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Sauveteur. N°412.

Écrit par sur 3 février 2010

Ah! je ressorts de deux jours de formation de sauveteur-secouriste du travail (SST). Objectifs? Prodiguer les premiers soins (analyse de la situation, tâtonnements, libération des voies ariennes, massage cardiaque et bouche à bouche, puis point de compression, etc…), alerter les secours (SAMU, pompiers,etc…), bref préparer à agir lorsque l’accident survient. Selon le code du travail c’est obligatoire dans les ateliers où sont effectués des travaux dangereux et sur les chantiers occupant plus de vingt personnes.

On peut présenter les choses ainsi: à ce stade pas de machines, la solidarité s’exerce à mains nues. La question est de savoir en quoi consiste cette vie en danger pour qu’elle se transforme en survie. La réponse est dans un « faire avec » qui grâce à l’agencement de sa propre conscience de l’immédiat et de procédures à maîtriser, en bravant l’interdit de toucher le corps de l’autre, cherche à déployer chez la victime de nouvelles ressources vitales. Devant l’accident ou la crise qui disloque l’individu c’est une certaine façon de considérer la vie, la vie inter-individuelle, de la prendre sous l’angle tragique des Grecs, donc en sachant que la finitude peut d’une existence tout arrêter d’un coup.

Voilà une question de responsabilité personnelle. Ou de dette. Tiens! à ce propos qu’est-ce qu’en disait Jean Pierre Vernant à qui s’était adressée cette question? « Si on cherche dans vos textes une définition de la responsabilité personnelle, on trouve le sentiment de la dette… envers qui? » Le philosophe répondait:  » La dette envers le monde. C’est le constat intellectuel que nous sommes des êtres finis, limités, déficients, que ce qui nous caractérise, c’est le manque, et que par conséquent la vie est un effort pour combler ces vides en sachant qu’ils ne seront jamais comblés. Est exempt de dette ce qui est autosuffisant, ce qui a dans sa propre nature, dans son « essence », comme diraient les philosophes, de quoi passer à l’existence, comme dieu [sic]. […] Aucun de nous n’est divin en ce sens, nous sommes caractérisés par la finitude, la mort, nous savons que nous mourrons et que par conséquent tout est fragile; or c’est cette fragilité, ce caractère passager des choses, le fait que nos sociétés sont nécessairement imparfaites, qui font le destin et la beauté de la condition humaine. S’il n’y avait pas de mort, si les fleurs ne se fanaient pas, est-ce qu’elles seraient cela même que nous voyons lorsqu’elles sont en pleine floraison? C’est leur fragilité qui fait leur beauté. C’est dans la mesure où nous éprouvons à la fois le sentiment de notre fragilité, de notre imperfection et ce lien qui nous unit à… un chrétien dirait à notre prochain, comme nous limité, faible, mortel, que nous pouvons essayer ensemble de faire quelque chose de vivable, pas seulement au sens de survivre, mais aussi, comme diraient les Grecs, au sens de vivre bien, heureux, avec noblesse, sans lâcheté, sans petitesse. Voilà ce qu’il faut faire. C’est l’idéal bricolé d’un être qui sait qu’il n’y a pas de vérité absolue à laquelle se raccrocher et donc qui bricole sa propre existence, son système de valeurs en barrant la route à ce qui est le mal dans ce système, les gens qui érigent en absolu leur manque, en haine leurs insuffisances. »

Pendant cette formation prodiguée par un collègue formateur il y eut la prise de connaissance du défibrillateur. C’est quoi ça? C’est neuf! Plus de 40 000 personnes en France décèdent d’un arrêt cardiaque. Pour faire face à ces morts subites -qui n’ont pas souvent lieu sur les lieux de travail-, un nouvel outil, le défibrillateur, est aujourd’hui installé dans les établissements d’une certaine taille. Sa fonction est d’administrer des chocs électriques qui peuvent parfois relancer le battement du coeur. Et donc d’augmenter les chances de survie. Les lieux publics doivent en être pourvus.

Ah! exposer ainsi dans une chronique du monde branché du net, une chose si ordinaire peut paraître un poil ringard, un poil « relou ». Eh bien non! L’indispensable maillon du dispositif de secours en entreprise reposant sur les réflexes, le sang-froid, et les compétences des salariés, eh bien non ça ne va pas de soi. Non!

Car pour que la marge des profits augmente, à l’exemple de celle qui est tirée des gouttes d’eau par Véolia, il s’agit pour les sarkozystes de rogner par tous les bouts, petits bouts par petits bouts, le droit du travail et la dignité des salariés. Pas un jour sans qu’un droit social soit retiré quand le même temps se multiplient les cadeaux aux plus aisés. Un jour, ils attaquent de façon obscène le fait que les (trop) faibles indemnités des accidentés du travail ne soient pas imposées. Un autre jour, en plein épidémie de grippe, ils décident de ne pas payer un 4° jour de « carence » pour les salariés malades. Dès lors, ramener à notre tour l’exigence absolue quelque soit le lieu, au respect du code du travail n’est pas neutre.

Quand apparaît, en pleine irruption des études sur le stress, les accidents cardiaques et vasculaires, les suicides au travail (dont seulement 1 sur 3 est reconnu comme accident), l’incroyable projet du Medef de tuer la médecine du travail en osant proposer la disparition de la seule spécialité médicale liant la santé et le travail, il est plus que temps de se ressaisir face aux logiques générales à l’œuvre – un terme flatteur. D’autant que celles-ci sont couronnées d’incompétence et de mépris social: mise sous pression, ordres contradictoires, fin de la reconnaissance et mise à mort de l’identité de l’individu, cadences infernales, risques, horaires brisés, exploitation. Le tout, sous l’oeil d’individus préservés là où d’autres sont précaires.

D’où l’importance de telles formations basées sur des observations de terrain relèvant de l’hygiène et sécurité dans l’entreprise, d’autant qu’elles sont utiles aussi pour soi, une bien bonne raison de nous rappeler à nos devoirs de vigilance ferme et résolue à l’heure où tout éclate et se dérèglemente. Avant qu’on s’aperçoive trop tard que ces droits n’auront été qu’un (très court) moment de l’histoire du travail.

D.D


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