sont pratiqués par toutes les grandes marques au monde. Sans l’afficher, c’est bien connu.

Permettez-moi ce rapprochement avec ce que j’ai entendu récemment concernant toute autre chose puisqu’il s’agit des indicateurs pour mesurer la richesse d’un pays.

Mesure et démesure ? Qu’existe-t-il comme unité de mesure aujourd’hui ? Le PIB (Produit Intérieur Brut). Mais c’est fini, dans les sphères gouvernementales il est question de le changer. Mesurer le niveau d’un pays en réduisant celui-ci aux échanges monétaires réalisés sur son territoire sur une année, ne convient plus. Par exemple, le PIB n’intègre pas le mauvais impact écologique de certaines activités. Car changer d’indicateur, c’est changer de mesure et donc changer de regard.

Ainsi apparaissent des indicateurs nouveaux comme celui de l’empreinte écologique (calcul écologique de territoires), et celui de l’épargne nette ajustée (actifs financiers/valeur à la nature. C’est-à-dire, pour comptabiliser le capital, de prendre en compte la compensation des destructions que ce capital a produit.

Bien sûr, derrière tout ces indicateurs et de leur choix se dessinent des enjeux de pouvoir. Ou dit autrement des visions qu’on se fait du monde. Le choix de l’unité de mesure n’est jamais neutre. Mais rentrer dans la logique du tout compter est une perversion.

Pour ce faire, Sarkozy avait donc appelé à la rescousse Joseph Stigliz, ex-Prix Nobel. Qui parle lui des indicateurs subjectifs. De quoi s’agit-il ? Comme pour un sondage, pour lui il s’agirait d’inviter les gens à répondre à la question: êtes-vous satisfait, oui/non ? Cela afin d’évaluer non pas la croissance (comme pour le PIB) mais le bonheur individuel en calculant la moyenne des bonheurs individuels. Problème, ça reste de l’individuel et ça oublie le commun, le collectif et les moyens de le construire. Cet indicateur promeut l’individu.

Outre-atlantique, des économistes réputés proposent eux d’aller voir dans le cerveau. Et d’y mesurer le « bonheur ». Par les neurobiologies, en évaluant le sentiment de bonheur, l’on mesurera la richesse du pays. Car selon ces économistes il suffit d’aller sonder le cortex préfrontal gauche qui est responsable de la sensation de sentiments positifs (joie, bonne humeur,..). A première vue ça paraît aberrant voire délirant. Mais non ! A mieux regarder l’on peut s’apercevoir que désormais tout y contribue le plus sérieusement du monde. En croisant cette info avec ce dont témoigne ce reportage télé diffusé lundi, pas de doute on y est presque. Même qu’on ne s’en cache plus, on s’en accommode ! Il suffirait de convoquer un échantillon de personnes représentatives d’un pays et de les passer sous IRM. L’idée peut faire son chemin d’autant qu’elle est pratiquée avec efficacité…pour lancer des campagnes publicitaires. Et donc satisfaire la sphère financière. Oui, et pourquoi pas dans la foulée définir « l’homme nouveau » en sachant en « apprécier » ses stimulations somatiques.

Evidemment on court droit vers des dérives scientistes, selon des principes utilitaristes. Alors, avec les moyens du bord, autrement dit dérisoires, d’autres chercheurs « alternatifs » comme Michel Renault économiste, maître de conférence à l’université de Rennes 1, membre de l’association PEKEA qui se situe en opposition à l’ultralibéralisme financier, propose des Indicateurs de bien être et de progrès social pour des territoires solidaires, durables et responsables. Pour lui il s’agit d’essayer de décentrer le regard par la mise en place d’indicateurs de situation. Principe énoncé: on ne peut pas se comparer. Sans parler qu’on doit collectivement en délibérer : qu’est-ce qu’une valeur pour nous ? Car on peut tout inventer. C’est donc un enjeu fondamental de démocratie.

Pour cette ONG ça consiste à croiser la richesse avec des critères d’éducation et de santé. On associe le revenu médian par habitant, en gros le niveau de vie, avec le niveau d’étude (brevet, bac…) et la mortalité (le décalage avec l’âge probable du décès). Cet indice est déjà disponible au niveau de chaque canton. Michel Renault rappelle que la question qui ne doit échapper à personne est de regarder les constituants de ces mesures et indicateurs, c’est-à-dire ce qu’on a mis dedans. Et comment nous situons-nous par rapport à ça.

Recherche d’indicateurs économiques? Anselm Jappe, théoricien de la « nouvelle critique de la valeur » expliquait jeudi dernier à Rennes ceci: considérant que la différence s’accroît entre le coût de fabrication d’un produit (toujours plus bas) et son prix de vente (toujours plus haut pour dégager la meilleure marge de profit), le produit ne trouvera plus d’acheteur. Du coup, le système s’effondrera. Je simplifie la démonstration et fais vite (bientôt l’enregistrement sera mis en ligne): prenons le principe des vases communicants. Plus un vase se remplit plus l’autre se vide. Si rien ne vient renverser le vase plein dans le vase vide, à sec le système s’arrête net. Comme indicateur c’est parlant. Mais dans ce processus enclenché, en économie capitaliste personne ne peut renverser le vase plein. Parce qu’en grande partie c’est de l’air. Principe de réalité. Voilà tout.

Recherche de nouveaux indicateurs synthétiques, fondés sur des visions alternatives de ce qui fait la « richesse des nations » ? bien malin qui fera la part du baratin destiné à justifier l’optimisme de rigueur quant à la « santé » de notre système économique. D’ailleurs, pourquoi se creuser le cortex, certains indicateurs sont bien toujours déjà là: ceux qui révèlent des riches de plus en plus nombreux et de plus en plus riches, des pauvres de plus en plus nombreux et de plus en plus pauvres!

D.D


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