En ce moment

Titre

Artiste

 Titre diffusé : 

 Titre diffusé : 

Background

Europe : « Affaire Vincenzo Vecchi : l’esprit des lois ». N°1028

Écrit par sur 19 janvier 2022

Bon, disons que la concordance des temps est ainsi faite que pour marquer le coup d’envoi de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, la Chronique de ce jour se propose de porter son attention sur une audience à la Cour de justice européenne prévue le 20 janvier.

Vous souvenez-vous de ce moment suspendu à la décision des tribunaux pour Vincenzo Vecchi, 47 ans, originaire de Bergame, habitant de Rochefort-en-Terre ? Où après avoir travaillé pendant de nombreuses années comme peintre, et occupant aujourd’hui un emploi dans la construction de logements écologiques à Questembert, est toujours menacé d’être extradé en Italie pour y purger une peine de douze ans et demi de prison en vertu d’une loi liberticide… datant de l’époque fasciste ?

 

Il est facile d’oublier. Alors pour rappel, le comité de soutien de Rochefort-en-terre (56) à Vincenzo Vecchi, vient de nous adresser ce communiqué :
« Cela fait longtemps qu’on ne vous avait plus parlé de l’affaire Vincenzo Vecchi, hé bien voilà, c’est reparti, l’histoire reprend et s’accélère , voici le nouveau communiqué de Presse du Comité de soutien à Vincenzo Vecchi.
Audience à la Cour de Justice Européenne jeudi 20 janvier 2022 au Luxembourg. Alors que deux Cours d’Arrêt – Rennes puis Angers – avaient rejeté le Mandat d’Arrêt Européen visant Vincenzo Vecchi, la Cour de Cassation de Paris, en janvier 2021, a refusé de statuer et a préféré demander l’avis de la Cour de Justice Européenne sur une affaire sensible et qui fera en tous cas jurisprudence. Cette audience sera publique et permettra, à partir de là, d’avoir accès aux argumentaires émis par les gouvernements français , italien et par l’Union Européenne. Cette audience, à caractère exceptionnel, a été demandée par les avocats de la défense et accordée, ce qui confirme la pertinence des arguments qu’ils ont présentés. L’enjeu est essentiel : Vincenzo risque toujours plus de 12 ans d’incarcération en Italie pour sa participation aux manifestations anti G8 à Gênes en 2001. La loi liberticide mussolinienne qui fonde le Mandat d’Arrêt Européen émis à son encontre et cette peine totalement inique et absurde, peuvent-elles être validées et ainsi intégrer l’espace juridique européen ?
Cela serait incompréhensible ! Une délégation du Comité de Soutien fera le déplacement au Luxembourg pour assister aux échanges et recueillir les premières impressions de nos avocats. Nous restons plus que jamais mobilisés et vigilants aux côtés de notre ami ! »

Car, là, de quoi parle-t-on sinon d’Europe en ce jour de coup d’envoi de la présidence française du Conseil de l’Union européenne ? Comme chacun a une conception assez héroïque de soi, de cette présidence française espérons-la empreinte d’une haute idée de sa responsabilité en faveur de la liberté en Europe, porteuse de sens et donc de justice considérant que « les gens ne sont pas des marchandises ».

C’est ce qu’observe implicitement la tribune « Affaire Vincenzo Vecchi : l’esprit des lois » d’Eric Vuillard, écrivain, prix Goncourt 2017 – publiée dans l’Obs du 17 janvier. Qui a trait à cette même audience de la Cour de justice européenne, à lire ci-dessous.

« Plus de vingt ans après avoir participé aux mouvements contre le G8 à Gênes, le militant anticapitaliste Vincenzo Vecchi risque toujours dix ans de prison, si l’Italie obtient son extradition. Une audience à la Cour de justice européenne est prévue le 20 janvier.

Vincenzo Vecchi a participé aux mouvements contre le G8 à Gênes, il y a plus de vingt ans. Il n’est accusé d’aucune atteinte aux personnes, d’aucune violence sur autrui. Depuis trois ans, l’Italie le réclame au nom d’une incrimination étrangère à nos lois, on l’accuse de « dévastations et pillages ». Cette incrimination trouve son origine dans le droit mussolinien, elle est un reliquat de cette sombre période de l’histoire. Cette incrimination concerne les manifestations, les rassemblements. La personne prise sur les lieux, ou bien seulement photographiée, est censée avoir concouru moralement aux dégradations qui s’y produisent. Cela permet de criminaliser toute la manifestation. Et c’est à ce titre, sans que soit nécessaire d’autre preuve, qu’on peut être très lourdement condamné. Ainsi, à Gênes, une photographie de la police montre Vincenzo Vecchi en train de boire une canette de soda devant une boutique pillée, on le voit aussi devant une agence bancaire saccagée, ou dérobant des madriers sur un chantier, et cela suffit, aux yeux de la justice italienne, à lui infliger dix ans de prison.

