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L’aéroport. N°636

Écrit par sur 18 juin 2014

Voyageons un peu. Escapade à Berlin, suite. Je ne vous parlerai pas de celui de Notre-Dame-des-Landes mais de l’aéroport de Tempelhof à Berlin, le premier aéroport d’Allemagne. Sur lequel le Kaiser a effectué son premier vol et Hitler en a édifié les bâtiments. Tempelhof a ensuite pris une ampleur phénoménale, en ayant son heure de gloire lors du pont aérien mis en place par les Occidentaux pendant le blocus soviétique de 1948-1949.

Berlin « ville citoyenne ».

Pris d’assaut par les riverains dès sa fermeture en 2008, le site de Tempelhof qui s’étend sur 386 hectares est alors devenu officiellement en 2010 un immense parc urbain. Ce qui en fait à mes yeux un endroit assez exemplaire pour symboliser le retournement de l’Histoire vécu par la ville.

Et le restera : lors du référendum du 25 mai dernier –en même temps que les Européennes- les Berlinois se sont prononcés contre la construction de logements sur les pourtours du parc. A l’initiative : «Tempelhof 100%»  qui est une association de riverains opposés aux «projets conçus pour les investisseurs et non pour la majorité des Berlinois». Elle a pu rassembler plus de signatures que nécessaires pour organiser ce référendum d’initiative populaire. A l’issue duquel 65% des votants berlinois se sont déclarés contre le projet du gouvernement local.

Ainsi sur cet ancien tarmac, face au terminal construit par les Nazis, dans cet espace aujourd’hui de liberté de 6 kilomètres de voie goudronnée y circulent cyclistes, amateurs de roller, de cerf-volant, de chars à voile et joggeurs, jeunes parents, propriétaires de chien, fous de jardinage, adeptes du barbecue dominical ou curieux.

Berlin « ville multiculturelle ».

Le site de Tempelhof offre un espace de verdure à nombre de familles du quartier multiculturel de Kreuzberg, tout proche et à la lisière de Neukölln, l’un des nouveaux quartiers branchés de la ville -après qu’il eut été alternatif-, en leur permettant de transformer la destination de cet espace incroyable. Les familles de toutes origines –qu’on ne voit que dans ces quartiers, pas dans les autres- s’y regroupent ainsi à l’ombre des arbres, au frais sur l’immense étendue verte, paisiblement dans une odeur de grillades et brochettes.

Que cet espace populaire soit situé à 20 minutes en métro de la station Rosenthaler en centre-ville peut donner une explication à la question qui me hantait. Après avoir observé dès notre arrivée que Berlin n’est pas une ville monde. A la différence de Paris ou de Londres. Elle est cosmopolite intellectuellement mais au niveau de la population on retrouve surtout des européens. Peu de noirs, d’origine des bords de Méditerranée et d’Asiatiques à Berlin. Hormis dans ces quartiers populaires –nouvellement gentrifiés qui bordent l’aéroport. Où se produit un grand festival multi-culturel (Karneval der Kulturen) annuel réunissant plus de 90 groupes, 5000 participants et 1,8 millions de visiteurs. Nous en étions.

Le temps de quelques observations à partir du bord de la parade -qui s’est tenue le 6 juin dans une chaleur suffocante, un record historique de température : 33 à 35 ° pendant les jours de notre présence -, qui confirmeraient ce que j’ai lu depuis mon retour : « Le carnaval est « le plus grand spectacle anti-raciste que nous avons dans cette ville», explique son président.

Bon, dans quelle mesure le spectacle de ce carnaval de Kreuzberg a effectivement ce potentiel subversif reste à voir. Pas de revendications visibles. Mais finalement ce n’est pas l’objet. Puisque apparemment pour les musiciens, les danseurs et les visiteurs tous viennent pour le plaisir simple d’assister et de prendre part au carnaval. 

