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Freinage répétitif. N°544

Écrit par sur 29 août 2012

Anecdote d’été. Donc, récente. Amsterdam, retour. Traversons la Belgique. Par la Flandre. Entre Anvers et Gent, sur l’autoroute une enfilade de feux rouges nous obligent à freiner assez sèchement. Entre de gros poids lourds, un peu bourrins les routiers du coin. Au quatrième feu apparaît de la fumée qui surgit de l’avant-train de notre véhicule. » Nom de Dieu! de la fumée ! » s’exclame l’ami Gérard, qui conduit depuis pas mal de temps soucieux de l’impact d’un freinage répétitif. Et les autres se couvrant de sueurs froides. Rapidement nous nous garons à l’amorce de la première bretelle venue. Pas prudents. En pleine campagne flamande comme on se l’imagine sans l’avoir jamais vu. La fumée provient des freins refaits à neuf avant de partir. Du coup nous roulons à la recherche du garage le plus proche. Doucement. Car mous des freins. Calmes, calmes, sommes restés calmes. Par chance, dans le premier bourg de briques rouges venu, Gérard peut solliciter un garagiste du cru ayant beau pignon sur rue.

Gros étonnement de notre part. Incompréhension. Déjà pas facile de fluidifier le dialogue en temps normal à propos de disque de frein, des patins et des gommes qui chauffent ou des serrages d’étriers, mais ce garagiste, d’entre 45 et 50 ans, ne comprend pas ce qu’on lui dit. Pas une miette. Ne parle ni ne comprend le français, langue pas inconnue dans son pays -selon nous. Du moins d’un grand nombre de ses compatriotes francophones qu’il a eu parfois sans doute pour clients. Qu’il ne parle pas lui ou n’entend pas nous parler français, pas de problème, on respecte le droit à la différence. Et les caprices de nos entourages. Mais plus gênant, apparemment il ne nous comprend pas. D’où la nécessité de faire appel à sa collègue ou compagne bien aimable qui traduit la conversation. Bon, après tout, il est quand même question de difficulté de freinage sur autoroute ! En terme de responsabilité, il en va de l’assistance à personnes en danger, non ? Situation susceptible de déclencher immédiatement certains réflexes professionnels patentés. Flamand ou autre. Eh bien, pendant un certain temps, assez pour ronger son frein, ça ne nous apparaît pas si évident chez ce mécanicien averti dans une langue qui n’est pas la sienne. Pas l’air chaud ce gars-là. D’autres chats à fouetter. Ou rêvasseries flamandes. Possible, considérant que c’est le vendredi après-midi, qu’il vient de ranger et nettoyer son atelier, et que jeter un oeil sur un dispositif de freinage pas de la dernière pluie, et appartenant à des étrangers, va peut être lui compliquer l’existence s’il faut courir à la recherche de pièces détachées qu’il ne possède pas en stock. Donc, en terme de responsabilité, qu’il prenne les devants, qu’il ne répare rien ni ne touche à rien, bon, admettons ! Après tout. Bien que c’est très emmerdant. Pas mauvais bougre, il s’emploie par la suite à rassurer tout le monde. A minima. Par gestes… Soit.

Nous, comme une arête restée en travers de la gorge, c’est cette incompréhension du français qui nous a le plus chagriné finalement. Pourquoi ne nous comprenait-il pas ? Etait-ce volontaire ? Comme un prétexte pour ne pas s’occuper du véhicule d’un francophone. Donc d’un étranger. Qui aurait pu être finalement de Bruxelles, capitale belge qui parle plutôt le français, installée en Flandre. Voilà, le fait que ce Flamand belge n’utilise pas une autre langue officielle en cas de nécessité (en allemand, l’écueil fut le même) nous a quelque peu secoué sur l’instant. Ce qui fut confirmé par la suite. En d’autres lieux et situations (hébergement). Dans cette Belgique aujourd’hui en proie à la découpe et aux trous d’air, qui, bien qu’elle a moins de 200 ans, a eu en plus d’un roi dit « le roi des Belges », des gouvernements successifs (jusqu’à peu) en charge de l’unité du pays et de l’enseignement d’un langage usuel pour une présence commune. Même celui de la refuser.

Rappelons qu’il est dit que la Belgique a trois langues à la fois officielles et nationales : le néerlandais, le français et l’allemand. Qu’il est dit quelles sont traitées à égalité (rien à voir avec la question des langues minoritaires en France). Ce qui correspond à quatre régions linguistiques française, néerlandaise, allemande et bilingue de Bruxelles-Capitale (français et néerlandais). Qu’il est dit que le néerlandais et le français sont des langues pratiquées presque exclusivement au niveau politique fédéral et régional, dans les médias et par 99 % de la population (majoritairement bilingue). Mais qu’en sait-on de la part du non-bilinguisme restant? Car il me semble bien que l’on soit tombé dessus assez souvent. Comble de malchance ? Hasard ? J’en doute. Plutôt surpris comme par un brutal freinage… linguistique. Plutôt volontaire. Et répétitif. Bref, à éclaircir s’il faut qu’on s’acclimate.

