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Démos. N°719

Écrit par sur 20 janvier 2016

goodyL’air du temps est à l’uniforme unique. Qui fait froid dans le dos. Observons. A l’heure de la surinformation, peu de cas donné à cette affaire-ci : lire l’article paru sous le titre original « Goodyear : d’une violence l’autre« . Ni plus sournoisement encore à ce cas-là : lire Chantal Deckmyn : «L’espace public devient inhabitable ». Voire à celui-ci : « Une économie au service des 1 %« .

Si bien que tous mes voeux pour cette nouvelle année, portent en eux l’expression d’une sincère affection à l’égard de celles et ceux qui, par la lecture ou l’écoute, iront ici ou ailleurs, à la source de la pensée de la cité, la matrice de la démocratie.

A la source, ici celle du philosophe Jacques Rancière. Pour qui « la politique n’a pas d’objets ou de questions qui lui soient propres.(…) Ce qui fait le caractère politique d’une action, ce n’est pas son objet ou le lieu où elle s’exerce mais uniquement sa forme, celle qui inscrit la vérification de l’égalité dans l’institution d’un litige ».

Il distingue deux processus hétérogènes. D’une part celui du gouvernement ou de la police, entendu pas seulement au sens de la répression ou du contrôle social, mais aussi comme activité qui organise le rassemblement des êtres humains en communauté et qui ordonne la société en termes de fonctions, de places et de titres à occuper. D’autre part, le processus de l’égalité définit comme « le jeu des pratiques guidées par la présupposition de l’égalité de n’importe qui avec n’importe qui et par le souci de la vérifier ». Pour Rancière, la politique sera en fait « l’affrontement constant » de ces deux processus, « une lutte pour dire ce qu’est la situation », en quoi la police fait tort à l’égalité.

sdf2Ce n’est pas une identité qui se révèle, mais une universalité. « Le seul universel politique est l’égalité ». Non pas que l’égalité existerait comme valeur inscrite dans l’essence de l’humanité et qu’à ce titre, elle pourrait faire office de valeur universelle. Elle est plutôt une sorte de « présupposition devant être vérifié et démontré dans chaque cas nouveau, dans chaque tort qui est appelé à être réparé « . (La Mésentente, politique et philosophie, Seuil, p. 108).

Faisant référence à la source grecque de la démocratie, il nous rappelle que le démos grec, avant d’être le nom de la communauté tout entière, était le nom d’une partie de cette communauté : les pauvres. Pas simplement défavorisés économiquement, mais ceux qui n’étaient pas comptés -au sens littéral du terme- pour avoir droit à la parole. C’est cette anomalie originaire qui définit le mieux le processus démocratique, quand ceux qui n’ont pas droit à la parole parlent, quand ceux qui sont hors-champ surgissent sur la scène de la politique.

Il n’y a pas de démocratie simplement parce que l’on déclare les individus égaux et la collectivité maîtresse d’elle-même. « Il y faut encore cette puissance du démos qui n’est ni l’addition des partenaires sociaux ni la collection des différences mais tout au contraire le pouvoir de défaire les partenaires, les collections et les ordinations ». De Jacques Rancière encore: « Rendre à la démocratie son scandale » (entretien à Regards).

Cela nous mène tout droit à l’actualité, celle de l’égalité.

Suivons l’approche de Jacques Rancière : « En vain nos gouvernements font-ils apporter par leurs experts les prévisions à long terme qui justifient les sacrifices qu’ils demandent aujourd’hui. La seule annonce que la Bourse du jour est à la hausse et que les « marchés » ont « bien réagi » à ces mesures d’avenir suffit à instruire les « ignorants », en ramenant cet avenir au quotidien de la spéculation. Il suffit alors que les petits ventres s’entêtent, comme l’ont fait les ouvriers français des transports, dans la défense de ce que les gouvernants appellent leurs « privilèges » pour que la machine s’enraye et que , de proche en proche, le jeu se retourne entièrement. Les têtes pensantes se trouvent alors accusées de n’être que les organes du grand ventre anonyme de la richesse, tandis que les petits ventres avides se mettent à parler comme des êtres intelligents et à exiger le droit de s’occuper de l’avenir oublié par nos gouvernants. Ces folies, disent les sages, ne durent qu’un temps. Reste que, de temps en temps, les sociétés réapprennent ainsi brusquement deux ou trois choses inouïes: que l’intelligence est la chose du monde la mieux partagée et que l’inégalité elle-même n’existe qu’en raison de l’égalité. Ces choses inouïes sont simplement ce qui fait que la politique a un sens. » (Chroniques des temps consensuels-Ed le seuil).

D.D


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