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« Moi, Daniel Blake ». N°760

Écrit par sur 9 novembre 2016

i-daneilblakewide_mJuste une minute pour vous écrire autre chose que sur ce séisme Trump.

En nous amènant dans la Grande Bretagne d’aujourd’hui, Ken Loach avec son dernier film « Moi, Daniel Blake », nous fait une belle leçon d’humanité sur les méfaits très concrets du néo-libéralisme.

Primé à Cannes par une Palme d’Or, deux ans après « Jimmy’s Hall », ce film raconte comment sur cette île ultralibérale aujourd’hui dévastée par la crise, dans lequel l’État-providence est partie en morceaux, où la dignité humaine n’a pas de valeur, un nombre de pauvres ont la chute dans l’abîme pour tout avenir.

A l’exemple de Daniel Blake, un charpentier anglais expérimenté de 59 ans. Qui, après des problèmes cardiaques pour lesquels des médecins lui interdisent de retravailler, se voit couper les aides auxquelles il a droit au motif qu’il n’entend rien à l’informatique et à internet, par l’administration (privatisée) qui le juge apte à reprendre son activité. Blake se retrouve alors dans une situation kafkaïenne. Qui, au fil de sa recherche obligatoire mais vaine d’un travail jetable sous-payé, le fait plonger dans la déchéance sociale totale.

Des heures au téléphone à attendre un opérateur ou à perdre du temps à répondre aux questions trompeuses, ou à se retrouver contraint de remplir sans fin des formulaires – numériques alors qu’il n’a jamais touché à une souris d’ordinateur. Du coup il se retrouve face à l’absurdité, dans une situation sans issue. Et la même situation est aussi impénétrable pour Katie, jeune Londonienne mère de deux enfants contrainte de s’installer à Newcastle, sans travail ni maison. Pris l’un et l’autre dans d’aberrations agencées en poupées russes, Daniel, bricoleur touche à tout, aide alors avec courage et générosité cette jeune famille avec laquelle se crée un lien profond de soutien et de solidarité mutuelle.

daniel-blakeA travers ce film sans pathos Ken Loach continue de dénoncer les inégalités sociales de son pays. Pour ce faire il s’est inspiré de témoignages pour décrire les aberrations du système d’aide sociale britannique. « Le point de départ est l’attitude délibérément cruelle pour garder les gens dans un état de pauvreté et l’inefficacité de l’administration volontaire comme une arme politique», explique Ken Loach.

Pour en écrire le script de ce film réaliste, solidaire de la classe ouvrière caméra au poing, Loach qui à 80 ans n’a pas baissé les armes, a voyagé à travers le Royaume-Uni. Mais c’est à l’ancien quartier des Midlands, l’ancien siège de chantiers navals à Newcastle, que le film se déroule.

mdb« Nous y avons été, mais il n’est pas difficile de trouver des personnes vivant dans la pauvreté, cela se trouve dans chaque ville. Partout où il y a des gens qui font la queue à la soupe populaire. La bureaucratie qui gère l’Etat-providence est kafkaïenne, bien à l’image de l’histoire de ce film. Qui gouverne est au courant que c’est un piège pour les citoyens, en particulier pour les personnes handicapées ou ceux qui souffrent le plus. Mais les médias ne le disent pas. »

Comme en écho face à ces images, ce à quoi ce regard sur l’invisible souffrance des pauvres me renvoie est à ce que nomme par ailleurs l’anthropologue et économiste britannique David Greaber (Voir Chronique). Qui dans son livre « Bureaucratie : l’utopie des règles » affirme ainsi que «La bureaucratie sert les intérêts des 1%». Ce « 1 % de la population qui a détruit la nation et ses valeurs par sa rapacité ». « Bien sûr, comme toute bureaucratie, ce « capitalisme bureaucratique » est construit comme outil de contrôle sous menace de la violence. Caméra de surveillance, policiers, agents formés dans les tactiques de la menace, de l’intimidation, sont partout. (…) Bref, le contrôle, la surveillance et la menace. A savoir soit vous êtes dans les clous, soit vous en êtes éjectés, puis punis ! ».

Face à l’inhumanité de ce système qui broie les demandeurs d’emplois et les gens fragiles socialement, Daniel Blake, ce decent lad (un gars bien), y laissera sa peau.

D.D

Ce qui a été dit et écrit ici-même autour du cinéma : « Les Merveilles« , « Jimmy’s hall« , « Les chèvres de ma mère« .

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