Hasard du calendrier. N°1153 bis
Écrit par admin sur 20 juin 2024
Quelle drôle de coïncidence, dites-moi ! Hasard du calendrier. Je viens incidemment de retrouver une relique, je parle du poste de TSF de mes grands-parents. Ils tenaient un débit de boisson et cordonnerie, situé dans le quartier de la gare à Combourg, où des briqueteries, parqueterie, scieries, chantiers de granit, fabrique de poteaux, employaient une bonne centaine d’ouvriers.
Dans un assemblage de briques, la particularité du quartier de la gare c’était d’avoir une cité ouvrière, la cité Rahuel. Elle représentait un progrès par rapport aux logements que l’on trouvait à l’époque. Les loyers n’étaient pas chers. Une cité en briques où s’exprimaient avec des moyens réduits, l’ingéniosité, le goût, la culture de ses bâtisseurs. Et puis, la vie, une tablette pour poser un pot de fleurs, une marquise pour marquer l’entrée, un recoin pour les sabots au retour du travail : tout avait de l’importance.
A partir de juillet 1936, immédiatement après le coup d’Etat de Franco, la guerre civile éclate en Espagne, alors des républicains espagnols qui fuyaient le franquisme, y ont trouvé refuge. Il parait même que le maire de Barcelone est passé ici. L’accueil républicain des réfugiés n’était pas un vain mot. A leur contact, mon père avait appris l’espagnol.
Les ouvriers étant nombreux dans le quartier, la vie politique était animée. Si bien qu’entre le 6 février 34, la date où les mouvements et ligues d’extrême droite qui n’ont jamais eu d’autre objectif que de détruire la République, ont voulu prendre d’assaut le parlement entraînant une vingtaine de morts, l’année 35 avec les manifestations, grèves, élections législatives, et enfin la formation du gouvernement du Front populaire du 4 juin 36, les ouvriers ont afflué en ce lieu doté du seul poste de radio du quartier que tenaient mes grands-parents.
Ceci pour écouter les informations et déclarations des politiques et syndicalistes de l’époque, qui tenaient depuis la Révolution française par une promesse d’égalité. L’on y discutait et jouait au billard ou aux boules bretonnes, aussi. Comme huit ans plus tard, entre deux bombardements anglais approximatifs vu leur hauteur sur les wagons allemands bourrés d’armement stationnés à la « p’tite vitesse« , pour écouter et tenter de traduire les messages codés de Radio Londres entre personnes de confiance, après avoir bien fermé portes et fenêtres et en tendant l’oreille dans la pénombre.
Si l’heure n’est plus au bastion historique du progressisme communal, quatre-vingt quatre ans plus tard et replacé dans le contexte historique et politique du moment, elle n’en est pas moins cruciale.
D.D