« L’intelligence artificielle n’existe pas… » N°1219
Écrit par admin sur 24 septembre 2025
« L’intelligence artificielle n’existe pas, c’est la bêtise artificielle qui caractérise notre époque « .
Anne Alombert, philosophe. Extrait de son livre « La bêtise artificielle ».
L’Intelligence Artificielle n’est-elle qu’un outil parmi tant d’autres dans l’histoire humaine ? Un outil qui, cette fois, échappera à la capacité préhensile de la main quand il sera implanté dans le cerveau. Ce qui distinguera celles et ceux qui en seront dotés des autres. Bref, si nous n’y sommes pas déjà dans ce monde, nous y glissons collectivement sans hésiter à force d’y croire par mauvais réflexe.
Serait-il encore humain si l’on s’en fie à l’idéologie de ses auteurs-manipulateurs dépourvus de toute humanité dans leur déni du chaos climatique comme de la science, on en vérifie chaque jour l’horreur et la gravité, qui décortiquent le fonctionnement du cerveau pour le programmer ? Sommes-nous en train de passer dans une nouvelle ère vu la vitesse de propagation et de consentement pour cet « outil » que l’on tient en toute confiance, comme si l’on sert la main d’un vrai ami ?
Heureusement qu’il y a une suite donnée au travail du philosophe Bernard Stiegler (1952-2020) – à retrouver sur Lieux-dits.eu. Puisque l’ayant accompagné dans ses recherches pendant sept ans, Anne Alombert, membre du Conseil National du Numérique, maître de conférences en philosophie française contemporaine, est en mesure de revenir ainsi sur sa pensée, et de la déployer à la fois sur ses enjeux philosophiques et plus politiques.
Une pensée qui, elle-même, était celle d’une personne dont l’esprit était nourri de son expérience tirée de ses plusieurs vies, en particulier celle, qui le distingue de tout autre penseur, d’avoir découvert la philosophie par lui-même en ses cinq ans de prison. Depuis laquelle il prendra conscience que sa pensée dépend de toutes les notes qu’il prend. De cette intuition directrice, il en déduit que toute notre pensée repose sur ces traces matérielles écrites, inscrites dans les supports de mémoire matériels.
C’est à partir de ces traces matérielles intériorisées qu’en tant que philosophe il s’intéressera à la dimension « cognitive » des nouveaux médias, c’est-à-dire aux effets qu’ils ont sur nous. Avec fulgurances, il écrira vite. Sous forme d’écrits et d’oralité (conférences et vidéos), couvrant de nombreux champs différents qu’il analysera, qu’ils soient artistiques, politiques, technologiques, industriels, etc, pour « penser la technique » avant qu’il ne soit trop tard.
Force est de constater que la prévision était juste quand il y a près de vingt ans, il ne cessait d’alerter sur la nouvelle colonisation haineuse des esprits par l’idéologie des « technofascistes » de la Silicon Valley – à celles et ceux qui se complaisent encore dans un manque total de lucidité et de discernement face à ceux-là qui osent tout jusqu’à en inonder notre quotidien dans une fuite en avant, en lire la confirmation ici & là.
« En nous exprimant à partir de nos propres idées et expériences, nous produisons des expressions singulières en fonction de notre passé, de nos désirs, de nos imaginations, de nos attentes, du sens que nous que nous voulons produire, que nous projetons ou que nous imaginons. Mais lorsque nous nous reposons sur ces dispositifs-là, nous risquons d’abandonner notre mémoire, notre imagination à des dispositifs automatisés » affirme dans son livre Anne Alombert.
« Ces dispositifs-là » ce sont ceux des entreprises de l’IA, les géants de la tech qui ont porté ce taré de Trump au pouvoir, avec ChatGPT et autres, cette mécanique aliénante et colonisatrice qui nous ramènera » à un niveau d’activité cérébrale de mollusque. » (Stiegler dans Economie de l’hypermatériel et psychopouvoir).
“Il est fort probable qu’une telle langue artificielle finisse par se naturaliser : à force de donner des ordres aux systèmes algorithmiques, nous ne penserons plus que sous forme de prompts, quand bien même il n’y aurait plus de machine pour les exécuter. Aurons-nous tendance à ‘prompter’ en nous adressant à autrui ou à nous-mêmes, dans nos pensées ? » prévient à son tour Alombert.
A la suite de ce que nommait Bernard Stiegler en parlant de technologies contributives, en faveur desquelles il s’est battu jusqu’au bout, l’auteure de « La bêtise artificielle » insiste sur le fait « de développer des dispositifs alternatifs qui, à l’inverse, permettent de diversifier cette mémoire collective et de renforcer des relations sociales bénéfiques. «
A lire ici, cet entretien pour Philosophie magazine, de présentation à son ouvrage « La bêtise artificielle « .
D.D
Ce qui a été dit et écrit ici-même autour d’ Anne Alombert. Et de Bernard Stiegler et Asma Mhalla.