En ce moment

Titre

Artiste

 Titre diffusé : 

 Titre diffusé : 

Background

« L’ère du brutalisme » N°1201

Écrit par sur 21 mai 2025

Publié dans le journal e-flux de mai 2025 – c’est une publication mensuelle sur l’art basée à New-York-, un texte titré « Sur la diminution, I : L’architecture et le continuum abri-gravats-poussière » de l’historien et politologue camerounais Achille Mbembe, y décrit « L’ère du brutalisme – le terme est emprunté au langage architectural pour mettre en avant les tensions exercées sur les corps et la vie en général– s’apparente à l’ère des décombres et de la poussière . » 

Dans ce texte, Achille Mbembe revient sur ce vocable médiatiquement banalisé de « délocalisation  » de la population palestinienne de Gaza, périodiquement évoquée au fil des ans. Mais qui signifie « la guerre contre l’idée même d’habiter « , qu’il nomme « L’ère du brutalisme ». La Chronique d’ici-même choisit ce jour d’en relayer cet extrait :

« Mais qu’est-ce que la délocalisation, sinon une manière de faire la guerre à des ennemis dont le cadre de vie et les conditions de survie ont été détruits d’avance : par l’utilisation de munitions perforantes à l’uranium et d’armes interdites comme le phosphore blanc ; par des bombardements à haute altitude d’infrastructures de base ; par des cocktails de produits chimiques cancérigènes et radioactifs déposés dans le sol et emplissant l’air ; par la poussière toxique des décombres des villes rasées et par la pollution causée par les incendies d’hydrocarbures.

Et qu’est-ce que le délocalisation sans bombes : bombes aveugles conventionnelles converties par l’installation de systèmes de navigation inertielle dans la queue ; missiles de croisière à tête chercheuse infrarouge ; bombes à micro-ondes conçues pour paralyser les centres nerveux électroniques de l’ennemi ; bombes qui explosent dans les villes en émettant des faisceaux d’énergie comparables à la foudre sur leur passage ; autres bombes à micro-ondes qui ne tuent pas, mais brûlent et augmentent la température corporelle ; bombes thermobariques qui déclenchent des murs de feu, absorbant l’oxygène d’espaces plus ou moins clos, tuant par ondes de choc et asphyxiant presque tout ce qui respire ; bombes à fragmentation, dont les effets sur les populations civiles sont dévastateurs, puisqu’elles s’ouvrent au-dessus du sol et se dispersent sans précision et sur de vastes zones ; munitions minimales censées exploser au contact des cibles ; bombes de toutes sortes, démonstration ad absurdum d’une puissance de destruction inouïe.

Cette forme de guerre de stupéfaction – calculée et programmée, menée avec des moyens nouveaux – est une guerre contre l’idée même d’habiter. Les bombes ne visent pas des corps singuliers, mais certaines masses humaines dont chaque organe doit faire l’objet d’une incapacité spécifique, transmissible de génération en génération – les yeux, le nez, la bouche, les oreilles, la langue, la peau, les os, les poumons, les intestins, le sang, les mains, les jambes. Tous ces individus mutilés, paralytiques et survivants ; toutes ces maladies pulmonaires comme la pneumoconiose ; toutes ces traces d’uranium dans les cheveux, les milliers de cas de cancers, d’avortements, de malformations infantiles, de malformations congénitales, de thorax endommagés, de dysfonctionnements du système nerveux – la grande fissuration.

L’ère du brutalisme s’apparente à l’ère des décombres et de la poussière. Nous sommes entourés d’innombrables villes de décombres et de poussière : Grozny, Homs, Alep, Gaza. La mémoire est désormais enfouie dans la boue, les décombres et la poussière. »

14.000 bébés pourraient mourir dans les 48 heures si aucune aide humanitaire ne parvient à Gaza, déclare l’ONU ce jour.

D.D

Ce qui a été dit et écrit ici-même autour d’ Alep. Ainsi qu’autour de l’ Habiter.

 


Les opinions du lecteur

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.