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Atlas des paysages. N°652

Écrit par sur 8 octobre 2014

Voici ici le massif granitique à partir duquel nous diffusons nos émissions. Il est répertorié sous le nom de massif de Saint-Pierre de Plesguen. Comme tout paysage il donne à penser, et à penser autrement. De l’horizon, du ciel, des nuages, de la lumière. En pensée, en sensation, en émotion, en perception.

C’est ainsi dans ce paysage-ci que la radio s’ébat. Voir ici le site de Rochefort en Tréméheuc.

Très officiellement, l’Ille-et-Vilaine possède désormais son Atlas des paysages, disponible sur internet. Cet Atlas répond aux objectifs de la Convention Européenne du Paysage qui est de « développer la connaissance ». « Identifier les paysages » ; « analyser leurs caractéristiques ainsi que les dynamiques et les pressions qui les modifient » ; « en suivre les transformations » ; « qualifier les paysages identifiés en tenant compte des valeurs particulières qui leur sont attribuées par les acteurs et les populations concernés ». Dans ce département sont recensés 26 paysages différents. Soit un repérage de deux ans par une équipe composée de paysagistes, d’un géographe et d’un urbaniste. Qui ont traversé ces territoires à pied, à vélo, en voiture ou en train. Pour la sociologue, Myriam Vinagre qui a soutenu ce projet « la définition d’un paysage repose aussi sur la notion de perception : elle mêle des données physiques spatiales et des représentations liées à nos connaissances, à nos expériences… ». 

Du coup, se révèle ainsi un paysage qui ne relève plus seulement de la vue et de la perception mais du vécu.

Pour le comprendre mieux, voyons ailleurs. A l’écart. Au-delà du paysage familier. Pour dire « pays» ou « paysage », « On dit en Chine “montagne-eau » ou « montagne-rivière » (ou « vent-lumière ») nous apprend François Julien, philosophe sinologue. D’emblée, on a affaire non pas à une entité statique -comme en Europe – mais à une « mise sous tension ». D’où de nouvelles ressources d’appréhension et de pensée. Il y a de l’ailleurs ! Nous aidant à mieux déplier.

« Le paysage, c’est quand de l’entre s’ouvre entre moi et le monde, entre du moi et du monde. Il y a connivence, interaction, influencement, circulation. Le lieu devient lien, le lieu devient monde, fait monde. » Lire à ce propos son bel entretien accordé aux Inrocks.

Dans son livre récent Vivre de paysage ou L’impensé de la Raison, il écrit « En définissant le paysage comme « la partie d’un pays que la nature présente à un observateur », qu’avons-nous oublié ?
Car l’espace ouvert par le paysage est-il bien cette portion d’étendue qu’y découpe l’horizon? Car sommes-nous devant le paysage comme devant un « spectacle »? Et d’abord est-ce seulement par la vue qu’on peut y accéder – ou que signifie « regarder »?
En nommant le paysage « montagne(s)-eau(x) », la Chine, qui est la première civilisation à avoir pensé le paysage, nous sort puissamment de tels partis pris. Elle dit la corrélation du Haut et du Bas, de l’immobile et du mouvant, de ce qui a forme et de ce qui est sans forme, ou encore de ce qu’on voit et de ce qu’on entend… Dans ce champ tensionnel instauré par le paysage, le perceptif devient en même temps affectif ; et de ces formes qui sont aussi des flux se dégage une dimension d’ »esprit » qui fait entrer en connivence.
Le paysage n’est plus affaire de « vue », mais du vivre.
Une invitation à remonter dans les choix impensés de la Raison ; ainsi qu’à reconsidérer notre implication plus originaire dans le monde.»

Ainsi comme il existe la connivence du couple ou de l’intime, la complicité, pour les chinois existe aussi celle du paysage… Dès lors, à suivre Julien, un « paysage à vivre » n’est pas tant un objet qu’une source qui recrée celui qui le regarde.

Du coup, pour compléter le tableau, j’y place un autre François, Dagognet celui-ci. Un théoricien de la matérialité qui, à la « campagne immense couverte de montagnes, de plaines, de rochers, d’eaux, de forêts, d’animaux et de tous les objets qui font la variété d’un grand paysage», ajoute les centrales hydroélectriques et les alambics, les costumes et les oeuvres d’art, les poèmes, les images et les capteurs, les musées, les pellicules photographiques, les écorces, les virus, les usines, l’argent vif, les chaises et les papiers gras, les cadavres, les plumages, les masques et les visages. Puis les galets, les feuilles, les carrosseries et les revêtements des édifices, pour voir que chaque chose, «frappée diversement» par les rayons, crée une lumière particulière, en ce qu’elle la filtre, la réverbère, la retient, la réfléchit à sa manière, en renvoyant pourtant à un unique soleil.

Et bien voilà, on comprend mieux !

D.D


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