En plus…nous avions affaire à des commerçants… Et selon le sens de « commerce » ça implique l’idée de « liaisons, rapports, communications que les personnes ont les unes avec les autres, pour quelque objet que ce soit » dit la définition. Bon !

Du coup, assez naturellement vient à l’esprit l’usage des langues comme frontières. Comme outil peut être « identitaire » mais de ségrégation efficace à n’en pas douter. Pas mieux pour se fermer à l’autre. L’autre qui peut être son compatriote. D’autant s’il est un compatriote pauvre d’origine wallonne qui broie du noir. Mais pas seulement. Donc, à chasser.

Bon, on s’en est tiré, cahin-caha. En touchant du bois. Je vous ai prévenu, cette histoire c’est de l’anecdotique, de l’aléatoire de voyage. Encore que… pas tout le temps. De retour à la maison, nous sommes allés fouiller la question. Par curiosité. Pour reprendre la question linguistique d’un peu plus haut. Et là, penser pas que « ça » atteignait cette ampleur ne vient pas tout naturellement à l’esprit ! L’on croit d’abord qu’il s’agissait simplement de bougons, d’irascibles occasionnels qui s’étaient trouvés sur notre passage (ou nous sur le leur !), mais voilà ce qu’on trouve dans l’actualité qu’on ignore ici :

« Une école flamande punit les enfants qui parlent français. Les quotidiens francophones appartenant au groupe « Sudpresse » ont rapporté ce mardi 14 février 2012 que l’école flamande « Saint-Pieterscollege », située à Jette, dans la Région bruxelloise, a décidé de punir les enfants qui parlent le français dans la cour de récréation. Dans une note envoyée aux parents des élèves, la direction de cette école flamande, dirigée par Véronique Vanhercke, écrit « Un bon linguistique sera distribué aux enfants qui parlent français dans la cour de récréation. Si du 27 février au 30 mars l’enfant reçoit trois bons, il devra assister à une séance d’étude linguistique le lundi 26 mars entre 15h15 et 17h45 ». Il semble donc que seule la langue française est ciblée par l’établissement scolaire (et non pas, par exemples, l’arabe ou l’anglais).

Pis, l’interdiction de l’usage de la langue française s’appliquent désormais « aux alentours de l’école » (« omgeving »). Bien entendu, les autorités scolaires flamandes ne précisent pas ce qu’elles entendent par « les alentours de l’école », de telle sorte que l’usage de la langue française est de facto interdit sur l’ensemble du territoire. De nombreux témoignages d’enfants francophones, parfaitement bilingues, indiquent qu’ils sont sujets à des pressions et des menaces d’enseignants néerlandophones pour qu’ils ne s’expriment pas en français entre eux en dehors de l’école. Certains ont été sanctionnés parce qu’ils parlaient le français entre eux sur la voie publique. L’interdiction de la langue française entre particuliers est illégale. Pourtant, c’est bien la réalité que vivent des enfants francophones au cœur de l’Europe. »

« Apartheid linguistique en Flandre. La commune flamande de Liedekerke a adopté un nouveau règlement qui autorise les responsables des «plaines de jeux » (jardins d’enfants) à refuser l’admission des enfants ne parlant ou ne comprenant pas le néerlandais. Le bourgmestre (maire) de la commune, le CD&V Luc Wynant (qui appartient donc au même parti qu’Yves Leterme, le Premier ministre belge), s’est justifié sur les ondes de Radio 2 : « quand il faut s’occuper d’un groupe d’enfants et les laisser jouer en toute sécurité, il est important qu’ils comprennent ce que les moniteurs leur disent.».

Cette histoire, rapportée par l’agence de presse belge Belga, montre comment, naturellement, mesure discriminatoire après mesure discriminatoire, la Flandre en vient à instaurer un véritable régime d’apartheid linguistique au nom de la défense de sa culture. »

« FLANDRE. Le français interdit au marché de Merchtem.

Eddie De Block, maïeur VLD de Merchtem, commune voisine de Bruxelles, a décidé de maintenir l’interdiction pour les commerçants ambulants d’utiliser une autre langue que le néerlandais sur leurs affiches et écriteaux. »

Et pour en savoir plus, lire ce blog.

D.D


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