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Voisinage. N°956

Écrit par sur 2 septembre 2020

D’ordinaire, ce sont des biches ou chevreuils qui se dandinent sur notre bout de pelouse bordée de châtaigniers. Disons de plus en plus souvent, ce qui nous donne le sentiment qu’ils aiment s’y divertir vu la quiétude du lieu et y retrouver les châtaignes logées sous les feuilles. Mais aujourd’hui c’était au tour d’un molosse de sanglier qui, en nous voyant, s’est mis à grogner puis à détaler à toute bride, à toutes pattes.

L’on a déjà remarqué depuis longtemps déjà des traces de ses passages, de lui ou d’un autre, sur le bas du tronc d’un jeune marronnier passé à la couleur grise depuis qu’il vient s’y gratter le dos, en douce. Lui, s’il vient c’est je parie pour les glands du grand chêne du talus et la quiétude du lieu. Ou bien pour les vers sous la mousse, mais dans ce cas son groin s’élargit en soc. Peut être l’avons-nous contrarié ce jour, d’où sa grogne. Allez savoir!

Nul égarement, c’est même un acte de confiance, pas de défiance, que ce besoin d’aller voir à côté pour ces visiteurs de passage, ces bêtes sauvages, de se rendre du côté des hommes. Rien d’extravagant dans cette pratique de l’étrangeté égalitaire. A distances pour la coexistence. Le regard de l’animal cerne, fixe. Il déterminera le geste juste. Rester ou fuir. Le nôtre est pareil, rester immobile ou casser la relation visuelle.

L’animal sauvage n’est donc plus l’infiniment distant. Mais un voisin.

Observés de tous, les vidéos en témoignent, renards, canards ou lapins ont pointé leur nez en ville durant le confinement. Mais en fait, ils étaient déjà là. Mais ils y vivaient cachés. A force de leur détruire les habitats, et de s’accaparer leur espace vital, ils se rapprochent de nous.

La philosophe Joëlle Zask plaide dans son livre ZooCities pour une vision plus moderne de la nature, et une cohabitation multi-espèces en ville. Dans son entretien «Nous devons préparer les villes au voisinage d’animaux sauvages» (Libération), elle propose de penser la ville comme une arche de Noé permettant une « coexistence » harmonieuse avec les autres espèces.

A la question : « Comment prendre en compte ces complémentarités, entre le rural et l’urbain, l’humain et le sauvage ? ».  » En utilisant, dit-elle, un nouveau vocabulaire pour décrire les espaces urbains et penser leur organisation. Je pense notamment à la notion de niche – qui désigne les lieux de vie de chaque espèce – mais aussi celle de passage ou de « corridor » écologique – c’est-à-dire tout ce qui relie les niches entre elles. Celles-ci assurent la migration des animaux, dans les airs, sur terre et sous l’eau, ainsi que les déplacements en nombre infini effectués pour des raisons qui nous sont souvent inconnues. Si on pouvait tous les représenter, notre vision de la planète serait très différente. Les oppositions entre ville et campagne, centre et périphérie, bâti et délaissé, humain et non-humain, s’évanouiraient. »

D.D

Notre entretien avec Joëlle Zask, à retrouver ici.

Ce qui a été dit et écrit ici-même autour de Versant animal & végétal, ici.


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