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Bretagne… « romantique ». N°763

Écrit par sur 30 novembre 2016

la-jetee_1036802Est-ce dû à ces images de guérilleros romantiques qui ré-apparaissent à l’occasion des obsèques que l’on sait ? Probable. Car pareil vocable me renvoie à ce qui, désolé, n’a jamais été évoqué ici, ni à l’antenne ni dans cette chronique, le fait que notre radio réside dans le dénommé « Pays de la Bretagne romantique ».

Il est temps de s’y colleter. D’autant que cette « Communauté de communes du Pays de la Bretagne romantique » fête cette année ses 20 ans. Et permettez cette anecdote: il y a vingt ans, j’en étais. Même que j’ai le sentiment non feint d’avoir quelque responsabilité dans le choix de ce nom, élu communautaire moi-même à l’époque de sa fondation. Ceci après avoir dit à haute voix tout le mal que je pensais de la proposition misérable d’un prétendu « cabinet de communication » grassement rémunéré.

Du coup, pour honorer si l’on veut cet anniversaire -en toute indépendance, discrétion et sans aide locale d’aucune sorte, depuis toujours d’ailleurs- je propose de creuser pioche en mains, afin de connaître la raison du choix de ce qualificatif hors-norme. Selon la méthode de Georges Perros qui disait : « Je vais donner des cours d’ignorance », à Brest et à Quimper. Il faut partir de l’ignorance dans la littérature, partir de l’ignorance pour aller vers les choses.

Tout d’abord on ne peut éluder le fait que le choix des élus ruraux du moment fut lié à la présence épisodique du jeune et futur illustre François-René de Chateaubriand, « le grand paon », le « héros » local, et à son célèbre Mémoires d’outre-tombe (lourd manuscrit dans lequel l’auteur nous représente son ennui, c’est bien écrit, nulle faute de syntaxe).

Et parce qu’il est considéré comme l’un des précurseurs du romantisme français, allons-y pour l’appellation.

Pourtant, compte tenu du peu d’érudition littéraire de l’assemblée délibérative en dehors des affaires courantes, était-ce la motivation suffisante pour accoler ce qualificatif qui, pensait-on, ne manquait pas d’allure à un territoire rural qui, à la rigueur une fois affublé, aurait pu jouer avec les grands mots pour attirer nombre de touristes à le visiter sac au dos ? Silence. Pas grand monde à l’étalage pour nous en souffler l’arrière-pensée.

D’autant que cet écrivain-voyageur du XIXe est selon cet autre écrivain-voyageur d’aujourd’hui Michel Lebris, fin connaisseur du romantisme sous toutes ses couleurs et coutures, un « continent englouti« . Pas moins. Bref l’inverse d’un Victor Hugo, figure-phare du romantisme. Serait-ce alors par le côté de l’amour (le sens le plus courant du mot romantique; d’ailleurs chacun sait que Chateaubriand, quoiqu’auteur du Génie du christianisme, fut aussi connu pour sa cuisse légère) ? J’en doute.

imagineBah! A décevoir celles et ceux qui cherchent à comprendre l’origine de cette exceptionnelle force poétique qui habiterait ladite Bretagne… romantique.

Reste alors la question: qu’est-ce qui fut romantique dans cette histoire de la région combourgeoise ? Ce jeune homme détestait le château de Combourg -qui sert de nos jours à délivrer un prix littéraire mité qui, chaque année, célèbre en grandes pompes mais rien de frais (hors aides locales diverses et variées) l’Ordre ancien avec tout le saint-frusquin monarchique, Sabre et Goupillon compris (voir fanatique façon Zemmour).

Reclus tout gamin dans cette grosse bâtisse de granit gris si lugubre et si austère par temps humide que ça lui rappelait la figure sévère de son père. « Partout silence, obscurité et visage de pierre » (Mémoires d’outre-tombe, pg 145). Avec crainte et tremblement dans sa piaule inhabitable nichée dans une tour à la musicalité granitique dans laquelle il meurt de trouille durant les « deux années de délire » passées en cet endroit. Considération peu exaltante s’il en est, l’auteur dit dans ses Mémoires, le ressentiment d’y avoir vécu en exilé.

Bon, si l’on suit Georges Perros, solitaire lui-même : « C’est une idée romantique de croire qu’un type qui vit seul dans sa piaule est exilé. C’est toujours ce qu’on me dit: “Vous êtes retiré.” Je ne comprends pas. Retiré de quoi ? Il n’y a pas un type plus sensible à l’accueil de l’autre, à la fréquentation quotidienne. C’est d’ailleurs ce qui va me tuer un jour, parce que ça prend des proportions de bistrot, naturellement: “Viens boire un coup, Georges.” » (Je suis toujours ce que je vais devenir.)

Une évidence, vivre seul ne suffit pas. Après tout, rien ne prouve non plus que l’âme solitaire aux créatures cajoleuses ou pas et la littérature font bon ménage. Mais quoi qu’il en soit Georges Perros n’a rien à faire dans cette histoire.

Alors reste donc toujours la question un brin rasoir, on pique du nez, à chercher comme une intrigue dans une botte de paille : pourquoi ce coin de terre d’Ille-et-Vilaine a-t-il partie liée avec ce romantisme présenté comme un mouvement littéraire et artistique du début du XIXe siècle qui englobe Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Alfred de Musset, etc…, ce mouvement lié à l’apparition et au développement de la presse ?

D’autant que ça se gâte quand on sait que, loin d’être seulement un mouvement littéraire et artistique, le romantisme est une « vision du monde« , née avec le début du capitalisme industriel vers la moitié XVIIIème siècle.

A défaut de tout reportage radio sur la question, afin d’en saisir sa racine, l’intervention en milieu scolaire (en 2 parties, ici et ) de l’écrivain et journaliste Evelyne Pieiller sur le Romantisme est éclairante, y compris pour notre époque. Elle montre combien ce mouvement qui met en avant l’individu, l’imagination et la rêverie, en périodes de révolutions (industrielle et politique) est beaucoup plus intéressant qu’il n’en a l’air de nos jours. Car opposé autant à la résurrection de l’Ancien Régime qu’à l’avènement d’un monde capitaliste, entièrement utilitariste, à l’industrialisme destructeur, visant la quantification de tout, avec le délire moderne de maitrise rationnelle absolue et illimitée de tout et surtout de la nature.

Le romantisme est l’idée lucide que l’homme n’est pas uniquement un « animal rationnel » mais aussi, et peut-être même surtout un « animal irrationnel », voire un « animal imaginatif » pour paraphraser Cornélius Castoriadis (ré-écouter notre entretien avec l’historien François Dosse).

Bref, 20 ans après -ça laisse rêveur- j’y souscris encore: n’arrêtons pas d’imaginer quel qu’en soit l’endroit !

D.D


Les opinions du lecteur
  1. Françoise   Sur   30 novembre 2016 à 19 h 28 min

    Mais peut-être as-tu oublié qu’avant que n’apparaisse cette appellation de « Bretagne Romantique », une autre idée baignait dans « la gélatine bleue du cerveau reptilien* » de certains zélus communautaires: celle « du pays des trois sources »…!

    *Baudrillard. Fragments. Cool Memories III

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