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« La GHF et Gaza-Plage. » N°1206 BIS

Écrit par sur 29 juin 2025

L’intention de cette Chronique d’ici-même bis, dépouillée de tout attribut mais sans perte de repères, s’emploie à relayer ce jour ce texte implacable de l’écrivain et traducteur André Markowicz sur cet événement majeur qui « est en train de se passer sous nos yeux » – tiré de sa page Fb en date du 29/06/2025.
« La GHF et Gaza-Plage
Commençons par deux évidences factuelles, – je veux dire que ce ne sont pas des opinions mais des réalités. D’abord, à Gaza, les journalistes extérieurs, occidentaux ou autres, sont interdits d’entrer d’une façon indépendante par Israël, c’est-à-dire qu’Israel rend impossible l’information non-partisane. Israel revendique donc l’univocité ou le secret, et cela est, en soi, une condamnation d’Israel par Israel même. Ensuite, c’est l’ensemble de la population gazaouïe qui dépend de l’aide humanitaire, c’est-à-dire, donc, quelque chose comme deux millions de personnes. Il n’y a, visiblement pour personne (en dehors de membres des mafias locales – dont aujourd’hui Israel revendique le fait qu’il les paye, soi-disant contre le Hamas) il n’y a aucun moyen de vivre. Rappelons qu’aujourd’hui c’est, d’autre part, entre 80 et 70% du parc immobilier du territoire qui est détruit, et que la fluctuation entre ces chiffres tient au fait de savoir ce qu’on appelle « détruit » : si le bâtiment est carrément par terre, en ruines, ou s’il tient encore mais qu’il est réduit à des pierres branlantes, – sachant que, – c’est une évidence qu’il faut rappeler, parce qu’elle est factuelle, elle aussi, – qu’il n’y a pas d’électricité et pas d’eau en dehors de la bonne, ou mauvaise, volonté israélienne.
Ensuite, la façon dont la distribution de nourriture se passe, une fois que toutes les organisations internationales – accusées d’être infiltrées par le Hamas – ont été chassées. Elles sont faites par une société privée américaine, la GHF, dont nous apprenons qu’établie en Suisse, elle ne répond pas même aux, faibles, exigences des lois suisses, et qu’elles n’ont aucun compte financier en Suisse ni rapport financier ni aucun organe de révision financière. Il apparaît que cette organisation est simplement une officine de la CIA (ses deux créateurs, américains, sont des paramilitaires, qui plus est d’extrême-droite, lié aux officines de Trump et de Kushner). Bref, la GHF n’est pas une organisation humanitaire mais une organisation de police militaire, qui scelle le fait que cette guerre – si l’on appelle « guerre » ce qui se passe aujourd’hui à Gaza – est une guerre conjointe, menée par deux alliés, les USA et Israël.
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Le territoire de la bande de Gaza est aujourd’hui quadrillé en secteurs devenus impénétrables entre eux. C’est-à-dire que l’armée israélienne tire systématiquement sur tous les civils – je dis tous les civils, pas seulement les hommes en âge de porter des armes éventuelles – qui voudraient traverser les no-man’s-land. Ces secteurs, je les appelle un « ghetto », c’est-à-dire un territoire de confinement général, – pas pour telle ou telle catégorie de la population, mais pour toute la population. Ensuite, à l’intérieur de ces secteurs, les gens vivent sous des tentes. Et, là non plus, ils n’ont pas le droit de passer d’un secteur à l’autre, c’est-à-dire qu’ils sont, ou peuvent être, contrôlés à chaque instant, là encore, – pour la population entière, pas pour seulement pour ceux qui seraient susceptibles d’être des combattants du Hamas. – Sachant que toute aide alimentaire extérieure est rejetée, voire détruite aux frontières (j’ai publié, il y a quelques semaines, un reportage d’une chaîne d’information suisse sur des enfants de colons qui détruisaient des tonnes d’aide, avec la bénédiction des soldats). Rejetée parce qu’elle est, dit Israel, volée par le Hamas – de la même façon que la Croix rouge a été chassée de Gaza parce qu’elle était, dit Israel, faite de membres du Hamas. C’est-à-dire qu’une fois de plus le Hamas sert de prétexte à l’isolement (je ne discute pas de savoir si le Hamas est aujourd’hui capable de voler toute l’aide humanitaire occidentale, ni si les infirmiers palestiniens sont tous membres du Hamas, sans parler des volontaires occidentaux).
