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Erri De Luca, « L’obscurité ». N°1077

Écrit par sur 28 décembre 2022

Voyager en Ukraine implique de fixer des priorités, les choses importantes. La nourriture, l’eau, la lumière imposent leurs propres priorités.

Comme beaucoup de ceux qui peuvent apporter leur aide, Hyacinthe et moi apportons aussi des générateurs. Nous en avons déchargé deux dans deux orphelinats, ainsi que le reste des fournitures nécessaires.

Il fait sombre dans l’Ukraine de cet hiver et de cette guerre qui traite les villes et les centrales électriques comme des cibles militaires.

Tout ce qui concerne la vie infime de la population civile est dans le collimateur de l’artillerie.

Il se trouve que nous pensons différemment au sujet du temps. Le nôtre est bien balisé par des horaires, des étapes, dans un circuit de quelque trois mille kilomètres aller-retour.

Le temps des Ukrainiens est un bus à l’arrêt dont aucun passager ne descend. Depuis près d’un an, il est garé, éteint au bord de la route.

Tout autour, le monde court sur ses traces, les laissant derrière lui.

Ce n’est pas toute la métaphore du bus. Il y en a qui restent immobiles, campés, le visage appuyé contre la vitre.

Nous avons le privilège de les croiser, de les dépasser, alors qu’ils ont un arrêt sans délai.

L’obscurité, vieille comme le monde, est désormais une arme de guerre.

À mon retour d’Ukraine, je vais me promener au bord de la mer.

Je remonte le temps avec l’ancien système d’écoute des vagues.

Erri De Luca, écrivain- « Il buio »,– sur le blog du site de sa fondation, le 27.12.2022.

Dans une tribune au « Monde » en date de mars 2022, Erri De Luca, racontait sa participation à un convoi humanitaire à destination de Sighetu Marmatiei, ville roumaine frontalière de l’Ukraine.

Il écrivait « Ce voyage en Ukraine me ramène forcément à ceux faits durant la guerre de Bosnie entre 1992 et 1995. J’avais alors la quarantaine, j’ai maintenant 71 ans, mais le désorientement du retour à la maison est toujours le même. Après les journées passées avec ceux qui ont tout perdu et qui campent dans des dortoirs de fortune, après la distribution de notre chargement et une fois nos camions vidés, le retour à la base de départ laisse aussi étourdis qu’alors. Et ça ne vient pas de la fatigue, ça vient d’un vide, le désarroi de celui qui peut revenir sain et sauf.

Aux réfugiés, il reste une valise et la caution d’être vivants, de pouvoir attendre. C’est leur conjugaison du temps, l’indicatif présent du verbe « attendre », sans regards tournés vers le passé ou le futur. »

Depuis, il a en multiplié les allers-retours, et « le vide et le désarroi » apparait chez lui de plus en plus fort.

Si, ici-même, nous tentons de traduire puis de relayer les points de vue sur l’Ukraine de ces deux « reporters » italiens que sont Erri De Luca et Paolo Rumiz – l’un et l’autre ont été les témoins directs des atrocités de la guerre dans les Balkans, et restent de grands Européens convaincus, fiers d’en être- c’est qu’après dix mois de guerre au centre de l’Europe, une forme d’ « obscurité, vieille comme le monde« , s’abat à des degrés divers sur ce continent.

De l’obscurité comme arme de guerre en Ukraine à celle encore peu prononcée, mais ça vient, des restrictions dues à l’énergie en Europe, jusqu’à « l’obscurité » à nous projeter avec sûreté dans l’avenir.

D.D

Ce qui a été dit et écrit ici-même autour d’ Erri De Luca. Ainsi qu’autour de Paolo Rumiz.


 

 


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