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Chêne. N°444.

Écrit par sur 29 septembre 2010

 » Le plus grand arbre est né d’une graîne menue ; une tour de neuf étages est partie d’une poignée de terre.  » Lao-Tseu.

Le très beau chêne pédonculé d’un mètre vingt de diamètre fraîchement abattu m’a profondément touché. Il était magnifique et son feuillage rayonnait sur le quartier. Ce chêne solitaire était le dernier du quartier de la Gare par sa taille 30 à 40 mètres de haut, et sa longévité 400 ou 500 ans. Pour y faire son lotissement communal la municipalité l’a fait couper en petits bouts par quelques domestiques municipaux et ayants droit douteux. Enfin le beau tronc a dû être vendu, sans que l’on sache qui en est l’heureux bénéficiaire bien que nous en ayons une vague idée. J’avoue que sur le coup ça m’a mis en pétard …

La voirie du lotissement pouvait-elle être dessinée autrement? Bien sûr que oui. Les lots pouvaient-ils être taillés selon d’autres modalités de découpe? Bien sûr que oui. Mais la bêtise a sévit. Ou l’appât du gain, la corde de chêne ça se monnaye bien. De la négligence? Oui, voici trois raisons probables, dérisoires et pathétiques. Jamais franchement il ne m’est venu à l’esprit qu’en 2010 une municipalité et un maire soient capables d’en arriver là. Pourtant l’on m’avait mis en garde. Mais il faut préciser: le lotissement communal est à destination sociale. Ces futurs résidents des logements sociaux ne mériteraient-ils pas que cela soit beau? Aurait-il été supprimé dans un quartier résidentiel où il est question en général « d’environnement paysager et urbanistique de qualité »? Bien sûr que non!

Pratique à l’ancienne. Aux antipodes de nos jours du sens commun, de ce qui va de soi dans le domaine de la vie publique, et de ce qui fonde les aménagements visant à réintégrer le durable. Puisqu’à partir de ce chêne monumental il aurait été possible de créer une centralité au quartier, ou son point fort, ou sa la clé de voûte, ces élus du néant ont choisi de l’abattre, l’arracher à son sol. Du coup, plus jamais les mômes du lotissement comme du quartier ne verront ce qu’est un vieil arbre, symbole de puissance, de majesté et de pérennité. Mais aussi celui qui enseigne la formule cyclique des saisons, le sens de la durée, la construction d’une sérénité.

Son choix s’inscrivant dans la perte du sens, de repères, j’avise ainsi Monsieur Le Maire qu’un certain Lao-Tseu aurait pu l’aider dans sa décision: « Si tu as une tâche à accomplir, n’oublie pas que le grand chêne a été un gland comme toi. »

Déjà donc, avant tout béton et bitume, le bruit des moteurs et les parkings, la lueur jaunasse des éclairages urbains et des gazons sur terres mortes, ces élus éphémères ont réussi à enlaidir le paysage et la topographie en y constituant et fabriquant sur un large plateau incliné, en un mot: un « non-lieu ». Maintenant que les chaussées sont terrassées et le talus boisé disparu, le terrain est livré au vent du large sud-ouest, rasé. Bref, voilà un belvédère parfait sur ligne de chemins de fer, le grand jeu. Chapeau! C’est devenu un espace interchangeable sans mémoire. Un espace sans qualité, l’ordinaire, le banal. Un vide béant. Ah ! oui j’imagine d’ici la réponse de l’élu se justifiant : «Je ne vois pas le problème, il est prévu qu’on replante ! » Absurde !

Car cet arbre, autrefois compagnon du pas lourd du cheval de labour et du paysan grattant son champ, c’était l’esprit du lieu, son âme. Identité et ancrage. Calme. Idée du temps à la lumière du soir, le moment où les ombres s’allongent. Renseignements pris, côté mairie on l’accusait d’avoir la rage, du moins d’être atteint d’un mal qui ronge : « Il était malade, il y allait avoir des petites maisons dessous, on ne pouvait pas le garder! » Faux! Je connaissais le Grand Chêne. Parfaite santé. A larges branches, vigoureux. Tout un art de vivre.

Bon, le problème pratique dans tout ça c’est finalement de se demander pourquoi ce Grand Chêne n’a pu résister alors que tout un dispositif de textes, lois et décrets réglementent tout projet d’aménagement en imposant le respect de l’environnement et le caractère paysager d’un site. A titre personnel, si je ne me suis pas inquiété outre-mesure c’est que je fus piégé par ma connaissance des contraintes réglementaires, à la différence de la personne qui m’avait mis en garde. Leçon à méditer: en matière théorique nous avons la garantie de la conservation du Grand Chêne; mais en matière pratique, nous n’avons nullement cette garantie.

D.D

Chronique:

« lotissement communal à destination sociale » ?

Tu veux dire des cabanes à lapins comme celles qui ont été construites à la Mézière ? (avec en prime vue sur la voie ferrée ?) Alors, c’est facile à comprendre ! Cet immense chêne aurait rendu comparativement les cahutes encore plus petiotes, il leur aurait fait de l’ombre en quelque sorte…

Ou alors, j’ai une autre interprétation (aussi pourave je le reconnais) : Le chêne étant un symbole de justice et d’équité, donc un symbole de réduction des inégalités sociales, sa simple silhouette émergeant du lotissement , aurait mis le rouge au front des mémères parisiennes venant se faire défriper en thalasso à Saint-Malo…

Mais, voici une consolation possible : « Plusieurs pays se servent de la branche de chêne comme symbole de la stabilité de leur régime politique »…avec celui qu’ils ont abattu là, on peut nourrir quelque espoir non ?

Françoise.

24/09/10 21:56


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