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Ce que les sols ont à nous dire. N°981

Écrit par sur 24 février 2021

Qu’est-ce que je ne vois pas dans ce que vois ? Cette question devrait accompagner chacun de nos regards. »

Bernard Noël, écrivain et poète – Journal du regard.
              

Est-ce dû aux effets du confinement qui continuent à s’imposer peu à peu ? En attesterait alors ce dont je vous parle ce jour ? L’effet d’un changement de paradigme ou bien encore le soupçon d’un repositionnement terre à terre sans velléités expansionnistes ? La réalité est plus nuancée. Il me vient simplement de porter attention au sol sur lequel je réside qui n’a jamais été traité chimiquement ni mécanisé par un labour quel qu’il soit depuis au moins 1923. Date d’achat de ce champ par mon grand-père. Ayant fourni il y a bien longtemps, foin et herbage pour quelques vaches d’une petite ferme voisine entre cette date et mon arrivée sur ce lieu cadastralement identifié Languillet.

Depuis celle-ci, c’est-à-dire depuis plus de vingt-cinq ans il est amendé naturellement par mon âne qui ne se nourrit que de l’herbe de ce même champ et d’une dizaine de balles de foin pour l’hiver. Situé en un point haut, topographiquement plat, de configuration allongée orientée plein sud, ce terrain n’apparaît jamais gorgé d’eau de pluie, alors que les terrains en pente qui le bordent, ceux-ci étant retournés mécaniquement et recevant les produits de traitement habituels, présentent des flaques d’eau dès que les pluies les arrosent. Pourquoi tant de différences ? Conscient de mon état d’ignorance, je me jette à l’eau de l’agronomie.

La qualité du sol, c’est quoi ? L’étymologie du mot « sol » est liée à celle de l’adjectif « solide », du latin solidus, « massif, compact, consistant » et, au sens figuré, « ferme, inébranlable ». Pourtant ce n’est pas de ça dont il est question. Mais de l’influence du travail du sol sur les micro-organismes. Sachant que « dans 1 gramme de terre il y a 1 million de bactéries et de 10 000 à 100 000 espèces de champignons. » m’en informe François Vian, enseignant-chercheur en sciences agronomiques, dans l’émission accessible ici.

Ainsi nous informe-t-il que dans la fertilisation du sol, il a été oublié et le demeure que les sols étaient vivants. Alors, comme l’étymologie l’atteste elle-même, qu’ils ne sont vus que comme des supports. A remuer, retourner et traiter à coup d’apports nutritifs dont chimiques. Sans guère d’attention à ce qui se trame en dessous où habitent les organismes vivants du sol.

Entre autres, les vers de terre. De différentes catégories, chacune à sa profondeur. Ce qui compose un réseau phénoménal de galeries savamment entretenues et développées quand elles ne sont pas détruites par un labourage profond. Voici l’explication de la saine irrigation de l’eau de pluie absorbée par mon terrain. Voici aussi pourquoi son sol est de grande qualité car il est travaillé continuellement et depuis toujours, par les diverses espèces qui y vivent et le nourrissent.

Permettez-moi de l’annoncer ici ce jour, je suis très fier de conserver ce sol intact. Depuis près d’un siècle, il a échappé à ce que l’on nomme l’ère industrielle en dehors de l’eau de pluie qui s’y dépose et de l’air qu’il s’incorpore. Puisque, minimaliste, il n’a jamais été cultivé, l’on ignore évidemment son potentiel agronomique, biologique, botanique, mais entendons-nous bien, l’estimer quantativement ce n’est pas ça la question. Au sein de celui-ci, dans la plus grande discrétion, des millions de choses encore inconnues s’y passent, nulle banalité là-dedans, permettez-moi de leur donner ici une existence ! Confinement printanier à venir ou pas, en faire l’éloge est un moyen de réfléchir sur le temps. Aussi doux que le ventre d’une taupe.

Et si, au fil du temps, il a été jugé utile de préserver et de protéger les monuments historiques, eh bien j’opte pour un classement semblable pour mon sol qui ne demande rien à personne. Mais, je l’avoue, je fais ici un usage disproportionné de la comparaison. Car un monument peut être reproduit à l’identique, ce qui ne saurait l’être pour la musique intérieure de cet écosystème ancien, très ancien, présent à venir. Bref, très vivant. Qui, quelque soit sa longue histoire évolutive, n’est couvert par aucun droit, ni indice perceptible de protection, ni moelleuse reconnaissance. A ciel ouvert. Silencieux. A la sagesse parfaite, après les constatations d’usage, oreille contre terre.

D.D

Ce qui a été dit et écrit ici-même autour du couvert végétal avec Dario de Fransceschi. Ainsi qu’autour de Bernard Noël et du Versant animal & végétal.

 


Les opinions du lecteur
  1. FRANÇOISE   Sur   25 février 2021 à 13 h 58 min

    La taupe, parlons-en de la taupe, ne serait-ce que pour admirer ses capacités à vivre dans un monde confiné !
    Car j’aime bien raconter cette histoire : Elle doit boulotter bon an mal an ses quelques 15 Kg de lombrics…ah ! catastrophe pour le ver de terre si utile etc…
    Ah que nenni ! S’il lui arrive, un jour de grande faim, de dévorer un Lombric entier, la plupart du temps elle n’en mange que la moitié, stockant la moitié qui reste, de préférence la moitié côté tête, dans une de ses chambres dédiées à des fonctions bien précises…et cette petite tête de Lombric va régénérer un Lombric entier…elle maintient donc son stock sans décimer la population du ver de terre…

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