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« Un village » au GwinZegal. N°961

Écrit par sur 7 octobre 2020

Située en plein centre-ville, l’ancienne prison de Guingamp qui comporte 35 cellules, sur deux étages tout autour de la cour, abrite depuis l’année dernière un chouette centre d’art d’intérêt national dédié à la photographie contemporaine, GwinZegal. Doté d’un espace d’expositions de 150 m2, l’endroit est ouvert gratuitement au public. S’y côtoient ainsi l’architecture carcérale et les expositions de photos d’esprit tant ethnographique qu’esthétique.

Sur les murs de l’ancienne prison donc, l’exposition inédite Un village de la photographe autodidacte Madeleine de Sinéty -voir ici– présente des instantanés qui témoignent d’un monde paysan de 1972 à 1981, entre le travail aux champs avec chevaux et l’arrivée de la mécanisation.

Essayez d’imaginer avec ses dizaines de milliers de clichés (33 280 diapositives couleur, 23 076 négatifs noir et blanc), en empathie avec ces personnes photographiées combien la photographe a ainsi su saisir un monde en train de disparaître, le quotidien des habitants de Poilley, petite commune d’Ille-et-vilaine située près de Fougères – voir ces clichés.

Mais vu la similitude des situations photographiées, je soupçonne que pareils clichés auraient pu être pris ici, soit à 20 kms vol d’oiseau de celle-ci, à Cuguen. Avec les mêmes scènes connues de ces citoyens anciens, souvent vécues pour les plus âgés d’aujourd’hui.

Là où, pour l’une d’elle, notre radio s’est nichée à la fin de ces mêmes années. Où donc a commencé par le commencement, a pris racine et se prolonge en un fil continu jusqu’à ce jour, cette utopie radiophonique du début des années 80 précieusement préservée, devenue une réalité – ce qui distingue favorablement notons-le cette localité de l’autre. Certains reportages écrits que nous avions réalisés en ces années-là, témoignent néanmoins de cette grande ressemblance – à défaut d’avoir su en conserver les documents audio. Et nous voici l’une des représentations locales de cet entredeux mondes.

Et si par ces images cette forme de vie collective avec le plaisir de la rencontre retrouve d’abord sa visibilité, elles amènent au constat qu’ayant perdu l’horloge du temps, nous assistons depuis quelques décennies à la réalisation du credo capitaliste : l’idée que la loi du marché peut régler et réguler tous les aspects de l’existence.

Présentée en partie dans chambre noire par trois projecteurs de diapositives, cette imagerie en action fait entrevoir pour les uns, un moment la beauté, la grandeur et la gravité de l’humble existence quotidienne; pour d’autres, une rétrospective circonstancielle, laquelle relie le passé et le futur, par rapport auxquels l’on est toujours entre-deux mondes.

Et être entre-deux mondes c’est aussi assurément remarquer le judicieux travail scénographique marqué de la même époque, avec prise en compte de la vitesse d’enchaînement des diapos qui s’affichent avec un élégant fondu enchaîné et le cliquetis des tiroirs et carrousels.

Mais être entre-deux mondes, sans mauvais esprit, c’est aussi parfois se sentir mal à l’aise. Peu après. J’avoue. Car à l’issue de la visite l’impression m’a pris d’être allé rendre visite en prison à ces gens d’Autrefois. Rendus visibles par le biais d’une photographe qui avait coffré leur image. Puisque force est de constater que ce lieu n’est pas neutre. Aucune architecture ne l’est, moins encore celle-ci. On n’y échappe pas. Aussi désaffectée soit-elle, son architecture classée Monument Historique – parfaitement réhabilitée en associant l’ancien et le moderne- n’est pas passée à « une seconde vie » contrairement à ce qui est dit. Les travaux n’ont nullement consisté à transformer radicalement le caractère de cette architecture.

Dans cet entre-deux mondes, elle est là pour rappeler à tout visiteur, quoiqu’on en pense par ailleurs, la réalité de l’enfermement. D’Autrefois. Conserver intacte cette architecture en tant que technologie du pouvoir – « le témoin des variations du système carcéral français »- résulte d’un choix. Qui indispose. Le reste à l’avenant. Le site va devenir l’INSEAC (Institut National Supérieur de l’Éducation Artistique et Culturelle).

D.D

Ce qui a été dit et écrit ici-même autour de la photo.


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