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Entre le pouce et l’index. N°597

Écrit par sur 18 septembre 2013

Je suis sur le point de terminer mon tour de département d’Ille-et-Vilaine qui consiste à passer dans chaque commune sans exception. Je vous fais grâce ici de la qualité des paysages traversés, et de la qualité architecturale de nombreux bourgs. J’y reviendrai peut être. Mais la chose la plus sensible qui me vient après avoir balayé centres-villes embourgeoisés, cités d’habitat collectif, zones pavillonnaires du périurbain, ainsi qu’espaces ruraux plus reculés, c’est de dire que je n’ai finalement pas vu grand monde dehors. Et encore moins qui se parle de vive voix. Je veux dire dans ce qui constituent des espaces populaires.

Alors on s’attache à de petits faits. Ainsi celui-ci. Qui m’a été raconté. Observer un ado attendant son bus une feuille de papier en main, accomplir sur celle-ci les mêmes gestes qu’il doit faire d’ordinaire sur sa tablette numérique, à savoir ce geste automatique qui consiste à glisser son doigt de bas en haut ou de droite à gauche pour changer d’écran, puis en écartant le pouce et l’index pour en agrandir l’image; et le voir regarder autour de lui après qu’il eût pris conscience de ce réflexe déplacé qui échappe à son entendement, comme saisi de panique que quelqu’un d’autre que lui-même s’en soit aperçu, en dit long sur le cours des choses. Ah! L’air de rien, le tactile, ce n’est pas toujours facile.

Du coup me sont revenues à l’esprit ces quinze dernières années d’usage d’internet. Qui se partagent en deux grandes époques. La première fut celle des navigateurs, windows explorer, altavista, nomade, des liens hypertextes html, c’était disons les années 90. Puis est arrivée la seconde époque du web: Google et le web 2, c’est-à-dire les technologies collaboratives, les blogs, les moteurs de recherche. Puis Facebook qui pille le commun des internautes. Puis la NSA et le business californien (qui évidemment en ce moment même recueille ces données-ci. Et celles que nous produisons sans le savoir). Qui veulent faire croire que la vie privée n’existe pas. Voir Chronique. Sans parler de l’énergie consommée qui rapporte.

Avec impact direct à effet de serre. Selon un rapport récent, un iPhone consomme davantage d’électricité qu’un réfrigérateur – 361 kiloWatt-heure [kW-h] par an en moyenne, contre 322 kW-h. Et qu’on « utilise déjà 50 % d’énergie de plus pour faire circuler des octets que pour déplacer tous les avions du monde », rapporte aussi le Time. Les nouvelles technologies représentent déjà en heures d’électricité consommée par an, pour 10 % de la production mondiale. Et ça va s’accroître énormément.

Par ailleurs, ne pas compter sur sa boîte à outil pour bricoler votre matériel aux composants fragiles.

Bien sûr qu’une troisième époque du web se doit d’émerger. Sur un mode alternatif celui-là. Par exemple, rien ne nous oblige à passer par Orange, Free ou SFR. Alors pour accéder à internet via un réseau qui ne fouille pas dans nos connections, et devenir acteur de votre propre réseau, au même titre qu’il existe un tiers secteur non marchand de la communication -dans lequel notre radio s’inscrit-, il s’agit de prendre le problème à bras le corps en ouvrant de nouveaux hébergeurs de type: ouvaton, lautre, globenet, etc. Ou bien s’inspirer ou rejoindre cette quarantaine de projets qui se développent actuellement avec le soutien de la Fédération des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) associatifs loi 1901. Et soyons réalistes demandons l’impossible: un internet en multi-support économe en énergie et réparable. Et que son absence ne s’avère pas si déroutante pour le mobinaute de l’abri-bus quand machinalement il fait glisser son doigt sur une feuille de papier à défaut d’un milieu d’écran quelconque…

Mais rien ne remplacera les espaces populaires à la parole échangée de vive voix. Où rien n’a changé et où tout a changé en même temps. Qui apparaissent partout de plus en plus désertés. Avec la disparition massive des commerces de proximité. Tout est fermé, bouclé ! A l’exception de quelques bars-tabac-loto-PMU qui restent ici ou là. Je n’ai pas vu non plus de bandes de gamins jouer ou se balader à vélo avec la canne à pêche ficelée au cadre et porte-bagage, pas vu de ballon surgir de je ne sais quel terrain vague ou rebondir sur un mur quelconque, ni de grands anciens prendre le frais et discuter sur un banc public, ni d’ouvriers -qui ne sont plus là- aller et venir avec leurs outils, ni de ces petits incidents de la rue, etc. Et qui se parle sous un abri-bus? Qui se salue naturellement? Pas tellement gai.

Oui, d’accord j’ai vu des voitures. Beaucoup de voitures. Chacune a l’air assez content de soi. Un peu de bus. Immobiles ou en mouvement. Qui se croisent ou se suivent. Et je suppose sans peine qu’à ces véhicules doivent s’adjoindre désormais ces ustensiles informatiques pour « réseaux sociaux » de substitution. Deux facteurs qui isolent sacrément physiquement, l’air de rien, les uns des autres. Par des automatismes qui nous échappent. Toutes ces petites choses là…

D’où ces détails fugaces qui parfois sont un mode d’expression à travers lesquels la société nous fait parvenir des signes forts. Et nous tend un miroir dans lequel nous ne savons pas nous reconnaître.

D.D


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