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Bientôt l’hiver. N°453.

Écrit par sur 25 novembre 2010

L’hiver pointe son nez pour la fin de semaine, avec son lot de vents glacés, de bourrasques de neige, de pluies épaisses, de boues onctueuses et collantes,…et d’oreilles gelées. Bah ! à se chausser d’une casquette en peau de castor ! Bon tout cela ne facilite guère nos déplacements.

Sensibilités variées entre béton et bitume. Au fil des déplacements par transports collectifs, immergé dans le flux des usagers j’aime à y apprécier au gré des saisons les changements d’allure, de façons d’être, de textures, de tissus ; en bref, de manières de se vêtir donc d’habiter. Je parle ici des vêtements, de nos protections, parkas à poches et capuches, etc…, et des objets utiles au déplacement, équipements nomades type sacs à dos, sacoches, et autres émetteurs-récepteurs de poche, etc…Y compris évidemment du mimétisme de ces allures et comportements.

Autant d’observations climatiques qui se rapportent à l’usage de nos journées et des endroits dans lesquels il s’exerce. Et de fil en aiguille, ce qui m’apparaît intéressant est de se poser la question du territoire nouveau et de la façon dont on l’habite. Ce « territoire » est celui qui correspond le plus souvent au déplacement domicile/travail, entre autres bien sûr.

Une façon d’habiter dans le prolongement de telle ligne de bus, de telle métro ou ter, de telle gare. Parlons ici de territoire plutôt que de ville, de quartier ou de bourg de campagne (voir OF). Parce que le lieu dans lequel j’estime vivre est beaucoup plus un territoire qu’un point dans le territoire. Les délimitations géographiques des communes, ou des départements, m’apparaissent appartenir à un monde ancien.

Dans mes errances de piéton ou de la fenêtre du wagon, mon impression comme beaucoup pour d’autres est d’habiter une trame urbaine lâche, des bâtiments solitaires, des bouts de ville non articulés entre eux, des voiries surdimensionnées, des dalles peu accueillantes, des galeries marchandes standardisées, des voies cyclables non raccordées, des stations de bus mal entretenues, des entrepôts et des usines aux formes sans qualité, des logements
collectifs où l’on s’ennuie et des pavillons bien proprets de lotissements ordinaires…Ou depuis la vitre d’une automobile circulant sur rocade ou boulevard, route départementale ou chemin communal, je perçois les espacements spécifiques au territoire, ni joyeux ni surprenants, mais des terrains en attente d’affectation, des résidus d’une ancienne réglementation, ou la mutation du bocage aux villages qui apparaissent artificiels depuis qu’ont disparu fermes et vaches, poules et chiens. Cependant je sais que c’est souvent pire ailleurs, bien pire…et qu’ici, dans cette région, l’on serait même assez épargné.

Ceci-dit j’avoue aimer les plantes voyageuses qui se développent sur les sols de zones non aedificandi aux abords oubliés de quartiers urbains, ces sols mis au ban même des circuits de marche et de footing et autres aires de jeux, à la palette végétale méconnue bien qu’hospitalière (sureaux, prunelliers, boulots, prairies fleuries…). Mais c’est pas ça dont on cause, quoique…

Qu’en est-il de l’existence d’urbanisme ou d’architecture utopiques ? L’axe porteur semble être constitué par la démarche développement durable dans lequel s’inscrit le social (souci de recoudre les quartiers, la ville centre et les villages, de créer des liens sociaux, économiques, culturels, de se poser la question des modes de déplacements autres que la voiture, des consommations d’énergie, des recyclages, et des gestes citoyens). S’ajoute la robotisation ou automatisation, par exemple jusqu’à l’installation prochaine de brumisateurs intégrés dans les candélabres de boulevard comme à Agen.

Mais le territoire qui se définit le plus aujourd’hui est celui qui se dessine par son maillage communicationnel (une multitude de points d’information qui délimitent un territoire, à la fois proche et lointain). D’où finalement l’importance aussi, parmi d’autres, de nos radios locales devenues l’un des signaux d’identification à un territoire de plus en plus effiloché et aléatoire, dans la constitution de territoire nouveau et mutant.

Mutant d’autant que sous les effets conjugués de la mauvaise santé financière des collectivités locales et de la crise pétrolière qui approche à grand pas due au pic qui a été atteint en 2006 (le moment où la production de pétrole a commencé à décroître) -voir Chronique-, tout territoire bitumineux peut être amené à voler en éclats.

D’où notre intérêt ici-même, comme en témoignent nos enregistrements de conférences ou reportages (Dollé, Auger, Voldmann, etc.) à tenter de comprendre la reconstitution des localités et des territorialités et son utopie qu’est la démocratie. Tâche normale parce que l’urbanisation fabrique du « soi », et se pencher sur les processus de territorialisation qu’ils soient réseaux télécommunicationnels ou ce que deviennent ces coins de villes ou de bourgs de campagne, ou ce qui se passe de vivant dans ces jardins familiaux ou marchés de quartier, etc…, nous aide un tant soi peu à mieux connaître ce que certains appellent « le devenir urbain de l’être ».

D.D

Chronique:

Et si l’on continuait à filer la métaphore ? Les textures et les tissus , les « manières de se vêtir donc d’habiter »…Au fil des saisons, au fil des déplacements et…de fil en aiguille : A la maison, ma mère taillait, cousait, tricotait, une maille à l’envers, une maille à l’endroit. Nous vivions dans les coupons, les chiffons, les cotonnades, les velours , les piqués, la rayonne et la cretonne, le fil ou le coton. La soie ? non.

Et ces vêtements, on les gardait longtemps ! (comme nos maisons d’ailleurs !) Lignes successives , d’une couleur plus vive, marquant les ourlets des jupes au fur et à mesure que l’on grandissait…Les chutes d’étoffe, les élastiques et les agrafes, c’était mon territoire ! Alors quand tu parles de trame urbaine, mitée ou non, quand tu veux recoudre les quartiers de ce territoire effiloché, je m’y retrouve !

Ces vêtements de « nos » ados, uniformes, ces jeans effilochés, ces collants troués à grande(e) échelle(s), ne sont-ils pas à l’image de ces territoires, de ce « patchwork » que tu décris , tous dégueunillés ? (guenille : de l’ancien français gasne « mare boueuse », du gallois gwaun « marécage , basses-terres »… )

Territoire-tissu… tissé avec sa chaîne et sa trame, son endroit et son envers avec des fils noués….( Platon ne prenait-il pas le modèle du tissage comme paradigme de la « science royale », c’est-à-dire de l’art de gouverner les hommes ou d’exercer l’appareil d’Etat ?)

Je pense à Deleuze, dans Mille Plateaux : « Chez le sédentaire, le tissu-vêtement et le tissu tapisserie tendent à annexer tantôt le corps, tantôt l’espace extérieur, à la maison immobile : le tissu intègre le corps et le dehors à un espace clos. Tandis que le nomade, en tissant, indexe le vêtement et la maison même sur l’espace du dehors, sur l’espace lisse, ouvert où le corps se meut. » (D’ailleurs, le nomade ne tisse pas : les nomades sont à l’origine d’une innovation : celle du feutre. Anti-tissu par excellence qui n’implique aucun entrecroisement mais un enchevêtrement de fibres, obtenu par foulage…)

« tout territoire bitumineux peut être amené à voler en éclats » dis-tu…oui, la surface y était fermée, on la « répartissait » suivant des intervalles déterminés, d’après des coutures assignées…peut-être que l’espace maintenant va « se distribuer » sur un espace ouvert, d’après des séquences et le long de parcours…

Françoise.

25/11/2010 14:16


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