En ce moment

Titre

Artiste

 Titre diffusé : 

 Titre diffusé : 

Background

Numérique. N°373

Écrit par sur 25 juin 2009

Nouvelle pratique? Je vous fais part d’une observation. Cela se passe près d’un site touristique. Sur le parking, un ballet incessant de voitures immatriculées hors département. En déduire qu’il s’agit là de touristes de passage. Arrêt du véhicule, les personnes en descendent et s’approchent du point de vue. Là-bas, l’île. A mi-distance, les vagues de la mer.

On y compte autant d’appareils de photo que de voitures. Les personnes cadrent l’image, appuient, c’est fait! se retournent et regagnent les véhicules. Repartent, alors que d’autres arrivent, et le manège continue.

Combien en compte-t-on ainsi? Des centaines. Qu’en penser? y déceler des comportements ridicules ou des égarements? Ou la chasse aux images pour dépôt sur ordinateur? Car à l’observation, les appareils sont numériques, donc l’ordinateur n’est pas loin, ou du moins attend-il à la maison. Faut-il y voir une poésie numérique dans cette appropriation populaire d’un usage hautement incité par les moyens promotionnels? Ou des initiatives créatrices libérées en même temps que passe-temps pour population retraitée (les trois quarts des visiteurs); population alourdie désormais affairée à ces nouveaux terrains d’aventure et de réalisation de soi (ordinateur, randonnées pour les uns, ou motos pour d’autres, etc…)?

Autre question: sans ces petits appareils numériques seraient-elles aussi nombreuses? Cette pratique du numérique a-t-elle un avenir? Que camoufle-t-elle? Qu’est-ce qui en fait le charme? Réside-t-il dans le fait de renouveler l’album archi périmé composé d’images brillantes alors que l’île bien qu’érodée un peu plus, n’a en soi pas changé?

Faut-il appréhender déjà une triste technologie qui engendre une liaison servile? En incitant à engranger les images, avec la possibilité de les retoucher, faut-il y voir un avenir sombre et pathétique depuis que l’ordinateur a changé notre rapport au monde tout en apportant des commodités d’usage?

Pour un diagnostic évolutif, attendre des documents d’étude à venir… Mais je ne parle que des corps -sans sentir d’ailleurs chez eux que les sens sont en éveil constant-, de la technologie, et des mouvements, un mot quand même de la lumière: vraiment une chance pour les photos, il y faisait beau. Mais un beau détrempé. Un clic! entre deux averses…ça évite de rentrer bredouille! Et surtout, comme l’aurait dit Léo, ça occupe…sa solitude!

Pour la solitude oui, échanger avec le locataire de l’île qui revient des courses à marée basse avec ses deux sacs SuperU à chaque main, serait plaisant, mais revenons au matériel des visiteurs. Et à cette idée: le matériel est là donc tout est fait. Avec ces appareils de photo il n’y a plus à s’en faire, faire une photo se résume à cadrer et à cliquer. Reste plus qu’à remballer et passer vite à autre chose. Embêtant ça. Il semblerait du coup que l’objet de la photo n’intéresse plus, sans émotion apparente constatée comme chez des gens blasés de tout, sans éclats de voix ni frémissements joyeux et émerveillés, seulement compte l’image produite par l’appareil. Donc seul compte l’objet. L’objet acheté, donc la marchandise. Et ce qu’il produit comme visuel à la condition qu’il passe vite. Un coup d’oeil et on passe à autre chose à grande vitesse. Dans l’adoration des objets, l’île n’est plus qu’un des prétextes.

Quant à l’étonnement face à l’île, avec ce qu’il est possible d’y ressentir à la rencontre de pareille beauté, à l’observation des visiteurs pas de réaction! Ni d’émotion manifestée, y compris chez ceux qui l’ont découverte la première fois car devait-il y en avoir! Quant à s’attendre néanmoins chez un amateur de photo à une recherche de l’angle de vue qui suscite le plus d’intérêt car il permettra de saisir l’image pour communiquer au mieux la passion ressentie à la découverte d’un tel site, à l’observation est-il resté rare, caché, et de petite taille puisque je n’ai rien vu de tel.

Par contre, chez les visiteurs s’ajoutent aux fiers propriétaires d’appareils de photo, ceux qui les croisent: propriétaires de grosses cylindrées californiennes et de toutes leurs panoplies d’uniformes de guerriers du bitume, y compris avec poupées ou oursons fétiches à l’arrière-train -qui optent pour une prise de vue bien bruyante dos tourné à l’île, la cible étant l’alignée de motos avec leurs héros qui les chevauchent « Groupir! Photo! »-, ou propriétaires de sacs à dos et de tout l’attirail du parfait randonneur-baroudeur haletant des déserts qui se traversent d’un pas pressé.

Là-bas, l’île. A mi-distance, les vagues de la mer. Sur la rive, les objets qui se confrontent à la beauté du monde. Et le tout oui, s’observe.

D.D


Les opinions du lecteur

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.


Continuer la lecture

Article précédent

Cyclope. N°257.


Miniature