Comme il fut difficile sous cette chaleur de voir la totalité du défilé sans s’échapper pour engloutir une bière ou deux, donc à défaut d’assister à leur passage j’ai lu –depuis mon retour- qu’en plus des classiques comme les danseurs de samba, les dragons chinois et des camions avec ravers cette année étaient également annoncés des réfugiés de « Lampedusa à Berlin ». Ce qui donne quand même à ce défilé une signification sociale différente.

Qui révèle peut être ce que cette grande capitale européenne (Berlin : 3,416 millions) tente de se cacher. Mais dont le théâtre d’ombres sauta immédiatement aux yeux du promeneur urbain que j’étais (c’est plus fort que moi) après qu’il eut observé qui circule –et qui ne circule pas- dans cette ville aux avenues et métro disproportionnés. « Un voyage en métro est parfois plus riche d’enseignements qu’un voyage sur les mers ou dans des pays lointains », écrit Roth, l’écrivain. C’est ainsi que vient tout bonnement la question : « Où sont les gens ? ».

Berlin « c’est tendance ! ».

Quelle communauté de vie dans ce Berlin avec son histoire complexe, son expérience de la division, son présent dynamique, sa foultitude d’expérimentations urbaines et citoyennes avec la dernière en date, cette métamorphose de Tempelhof ? Qui s’est, depuis la réunification, imposée comme une jeune capitale en mouvement avec une forte capacité d’attraction. Ville très « tendance » la plus branchée et cool d’Europe, est-il dit. Ce qui n’est pas faux au regard du nombre de berlinois grands usagers du vélo, qui s’étendent l’épine dorsale au soleil en sirotant leur bière dès que possible sur de grands espaces de verdure. Comme au calme que dégage cette ville à grands espaces. Comme encore au regard du street art, ces peintures murales inspirées par la ville et son architecture en perpétuelle mutation.

Donc « cool ». C’est entendu. Bien que les allemands du vingt-et-unième siècle portent toujours leur Histoire. Qui fut celle d’être le chaudron de la barbarie.

Alors pourquoi plaît-elle tant ? Elle passe pour la ville qui a tout à redéfinir, à réinventer. Ainsi est-elle le point de ralliement des alternatifs et des avant gardes du monde entier en qualité de capitale culturelle et artistique de premier plan. Un point noir : Berlin reste l’une des grandes villes les plus pauvres du pays. Lire ce bel article de Libé.

Quant aux lieux alternatifs, nous avions le nôtre. Il s’agissait de l’ACUD, un lieu multifonction associatif et poétique (seuls ces lieux alternatifs le sont) qui réunit cinéma engagé pour les causes progressistes et écologiques, théâtre, galerie d’art, et café-concert. C’est dans le jardin de ce dernier nommé « maxfish » que chaque soir près d’un brasero nous refaisions Berlin autour d’un verre…de bière. Évidemment, de nos huit yeux réunis, pas deux n’avaient vu la même chose. Tant mieux.

