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L’Europe, derrière les comptes, des idées. N°533

Écrit par sur 6 juin 2012

…Voilà maintenant rendons-nous aux quatre coins de l’Europe … Du moins, pour ce faire, comme déjà dit précédemment, je viens de ressortir une nouvelle pièce de mes archives consacrée à Jean-Paul Dollé. Un texte paru le 15 avril 1992 dans l’hebdomadaire Légende du siècle. La conspiration des égos (ce sous-titre apparaît comme un clin d’oeil à la conspiration des Egaux, je parie).

A propos, je vous mets dans la confidence: du même auteur, suivront d’autres textes (introuvables) parus en 1987. Voilà, replacer ces textes dans la circulation des idées afin que Dollé reprenne sa place, présent dans la pensée du temps. En écart. Bien, oui, on a beau chercher sur le net, il ne nous embarrasse pas le plancher, le très discret Dollé. Même en image. Dommage! Mais je me trompe peut être. En tout cas, offrons-lui un peu d’espace et de temps. L’immense intérêt de la chose c’est que l’espace et le temps – à habiter – c’était justement son thème de prédilection. Voilà l’article, pour lui redonner envie de parler.

EUROPE LOIN DE MAASTRICH De Guillaume d’Orange à Freud

« Freud, bien sûr. Juif, de culture allemande, né aux confins de l’empire austro-hongrois, lycéen, étudiant et médecin à Vienne, nourri d’humanités classiques, comprenant toutes les grandes langues de culture, amoureux de Rome et des antiquités égyptiennes, fasciné par Paris et, en même temps, méfiant à l’égard d’une certaine « légèreté » française, exportateur de la « peste » psychanalytique dans le Nouveau Monde, mort en exil à Londres, en 1939, à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, la deuxième guerre civile européenne, dans laquelle l’Europe risqua de sombrer définitivement dans la barbarie. Qui mieux que lui incarne le destin de l’Europe du XXIème siècle ?

D’abord, l’Europe conquérante du progrès de la science, héritière des Lumières, des Encyclopédistes et de Goethe, premier représentant de la littérature universelle. Et puis, le traumatisme de la guerre industrialisée, la plongée dans les ténèbres de l’âme, le soleil noir de la tragédie, la pulsion de mort au fond du cœur des individus et des peuples. Le malaise dans la civilisation avec, comme seule issue, l’avenir toujours recommencé des lendemains qui chantent. Enfin, la dure acceptation du principe de réalité, la sublimation des passions qui permet la construction d’un ordre humain débarrassé des prestiges du sacré et des funestes séductions de la volonté de puissance. L’apprentissage de la tolérance, en somme, sans les alibis du cynisme ; le savoir désenchanté de La Rochefoucauld sur la nature humaine exposés sur scène par la verve de Molière ; le sens pascalien des vanités corrigé par la virtù du Prince machiavélien et actualisé par le grand révolutionnaire italien Antonio Gramsci ; l’absence radicale d’espoir, accoucheuse, comme chez Guillaume d’Orange, de l’esprit d’entreprise ; le regard lucide sur le réel qui permet à Jaurès de tendre à l’idéal. Bref, cet esprit européen qui n’est évidemment pas l’addition des cultures et des identités nationales des 6, des 12 ou des 24, ni ce vague cosmopolitisme qui n’exprime que les comportements et les modes des classes dominantes, mais ce que le philosophe tchèque Jan Patocka appelle le « souci de l’âme ».

Ne jamais tenir pour acquis ce qui est, ne jamais se soumettre à la permanence naturelle mais ouvrir toujours un chemin au devenir, voilà ce qu’est le souci de l’âme qui constitue l’histoire de l’Europe, et l’Europe comme histoire.

Au XXIème siècle, Freud en demeure le hérault. »

Jean-Paul Dollé, philosophe – texte paru le 15 avril 1992 dans l’hebdomadaire Légende du siècle.

Alors bon d’abord, Dollé l’aurait-il écrit ainsi ce texte en juin 2012 ? Il serait difficile d’imaginer l’inverse. Après l’avoir lu convenablement en multiples endroits. Ce qu’il nous dit, son idée c’est: attention, vigilance! Faut se représenter l’Europe. Pas oublié de faire ré-apparaître ce qui est là. Ce qu’on nomme la représentation mentale. Trait caractéristique du pédagogue qu’il fut. C’est ainsi qu’il nous renvoie ici à Patocka.

Une courte recherche et nous y sommes. Partant du thème socratique du « soin de l’âme », Jan Patocka parlait du  » souci de l’âme  » dont l’Europe serait porteuse. Selon lui,  » le caractère démoniaque du XXe siècle tient surtout au déni de ce souci de l’âme « . Il évoque même  » cet ennui de proportions gigantesques que même l’ingéniosité infinie de la science et de la technique modernes demeure impuissante à dissimuler et qu’il serait naïf et cynique de sous-estimer ou de ne pas remarquer « . Ainsi, pour lui, ce qui ne va pas, mais pas du tout, c’est que chacun se replie sur la vie au jour le jour. Se perd dans un quotidien pesant dans lequel il se résigne. Et, et… pratique cette  » politique de l’autruche  » en se laissant fasciner par le  » petit rythme vital « .
Bref, ça dort sur ses deux oreilles! En Europe. Dit-il.

Repartons du constat dolléien. « Ne jamais tenir pour acquis (…) ouvrir toujours un chemin au devenir« , eh bien, ça n’a pas l’air mais même vingt ans après, justement en ce moment, ça n’a jamais été autant moins superflu que de rappeler ça. Vu le contexte. D’ailleurs le texte n’a pas l’air d’en souffrir trop.

D. D


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