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On dirait le sud… N°19.

Écrit par sur 7 juillet 2010

Ces jours-ci, le soleil est remonté du sud. Avec ce soleil vif c’est un peu d’Espagne, un peu d’Afrique qui est revenu. Avec lui, les hirondelles, ces migrantes, dansent entre les lignes blanches des vols internationaux. Avec ce soleil plus fort aussi, nous sommes désormais un peu plus absorbés par ce que voient nos yeux. Les couleurs, les contrastes d’ombres et de lumières s’impriment vivement sur nos rétines. Parfois cela en est même presque trop, comme la chaleur que l’on a pourtant tant attendu. Presque trop comme pour ces maçons travaillant en plein cagnard. Sur ces chantiers qui nous font encore penser à l’Espagne et ces innombrables quartiers qui, il y a quelques années, sortaient de terre. Là-bas désormais les grues ne font plus que mesurer le ciel.

Le sud remonte vers nous, donc, pendant que partout les vacances commencent. La saison de l’école se termine, les salles de cours se vident et les gens sortent dans les rues. Les terrasses sont pleines, les robes affleurent, les gens cherchent ces filets d’air pendant que le bitume, lui, devient une sorte de réglisse un peu écoeurant. Il y aussi les programmes estivaux à la radio, les informations qui se font moins graves, les conversations jusque tard dans la nuit. Et puis très vite, on entend les départs qui se préparent, très vite on voit les autoroutes qui se surchargent, les campings-cars et les bâches sur les galeries.

Ce soleil, c’est aussi cette saison nomade où le temps remonte quand beaucoup descendent à sa rencontre. Avec ces temps de canicule, de sécheresse et de poussière, la rêverie nous porte vers ces régions arides, leurs paysages, leurs habitants. Rêverie de routes dans le désert, rêverie de ventilos et de lumières. Cette rêverie comme une vacance, comme un ailleurs, une brèche. « Vacance », nous dit le dictionnaire, cela désigne la période où les tribunaux interrompent leurs travaux, puis par extension les jours de congés. Etre vacant signifie « être libre », « avoir du temps pour » autre chose que les soucis, bref « où l’on interrompt le travail pour se détendre ». Les vacances et le soleil sont en effet comme des parenthèses dans le cours ordinaire et laborieux des choses. Comme une discontinuité aérienne dans ce contexte lourd d’une crise qui ressemble de plus en plus à un marécage. Et comme « il ne faut pas que le chagrin s’amasse dans notre âme comme l’eau d’un marécage »*, le soleil de ces jours-ci a cette vertu d’assécher les larmes.

* « Lettres à Théo », V. Van Gogh

M.D

Chronique:

Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. Le désespoir n’a pas d’ailes, il ne se tient pas nécessairement à une table desservie sur une terrasse, le soir, au bord de la mer… Nous n’avons pas fini de désespérer si nous commençons. Moi je désespère de l’abat-jour vers quatre heures, je désespère de l’éventail vers minuit, je désespère de la cigarette des condamnés. Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. Le désespoir n’a pas de coeur, la main reste toujours au désespoir hors d’haleine, au désespoir dont les glaces ne nous disent jamais s’il est mort. Je vis de ce désespoir qui m’enchante. J’aime cette mouche bleue qui vole dans le ciel à l’heure où les étoiles chantonnent. Je connais dans ses grandes lignes le désespoir aux longs étonnements grêles, le désespoir de la fierté, le désespoir de la colère… Et les annonces de journal, et les réclames lumineuses le long du canal. Dans ses grandes lignes le désespoir n’a pas d’importance. C’est une corvée d’arbres qui va encore faire une forêt, c’est une corvée d’étoiles qui va encore faire un jour de moins, c’est une corvée de jours de moins qui va encore faire ma vie.

ANDRE BRETON. Le verbe être. (Clair de Terre)

Françoise.

07/07/2010 18H58


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