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Jim Harrison, l’art d’habiter en pleine nature. N°729

Écrit par sur 30 mars 2016

0000355068-032Je me souviendrai longtemps de l’avoir croisé en juin 95 à Saint-Malo, au palais du Grand Large, invité qu’il était du festival Etonnants voyageurs.

Avec son collègue et équipier, l’auteur de roman policier James Crumley qui portait des moustaches de lion de mer, des méga-bretelles de couleur, bâti comme une armoire bretonne, et accompagnés des joues écarlates de la traductrice – coloration normale près de ces grands sages qui faisaient preuve l’un et l’autre d’un sens de l’humour et de l’amour provoquant-, ils venaient tous les trois de quitter la table d’un restaurant des quais que foulent les promeneurs, et de s’être donnés la peine de se tremper le bas des pantalons à l’occasion d’un petit détour par les vagues.

Question de prendre un peu l’air des bords de mer et le vin des bords de verres quelques heures seulement après avoir laissé Missoula à sa place, là où ces grands vivants résidaient, dans le Montana. Un Etat plus vaste que l’Allemagne et perdu dans le nord-ouest des Etats-Unis, peuplé de moins de 1 million d’habitants. Avec assez de rivières, de ruisseaux et de torrents, pour être reconnu comme un haut lieu de la pêche à la mouche.

0000355068-035 Oh! Prononcer « Mizoula » pas Missoula pour nommer cette petite ville qui a hébergé un nombre impressionnant d’écrivains américains bien que tous n’écrivent pas sur la pêche à la mouche, mais tous ont en commun l’amour des grands espaces et de la nature sauvage. De la « Nature writing » en sorte.

Donc, des « Rural Writers » tendres sous leurs airs de dur à cuire, venus à Saint-Malo pour y présenter, dans la rotonde du palais du Grand Large, leurs bouquins respectifs. Disons plutôt pour parler de leur univers afin de donner envie au public de le lire.

D’un coup, je me suis retrouvé embarqué par les mots -dans son amour pour les femmes, son immense respect pour le peuple indien et son émerveillement pour la beauté des paysages américains- de celui qui se décrivait en «gourmand vagabond». A veste beige, la tête en broussaille, borgne -à 7 ans, une gamine lui crève l’œil gauche avec un tesson de bouteille-, à la démarche lente appuyé sur sa canne, une cibiche plantée au coin de la bouche, et doté d’un rire, mais d’un rire…

0000355068-029 Ces rencontres du Café littéraire permettaient au temps des grandes heures d’être au plus près des écrivains. Mieux même, parfois du talent des romanciers ou pas qui peuvent parler de choses très importantes de façon légère -je pense ici à Jean Malaurie, créateur d’un grand mouvement d’idées: « Terre Humaine avec un grand H », intraitable conteur en faveur de la reconnaissance de la prescience des peuples premiers, et de la force de leurs pensées sauvages. Ecrivain-culte, l’un des plus grands écrivains américains, traduit dans vingt-cinq langues, Jim Harrison était l’un de ceux-là, évidemment. Il est mort d’un arrêt du coeur, ce samedi, le stylo à la main, penché sur son dernier poème.

Loin des clichés qui lui collent au poitrail et réduisent cette légende vivante à un simple colosse rabelaisien ou à un grizzly adepte de la bombance sans modération diététique et des fesses rondes des Françaises, caractéristiques communes aux gens de peu à profiter d’un bien être éphémère, sa vérité philosophique m’apparaît d’abord dans cette donnée de base : l’écouter parler.

Pour lui rendre hommage :

– une histoire à raconter tirée du livre formidable « Les enfants des jours » (Editions Lux) du poète-écrivain uruguayen Eduardo Galeano, autre penseur et passeur de mots. Défenseurs l’un et l’autre de la cause indienne.

La Découverte.

En 1492, les autochtones découvrirent qu’ils étaient des Indiens.
ils découvrirent qu’ils vivaient en Amérique,
ils découvrirent qu’ils étaient nus,
ils découvrirent l’existence du péché,
ils découvrirent qu’ils devaient obéissance à un roi et à une
reine d’un autre monde et à un dieu d’un autre ciel,
et que ce dieu avait inventé la faute et le vêtement,
et avait ordonné que soit brûlé vif quiconque adorait le soleil et
la lune et la terre et la pluie qui l’arrose. »

Eduardo Galeano, poète-écrivain – « Les enfants des jours ».

D.D

Ce qui s’est écrit et dit ici-même autour de… Etonnants Voyageurs.


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