D.D


Les opinions du lecteur
  1. Françoise   Sur   19 juin 2014 à 23 h 06 min

    Berlin, ville simulacre
    Lisons ce livre de Margaret Manale, « Berlin, ville convertible » chez Gallimar
    « …Aujourd’hui, les urbanistes avertis en sont persuadés : pour attirer ce qu’on appelle les nouvelles couches sociales, la « classe créative » et les gagnants de l’économie mondialisée, à l’affût du pittoresque et du luxe, la ville doit être dotée d’une « marque » qui tienne compte de leurs besoins. Pour que la capitale allemande retrouve sa place sur le grand échiquier de la démocratie-monde, son « paradigme de ville » devra obligatoirement produire cette urbanité qui serait alors celle de « la ville européenne ». Ne pourra-t-on pas y voir du même coup le « berceau » de la démocratie, ce qui permettrait à Berlin de se prévaloir d’une image valorisante qui renoue avec son passé de ville-vitrine du monde occidental ?
    Pensé pour un marché globalisé, cet imaginaire de la ville se nourrit à deux sources : d’un part, la rhétorique des images publicitaires et, de l’autre, la parole « scientifique » des experts. Ainsi, pendant les trois années qui précèdent l’adoption formelle d’un nouveau plan d’urbanisme pour le centre de Berlin, la municipalité va s’employer à animer, avec le concours d’universitaires, de journalistes et d’architectes, une campagne marketing fondée sur une série de grands « débats citoyens ». Instaurer une « relation dialogique intense » avec les habitants, n’est-ce pas la meilleure preuve que la démocratie est bien le « maître d’œuvre » de cette capitale ?… »
    Alors ce référendum n’est-il pas un simulacre de citoyenneté? Ce site de Tempelhof, où il n’y avait ni cerf-volant ni ombre ni eau ni passage protégé pour les nombreuses poussettes…vague terrain ressemblant à une grande aire d’autoroute…
    Simulacre de liberté, de contestation, ces grands et beaux « tags » en haut des immeubles refaits à neuf, bien léchés, beaux décors factices…
    Simulacre d’ouverture d’esprit ces bancelles faussement bancales , ces terrasses faussement bricolées sur lesquels s’agglutinent les trentenaires friqués…
    Simulacre de décontraction… »cool » sont ces gens vautrés (trentenaires friqués)sur les pelouses et qui y oublient leurs immondices : boîtes à pizza et bouteilles…
    Pas simulacre, ce jeune déglingué, shooté à mort, peut-être mort aujourd’hui et qui n’aura reçu aucun soin…

  2. françoise   Sur   21 juin 2014 à 14 h 07 min

    Berlin ville simulacre, suite…
    Simulacre, ce métro dont le prix exorbitant des tickets tient à distance respectable les habitants indésirables des quartiers éloignés…
    Simulacre ces pelouses vertes qui mitent l’espace urbain, le délitent et le fragmentent rendant impossible toute cohésion propre à la ville.
    Simulacre cette convocation des plus grands architectes modernes de la planète qui concentrent, à l’identique, le verre et l’acier à la place du béton.
    Simulacre le Check Point Charly et la pantomime de deux comédiens déguisés en militaires américains
    Simulacre ces restes du Mur à Potsdamer Platz, sur lesquels on (qui ?) colle son schwingum au lieu de le cracher
    Pas simulacre la saleté repoussante des jardins d’enfants (privés d’école maternelle rappelons-le)

  3. Francoise   Sur   22 juin 2014 à 6 h 59 min

    Berlin ville simulacre, suite et fin
    Il y a même tricherie sur l’étymologie. Le nom de « Berlin » qui ne provient pas de la racine germanique Bär « ours » comme se plaisent à l’imaginer les Berlinois avec leurs ours au bras tendu, mais est issu de la racine slave brl qui désigne un marais ou une zone marécageuse. Le nom « Berlin » pourrait être aussi rapproché du terme sorabe barlen ou berlén qui désigne les grillages de bois placés en divers endroits d’une rivière par les pêcheurs…
    Mais on aime tant l’ours en Allemagne que des voyages de chasse à l’ours sont organisés en Roumanie, l’ours des carpates s’abat facilement pour quelques milliers d’euros.

  4. Dugué   Sur   13 juillet 2014 à 11 h 56 min

    Berlin , ville simulacre. Pour qui ne connait pas cette ville, et j’en suis, elle apparaît dans ce texte comme une sorte de paradigme du nouveau libéralisme faussement démocratique mais si propre sur lui, cuirassé de bonne conscience , aveugle à tout ce qui n’est pas signe de la réussite économique d’une classe . Une espèce de décor dans les coulisses duquel se traîne le mot exploitation qu’il n’est plus d’usage, aujourd’hui, d’employer. Un exploité, n’est-ce-pas est présentement un défavorisé . Mais pourquoi ? Le ciel s’est détourné de lui, pas les dominants, eux ils compatissent…..!

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