La GHF a indiqué, le 24 juin dernier, avoir distribué, en tout, 8 millions de repas depuis qu’elle est en place (depuis, disons, un mois) : un calcul simple montre que cette aide est, simplement, dérisoire. Et je ne comprends pas, au moment où j’écris, sur quels critères elle est distribuée, cette aide. Qui y a droit ? Ce que je sais, c’est que matin et soir, dans tous les centres ouverts par la GHF, les gens s’accumulent, parce qu’ils ont besoin de manger – et de boire ! – et que, sur ces foules, impatientes, désespérées, dès qu’elles avancent un peu trop, l’armée israélienne tire, – à balles réelles, et que, tous les jours, ce sont, en moyenne, une centaine de personnes qui sont tuées. C’est-à-dire que les tirs dans la foule servent à canaliser les foules qui attendent la nourriture, et que le fait d’attendre la nourriture, et d’aller la chercher, – en passant des heures et des heures sous le soleil, sans rien à boire (femmes et enfants), vous expose, jour après jour, à craindre de vous faire tuer. C’est-à-dire que la majorité de la population gazaouie vit aujourd’hui avec la menace d’une mort imminente toujours possible. – Cela aussi, historiquement parlant, ça a un parallèle.
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Dans le même temps – et c’est essentiel –, nous assistons à une recrudescence des attaques de colons en Cisjordanie – des attaques qu’on ne peut appeler que d’un mot, des « pogroms », pour faire partir les habitants des secteurs qui ne sont pas encore annexés, et les annexions elles-mêmes (par exemple sous prétexte de transformer un territoire agricole en terrain militaire) se multiplient à un rythme soutenu.
On pourrait dire que ce qui se passe à Gaza est lié aux otages du Hamas, et qu’Israel lutte pour les libérer. Mais cette explication ne tient pas en Cisjordanie où, simplement, il n’y a pas de Hamas. Il s’agit donc d’autre chose.
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Ce dont il s’agit, c’est d’une guerre – une guerre véritable, mais d’une guerre particulière : il s’agit d’amener plusieurs millions de personnes à devenir folles. – À Gaza, d’abord à s’entretuer pour les rations alimentaires, puis, à accepter d’être évacuées dans des camps à l’extérieur. Pour l’instant, on ne sait pas où, – mais le plan doit exister, sachant que l’Egypte et la Jordanie s’obstinent ç refuser d’accueillir qui que ce soit. En Cisjordanie aussi, il s’agit de chasser tout le monde. De réduire toutes les vies à des survies, avec la peur quotidienne (au nom, n’est-ce pas, de la sécurité d’Israel), et l’impossibilité de construire quoi que ce soit, une maison, une vie quotidienne, l’impossibilité, juste, d’avoir un instant de repos.
Parce que, et à Gaza, et en Cisjordanie, une grande entreprise est lancée : celle de la démolition, des maisons qui restent (et, vous verrez, si vous faites une recherche, qu’il y a des entreprises israéliennes qui gagnent leur vie en se faisant payer la démolition des maisons, – une maison pour 5000 shekels – le salaire minimum brut mensuel était de 5.571, 75 shekels. Comptez le nombre de maisons pour que ça devienne rentable… – Ce qui est en route, très concrètement, c’est Gaza Plage, et c’est la raison pour laquelle la GHF est en place. – Rappelons, je l’ai dit et redit, que toutes les archives civiles sont détruites, et aussi, on y pense moins, mais c’est essentiel, la plupart des cimetières. C’est-à-dire que, ce qui est détruit, c’est la mémoire de la vie civile. Et c’est une destruction délibérée, pensée, prévue.
Il s’agit donc bien non seulement d’un crime contre l’humanité, mais d’une entreprise génocidaire. L’idée n’est pas de tuer tout le monde, mais de chasser tout le monde (en en gardant le moins possible – et le bilan réel des morts à Gaza doit être le sujet d’une chronique à part), et de fondre tout le monde dans le reste de la population arabe, selon la grande idée des partisans du sionisme qui oppose la petite oasis démocratique d’Israel au grand ensemble du monde arabe, comme si, dans le monde arabe, il n’y avait pas de différences et de nationalités, c’est-à-dire comme si le monde arabe n’était, dans son ensemble, qu’une grande masse uniforme (ce qui en dit long sur le racisme qui sous-tend toute l’entreprise du « grand Israel »).
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Cela, nous en sommes les témoins, lointains et proches. Être les témoins de cela nous change, et nous dresse les uns contre les autres, ici, en Occident (pas seulement en France, bien sûr), parce qu’ils sont nombreux, les gens qui refusent absolument d’admettre les faits que je viens d’énoncer et, surtout, de les qualifier. Les qualifier reviendrait à briser la dernière certitude de nos vies. Mais je suis, comme d’habitude, trop long et, de cela, je parlerai à part. »
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Ce qui a été dit et écrit ici-même autour dAndré Markowicz, ainsi qu’autour de Gaza.

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