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Alain Damasio & Yann Péchin, « Entrer dans la couleur ». N°1075

Écrit par sur 14 décembre 2022

En fait… Est-ce par paresse? Je n’en sais encore rien. Mais le gros pavé Les Furtifs d’Alain Damasio, acheté dès sa parution à la librairie L’Herbe rouge de Dol de Bretagne – ce lieu hors du commun tenu par Philippe jusqu’à sa mort, ce lieu et lui-même qui nous manquent cruellement, lire ici-, eh bien ce gros morceau de 690 pages, paru en 2019, je ne l’ai pas encore ouvert, pas même touché. Quelques regards furtifs en sa direction et sa lecture toujours remise à plus. Pourquoi ? Je ne me l’explique pas bien. Le plus probable c’est en raison de son style, en apparence de la science-fiction donc rien ne presse, me dis-je. Et puis, cela nécessite chez moi un investissement inhabituel car peu enclin d’ordinaire à supporter dans la science-fiction sa part de romanesque, d’absurde, d’incompréhensible.

En fait… Je ressors tout juste du spectacle d’Alain Damasio & Yann Péchin « Entrer dans la couleur « , programmé hier soir à La Passerelle de Saint-Brieuc – dans l’anachronique Petit théâtre construit en 1884, dit « à l’italienne ». Où lui, l’auteur, a déclamé des extraits de son texte Les Furtifs, accompagné de Yann Péchin guitariste virtuose et sculpteur de sons, compagnon de route et de studio des Bashung, Taha, Brigitte Fontaine, Thiéfaine, Miossec ou encore Higelin

En fait… Alain Damasio, célèbre écrivain de science-fiction philosopho-politique, sur scène rappelle ces hautes figures de la scène chantée/parlée en un « concert de rock-fiction poéthique », pour en reprendre la présentation. Et c’est fort, très fort. Epique et visionnaire, critique impitoyable du monde qui vient, le duo associe les riffs de guitare qui sont des cris, des larmes, des jaillissements de lucidité, des déploiements d’énergie, et les harangues, les récits, les poèmes politiques avec leurs imprécations, le tout reflétant ce livre-fleuve qui me restera à lire. Dès lors qu’il vient de m’être présenté en scène dans sa version très rock. Toute de noir intense, avec des touches vibrantes en musique/voix propres à produire du réel et de s’en faire l’écho.

En fait… J’avoue qu’après avoir assisté à ce concert aux accords de guitare résonnant d’échos lointains, l’on se sent invité à traverser à pied le livre-fleuve, à entrer dans la couleur en question en poursuivant sa réflexion mélangeant à plaisir situations d’énonciation, fictions et réalités. Dans ce spectacle aux distorsions aigües de guitare électrique, par sa voix de bien belle musicalité et inventivité de langage, on entre dedans et ça cavale à fond de train.

Car Damasio, une force et une précision, nous propose de regarder le monde à travers les yeux de quelqu’un qui est en avance sur son temps. Donc ce n’est pas vraisemblablement de la SF, mais plutôt vraiment de l’anticipation politique, noirceur comprise au besoin. Voyez un peu, c’est très important, il imagine une France de 2040 où les entreprises comme Vuitton ou Orange privatisent les villes – « mais pas Saint-Brieuc, trop pauvre »-, où l’État est en faillite, et où l’ubérisation massive de la société asservit les humains.

En fait… Tout est actuel, sous nos yeux – « voyez la privatisation de l’université en cours »-! Et moi qui croyait avoir le temps… Tout est actuel puisqu’il parle du tissage de la trame à renouer avec le « Vivant en nous et hors de nous » – voir la page Damasio de Françoise sur Lieux-dits.eu.

En fait… Quel est le parti pris de l' »activiste SF » qu’il est pour ses êtres imaginaires « dans l’angle mort de la vision humaine » Les Furtifs ? Il résiderait dans leur capacité à s’échapper au contrôle et à la surveillance, car ce sont « des êtres de chair et de sons, à la vitalité hors norme, qui métabolisent dans leur trajet pierres, déchets, animaux ou plantes pour alimenter leurs métamorphoses incessantes ». Passés de « l’angle mort à l’angle Vie« , libérés de la société aliénée car gouvernée par des machines et l’I.A (Intelligence artificielle).

En fait… Ne pas se méprendre sur l’intention de l’écrivain. Peut être rejoint-il Bernard Noël qui, dans L’Outrage aux mots, parlait de « l’invitation » : « L’écrivain (…) ne souhaite pas imposer un sens mais le multiplier pour que son lecteur fasse l’expérience de la liberté. ». « Cette liberté, que recherche la littérature contemporaine, n’a que faire d’une communication qui se confondrait avec l’information. Un texte littéraire n’est pas un message exact, mais l’invitation à une expérience relative et multiple.»

Conclusion: sommes tous invités à lire le jovial Damasio!

D.D

Ce qui a été dit et écrit ici-même autour de  Bernard Noël.

 


Les opinions du lecteur
  1. Françoise   Sur   15 décembre 2022 à 9 h 49 min

    Je voulais recopier ici un extrait de la page Damasio de Lieux-dits, que tu cites et dont je te remercie…recopier un fragment de texte pour ponctuer ta chronique…y rajouter une pépite ou l’enguirlander…(au sens sapin de Noël du terme !) mais je n’arrive pas à extraire des mots plus que d’autres…tout y est « vent bouclé et vibratoire »…
    Alors celui-ci ?:
    « Je n’écris surtout pas pour divertir, ni faire rêver, ni provoquer de l’émotion, ce Graal à la con, ou encore pour la catharsis. J’écris pour que le lecteur, quand il referme le livre, ou même avant, s’il le lâche, en sorte transformé, énergétiquement plus habité, intellectuellement remué, éveillé, énervé peut-être. Et surtout, j’écris pour qu’il ait un peu plus envie de vivre en sortant de mes livres qu’il ne l’avait en y entrant. C’est sans doute ma dimension épique intestine. »
    Ou celui-là ?:
    « La liberté, elle est pour moi ce dehors, intérieur à chacun de nous, dont ceux qui nous gèrent voudraient tant faire une Zone. Ou mieux : une norme. Sachons nous ouvrir pour agrandir cette poche, qui est poumon – et vent pulsif. Osons même, parfois, élargir la cicatrice et refuser le cocon consumériste, les consolations et les soins.
    Parce que ça fait mal, d’être libre. »
    Ou encore un autre ?????

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