Si la question demeure… N°1213
Écrit par admin sur 13 août 2025
Question d’actualité : qu’est-ce qui peut motiver la participation d’individus à des entreprises d’extermination de masse sous l’égide de régimes génocidaires dont le XXe siècle a fourni maints exemples, et que le suivant reproduit ? Trop facile de considérer que ces violences meurtrières dirigées contre des populations entières seraient le fait de psychopathes, voire même de « monstres psychopathes » ou de « bourreaux ordinaires » comme l’estimait Hannah Arendt sans doute un peu trop rapidement.
En fait, la question demeure. Pour tenter de comprendre, il y a peu en La Chronique d’ici-même – relire ici-, il était cité le sociologue polonais Zygmunt Bauman, qui affirme que l’extermination de masse constitue l’apogée de la « modernité » en terme de rationalité « les normes et les institutions de la modernité », ceci pouvant aller jusqu’à traiter l’être humain comme un déchet lorsqu’il n’est plus utilisable.
Un ouvrage d’Aram de Swaan, « Diviser pour tuer – Les régimes génocidaires et leurs hommes de main » – lire là & là-, un sociologue néerlandais, préfère se tourner vers le sociologue allemand Norbert Elias.
Pour lui, le développement de l’Etat au cours des siècles a contribué au processus de civilisation à travers lequel l’usage de la violence par l’individu a diminué progressivement. Cela en reconnaissant à l’Etat une autorité légitime, et en lui laissant par là le monopole de la violence. De cette façon, les individus ont appris à se civiliser, au sens où ils sont parvenus à réguler de façon toujours plus efface leurs pulsions agressives.
Du coup, c’est parce qu’il détient l’usage exclusif de la violence légitime, que l’Etat peut vouloir diriger cette même violence contre un groupe ciblé objet d’une entreprise d’extermination. Elias y voit par là le processus de civilisation suivant son cours normal, mais c’est à l’inverse un processus de décivilisation qui se trouve à l’oeuvre, pour aboutir à la mise en place de mécanismes de la violence de masse asymétrique, touchant des populations désarmées. Diviser permet au pouvoir non seulement de régner, mais aussi de stigmatiser et de détruire.
Mais… si cette question demeure… « comment supporter l’insoutenable sans être passivement complice ? » comme le crie Irène Frachon dans ce texte implacable paru dans Ouest-France le 07/08/2025.
D.D
Ce qui a été dit et écrit ici-même autour de Zygmunt Bauman, de Norbert Elias et d’Hannah Arendt. Ainsi qu’autour de Gaza.