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Soleil de Brest. N°1084

Écrit par sur 15 février 2023

 

A cet instant du temps social, cette Chronique du jour prend soin de la manif du 11 février. Mais cette fois-ci, d’une foule immense formant le cortège de Brest, en plein jour, sous le soleil et au grand air.

En empruntant un nombre incroyable de rues et d’avenues – rue de Siam, rue de Lyon, rue Michelet, boulevard Jean Moulin près des téléphériques, la rampe du cours Dajot avec vue sur la rade apaisée/apaisante mais « à la pointe des pointes, l’océan est spécial », et retour place de la Liberté par l’avenue Clemenceau- qui concoctent un tissage aux coudes-à-coudes de 20 000 manifestants qui s’expliquent par la volonté intraitable de se prémunir contre cette réforme des retraites.

Avec ce slogan clairement défini bien que bon enfant, à l’image du cortège qui l’était autant, « Madame la Première ministre, retirez votre projet injuste et brutal.  »

Chaque fois singuliers et localisés, étant d’entrée situés intervenant en un lieu et à un moment donné, ces cheminements de réfractaires qui se font jour chaque semaine sont des désenlisements face à une idéologie s’imposant à notre insu. Il était temps de devenir intelligent – une recette simple pourtant- et non plus de simples jouets pour la sphère des actionnaires des CAC40 qui nous asphyxient à petit feu.

« Brest-même«  retrouvant alors sa vocation citoyenne, espiègle, sans frime, pas bourgeoise, qui « ne lâche rien » comme l’incarne héroïquement Irène Frachon une nouvelle fois en ces heures-ci, et sa mémoire populaire en chants – agréable, une mélodie plaisante-, redevient la Cité qui laisse respirer et vivre. Prendre collectivement du relief et accrocher l’attention. « Ce lieu du corps, celui de la cité et du « vivre ensemble « tel que l’inspirait le philosophe urbaniste Jean-Paul Dollé. Et non plus, dans le laps de temps de ces cheminements, ce lieu de la marchandise et de l’accélération du monde (Harmut Rosa).

Des cheminements citoyens pour dénoncer « Un système injuste juridiquement et financièrement » pour reprendre l’intitulé de la prise de position de Josépha Dirringer, maîtresse de conférences à Rennes-1, parue dans L’Humanité du 14 février – relayée ci-dessous.

D.D

« Cette réforme des retraites est injuste, d’abord pour les individus. Chacun devra subir les conséquences d’une usure professionnelle accrue, en particulier ceux et celles qui ont des carrières longues et/ou qui occupent un emploi pénible.

Le compte professionnel de prévention (C2P) est une réponse bien maigre. En l’absence de données chiffrées précises, il est même difficile d’apprécier le nombre de travailleurs qui pourront y prétendre. Selon une étude de la Dares parue en juin 2022, 1,3 million de salariés avaient un compte ouvert en 2017. Mais, la même étude relatait une enquête lancée par la direction générale du travail, qui dénombrait, quant à elle, 2,9 millions de salariés exposés à des risques professionnels, dont 492 000 seulement avaient un compte.

Ce flou en dit long sur l’attention que le gouvernement porte à ce sujet. Les salariés seront d’autant plus durement impactés par la réforme que les ordonnances de 2017 ont réduit le nombre de risques professionnels pris en compte pour le C2P, excluant tous les risques liés à l’exposition à des contraintes physiques marquées et ceux liés à l’exposition aux agents chimiques dangereux. C’est donc, toute chose égale par ailleurs, 2,1 des 2,3 millions des salariés précités qui ne seraient plus pris en compte. Ajoutons à la liste des exclus les agents publics qui ne disposent pas de C2P. Ainsi, la pénibilité de l’emploi des agents territoriaux, des hospitaliers, etc., n’est tout simplement pas reconnue.

« L’équité dont parle la Commission européenne: réduire les 12 milliards d’euros de déficit prévisionnel du système de retraite pour rendre soutenables la dette publique, donc les 230 milliards d’euros d’aide aux entreprises en 2021. »

Elle est injuste encore, car, corrélativement à l’effort demandé aux travailleurs, aucun ne pèse sur les employeurs. Ni financièrement ni juridiquement. Financièrement, le mantra est répété à l’envi : « Il ne faut pas augmenter le coût du travail. » Juridiquement, loin de toute idée d’obligation, c’est une bagatelle managériale que le projet de loi prévoit. Qu’attendre, en effet, d’un index élaboré sur la base d’indicateurs négociables, ne faisant l’objet d’une négociation obligatoire, sauf accord, que pour les seules entreprises d’au moins 300 salariés, et qui n’emporte aucune conséquence si la note obtenue est mauvaise ? On peut douter de l’efficacité d’un tel dispositif, surtout si on le compare à l’index de l’égalité professionnelle, pourtant plus exigeant, dont les résultats sont pour le moins décevants.

La réforme est injuste, enfin, car elle fait peser sur le système des retraites des objectifs qui sont étrangers à ses finalités. Cela s’inscrit dans les recommandations de la Commission européenne faites à la France en 2022. Mettant en cause l’équité et la durabilité du système, la Commission européenne craint le risque de « creusement de la dette publique malgré une pression fiscale importante ». Telle est l’équité dont elle parle : réduire les 12 milliards d’euros de déficit prévisionnel du système de retraite pour rendre soutenables la dette publique, donc les 230 milliards d’euros d’aide aux entreprises en 2021. Nous voilà très loin de l’objectif de 1945 : garantir « à chacun des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance (…) dans des conditions décentes ».

Josépha Dirringer, Juriste, maîtresse de conférences à Rennes-I

 

Ce qui a été dit et écrit ici-même autour de Brest.

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