Je le répète, les faits se sont produits il y a plus de vingt ans, et Vincenzo Vecchi n’est accusé d’aucune atteinte aux personnes. On comprend donc mal l’acharnement de la justice italienne contre lui. Depuis trois ans que dure cette procédure, lente, difficile, Vincenzo Vecchi travaille en France, où il vit depuis de nombreuses années. Un comité de soutien s’est formé spontanément, manifestant une sympathie indéfectible à l’homme comme aux principes. En trois ans, les plus hautes instances de la justice française, deux cours d’appel, ont statué en sa faveur. La mauvaise foi de la justice italienne a même été établie, le second mandat d’arrêt s’est avéré caduc, mais la justice italienne le savait parfaitement, elle l’a d’ailleurs reconnu, c’était afin de charger Vincenzo Vecchi, afin d’essayer de le faire passer pour un récidiviste. La justice italienne a donc instrumentalisé le mandat d’arrêt européen, méprisant les principes les plus élémentaires. Mais le ministère public français s’acharne lui aussi, il se pourvoit contre chaque décision favorable. Or, la justice n’est pas une affaire de carrière, de fierté, de politique répressive. Elle ne saurait être l’otage des opinions des procureurs. Deux décisions ont été rendues en faveur de Vincenzo Vecchi, et par des cours d’appel, autrement dit par les plus hautes juridictions du fond. Même la Cour de cassation a reconnu que l’incrimination pour « dévastations et pillages » ne pouvait exister en droit français. Alors ?

Avant de rendre son verdict, la Cour de cassation a néanmoins préféré poser quelques questions à la Cour de justice européenne, des questions de droit. Mais elles dissimulent en réalité une question politique, une question de principe. Veut-on que le mandat d’arrêt européen devienne une procédure automatique, avec un contrôle restreint, très encadré, au risque de voir pénétrer dans notre droit des vestiges de droits autoritaires, voire de nouvelles mesures attentatoires aux libertés ? L’espace européen sera-t-il un espace de libre-échange des individus ? Ou bien veut-on que le juge puisse continuer à contrôler, afin de ne pas livrer les personnes condamnées au nom de droits iniques ? Car il n’y a pas que des amis de la liberté en Europe, et les gens ne sont pas des marchandises.

Le 20 janvier, il y aura une audience à la Cour de justice européenne. Nous espérons que le droit ne servira pas de prétexte technique. En effet, le droit n’est pas une discipline autonome, neutre, impartiale. Le droit, ce sont des règles et des interprétations. Ici, il faut choisir entre une efficacité aveugle du mandat européen, une efficacité mécanique, et le respect des libertés. En dernière analyse, c’est bien de cela qu’il est question, appliquer ou non une loi liberticide dont l’origine mussolinienne a le mérite d’être claire. Il y a une âme derrière les règles. Le comité de soutien espère que les juges européens feront prévaloir la liberté. Rappelons-le une dernière fois, si l’on ramène cette affaire à l’essentiel, il y a un charpentier italien, condamné à dix ans de prison pour des faits qui relèveraient sans doute d’un simple sursis, des faits qui datent de plus de vingt ans, des faits qui ne concernent que des choses, pas des hommes, il y a deux décisions favorables des plus hautes juridictions françaises ; et, en face, il n’y a que les dissimulations de la justice italienne, sa déloyauté tout au long de la procédure, et une loi, une loi mussolinienne, qui instaure une responsabilité collective, contraire à ce qu’on appelait jadis « l’esprit des lois ». Alors ? Le droit n’est-il pas avant tout une affaire de conscience ? Nous le saurons bientôt. »

D.D

Mise à jour: lire le compte rendu de l’audience du 20 janvier, ici.

Ce qui a été dit et écrit ici-même autour de l’affaire Vincenzo Vecchi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Les opinions du lecteur

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.