Il y a 70 ans, le « NON » de Rosa Parks. N°1229
Écrit par admin sur 3 décembre 2025
Dans la mémoire du siècle, elle restera « la femme qui s’est tenue debout en restant assise « , selon ce qu’en dira la société de bus de Montgomery, capitale de l’Alalabam, lors de ses funérailles. Cette couturière qui rentrait du boulot est entrée dans l’histoire cinquante plus tôt, le 1er décembre 1955, après s’être assise dans l’autobus. Son courage de dire « NON » sera l’un des moments déterminants du mouvement pour les droits civiques dans une Amérique gangrénée par la ségrégation raciale. Mais sans le mouvement Black Panthers, Rosa Parks n’aurait pas eu la force de frappe qu’elle a pu avoir.
Rien n’est jamais acquis. En France même, ce mardi, il vient d’être jugé par le tribunal correctionnel de Troyes neufs prévenu·es, âgés de 21 à 56 ans, dont cinq adhérent·es de la Fédération française de parachutisme, et trois militaires de la brigade des sapeurs pompiers de Paris. « Des images de la soirée costumée qui avait pour thème « Super-héros, super-vilains » ont été diffusées mardi au tribunal de Troyes. L’AFP rapporte qu’on y voyait cinq personnes dans des tenues blanches cagoulées caractéristiques du Ku Klux Klan posant près d’un feu de palettes en faisant semblant d’étrangler trois personnes maquillées en noir. « Avec des mimiques en train d’agoniser », a relevé la procureure, avec dégoût. A la barre, l’un des prévenus a affirmé qu’il ignorait auparavant ce qu’était le Ku Klux Klan : « Pour moi, c’était juste une secte (…). En cherchant sur Google Images il n’y avait aucun caractère raciste visible« . « Je ne me rendais pas compte, ça n’aurait pas dû arriver », a-t-il ajouté. » Un autre avait immortalisé les scènes avec son téléphone portable puis les avait envoyé en diffusion publique sur le réseau WhatsApp, il a été écroué à son tour. Tous étaient jugés pour “provocation publique à la haine ou à la violence en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion”. La procureure du tribunal a fini par requérir la condamnation des neufs prévenu·es en s’inquiétant de la » banalisation d’un racisme latent qui s’autojustifie « .
Rétrospectivement, face à cette provocation à la haine, la puissance évocatrice de ce « NON » d’insoumission et de résistance de Rosa Parks est telle qu’elle résonne d’une grande actualité. C’est ce dont il est question dans le texte qui suit, paru sur le site de la radio milanaise Radio Popolare, que la Chronique d’ici-même s’honore de relayer.
D.D
« Chaque idéal, chaque cause, chaque mouvement a ses héros et ses symboles. Rosa Parks est, sans aucun doute, le symbole et l’héroïne du mouvement des droits civiques. Son refus de céder sa place à une personne blanche dans un bus de Montgomery, en Alabama, il y a exactement 70 ans, le 1er décembre 1955, est le geste le plus célèbre et le plus souvent raconté de la lutte des Afro-Américains pour l’égalité. Or, les symboles doivent être clairs et directs pour représenter l’ensemble. C’est pourquoi même l’histoire de Rosa Parks a été simplifiée et auréolée d’une aura de conte de fées qui risque d’occulter la vérité historique. Pour résumer, le 1er décembre 1955, rentrant du travail, fatiguée, Rosa Parks s’assoit au milieu d’un bus de Montgomery. Un arrêté municipal datant de 1900 stipulait que les sièges avant étaient réservés aux Blancs et les sièges arrière aux Noirs. Les protestations de la communauté noire de la ville ont immédiatement éclaté, notamment parce que les Afro-Américains représentaient la grande majorité des usagers des transports en commun. En 1902, la ville de Montgomery fut contrainte d’adopter un amendement stipulant qu’aucun passager ne pouvait être forcé de céder sa place si une autre était disponible. Cet amendement, cependant, eut peu d’effet, en partie parce que les chauffeurs de bus disposaient d’une grande latitude pour appliquer la règle. Les protestations de la communauté noire de Montgomery contre la ségrégation dans les transports en commun se poursuivirent pendant des décennies.
Rosa Parks elle-même, en 1944, eut une altercation dans un bus au sujet du choix de sa place. Cependant, durant ces années, plusieurs incidents impliquèrent des Afro-Américains refusant de céder leur place, ce qui entraîna des arrestations. Au milieu des années 1950, la section de Montgomery de la NAACP, l’association pour la promotion des personnes de couleur, recherchait un exemple concret susceptible de déclencher la bataille juridique et politique contre la ségrégation. Rosa Parks, alors secrétaire de la NAACP, lui fournit cet exemple. On a beaucoup débattu pour savoir si son refus de céder sa place avait été convenu et préparé avec les leaders afro-américains locaux. Il a été conclu qu’il ne s’agissait probablement pas d’une action concertée, mais plutôt d’un acte motivé par l’épuisement et l’exaspération de Rosa Parks. Cependant, une fois expulsée et arrêtée, les dirigeants de la NAACP trouvèrent l’affaire qu’ils cherchaient. Rosa était, après tout, parfaite. Respectée de tous, une citoyenne exemplaire, loin de tout excès de colère. Rien, dans son passé comme dans son présent, ne pouvait indiquer qu’elle représentait une menace pour le système et les valeurs américaines. Après ce 1er décembre 1955, se sont déroulés les événements que nous connaissons : le boycott des transports publics de Montgomery, l’action en justice et l’arrêt de la Cour suprême du 13 novembre 1956, qui déclara la ségrégation dans les bus inconstitutionnelle.
Alors que nous célébrons les 70 ans de la mémoire de Rosa Parks, il convient également de souligner un point. Soixante-dix ans après ce geste, les Afro-Américains traversent actuellement l’une des périodes les plus difficiles de leur histoire récente. Des mesures comme l’annulation des prestations d’Obamacare ou la suspension des bons alimentaires, décidées par Donald Trump pendant le blocage budgétaire, ciblent principalement les Afro-Américains. Trump tente également de redessiner les circonscriptions électorales dans de nombreux États, rendant ainsi le vote des Noirs inefficace. Et la discussion, le débat sur le racisme, du moins au niveau gouvernemental, devient de plus en plus tabou. À cet égard, on peut citer l’exemple de Rosa Parks. En 2023, une première version des manuels scolaires de CP dans les écoles publiques de Floride racontait l’histoire de Rosa Parks, mais omettait un fait essentiel : qu’elle était noire et qu’elle avait refusé de céder sa place à une personne blanche. Une loi floridienne interdit d’aborder des sujets sensibles et délicats en classe, afin de ne pas perturber les enfants. Le racisme en fait partie. Ainsi, Rosa Parks est aujourd’hui privée de la couleur de peau qui a inspiré son combat. »
Ce qui a été dit et écrit ici-même autour du racisme français.