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Hérésie et idées neuves. N°675

Écrit par sur 18 mars 2015

bce2Quand la philosophe américaine Kristin Ross demanda à son assistance rennaise « C’est quoi la commune de nos jours ? », nous sommes tous restés bien en peine à lui répondre. Puisque toutes les communes sont torpillées par le mille-feuille intercommunal, idée neuve qui consiste en la captation bureaucratique du pouvoir local par la techno-structure dite communautaire. Effet en tout point démocratiquement désastreux.

Pendant plus d’un siècle, la vie démocratique communale connut passion et engagement. Vecteur d’émancipation et d’égalité pour un grand nombre de citoyens. Participer au conseil municipal de sa commune était sortir un peu de sa simple condition de contribuable assigné à un lieu et un métier. Et pour le dire selon la définition que donne Jacques Rancière à la démocratie véritable, il s’agissait d’instaurer une autre répartition entre ceux qui auraient droit à la parole et ceux qui n’y auraient pas droit. Quand tout le monde se mêle de ce qui ne le regarde pas, où chacune et chacun a son mot à dire, où le pouvoir appartient donc à n’importe qui.

Alors que faire pour rafraîchir cette démocratie au moment où le patron du PS Jean-Christophe Cambadélis a pour idée neuve le vote obligatoire, en affirmant que « Le problème posé aux partis républicains, ce n’est pas les voix du FN, c’est l’abstention ». 

Par les temps qui courent, là où nous en sommes, revenons à ce livre qui apporte un vent de fraîcheur venu d’outre-atlantique, de Kristin Ross consacré à L’imaginaire de la Commune , commenté ici-même la semaine passée.

Elle y évoque la présence marquante dans la Commune de Paris du géographe de renommée internationale, Élisée Reclus (1830-1905), qui pour la première fois fit apparaître sur le plan politique ce que l’on appellera l’écologie. Elle le décrit fondamentalement opposé à toute forme d’Etat , méfiant même « à l’égard des communes existantes, en lesquelles il ne voyait rien de plus que des micro-Etats ou des micro-Etats en devenir, enclins tout autant que les Etats à produire et à reproduire des formes d’autorité incarnées. Il n’est pas de fonctionnaire de village qui ne se prenne pour un petit empereur. » Il optait pour les associations librement choisies.

Le géographe libertaire appelait « à « la République fédérale de la terre entière ». Rendant compte de ce discours à son frère, il écrit : Je démontrai, et je crois avec logique, qu’après avoir détruit la vieille patrie des chauvins, la province féodale, le département et l’arrondissement, machines à despotisme, le canton et la commune actuels, inventions des centralisateurs à outrance, il ne restait que l’individu et que c’est à lui de s’associer comme il l’entend. Voilà la justice idéale. Au lieu de communes et de provinces, je proposai donc : associations de production et groupes formés par ces associations. » (Kristin Ross).

bceVoici encore cette parole révolutionnaire, démocrate et ouvrière ré-apparaissant aujourd’hui comme parole hérétique. Hors du temps. Faut-il alors rappeler que celle-ci, celle des communards, femmes et hommes, dans les conditions de leur époque, est en effet parvenue à mettre en place, comme nous le rappelle Kristin Ross, une démocratie populaire et participative approfondie, tout en jetant les bases d’une république sociale véritable ? Épris de justice pour tous, malgré la pression des versaillais, cette parole a inventé une citoyenneté qui repoussa loin les frontières de l’imagination des républicains d’alors, allant même jusqu’à écrire les premiers éléments d’un Code du travail …

Voici encore cette parole comme parole hérétique -comme le dirait Rancière– face à cette autre idée neuve: l’inauguration ce 18 mars, du nouveau siège de la Banque Centrale Européenne qui a coûté la somme faramineuse d’1,3 milliard d’euros ! Et quelle idée neuve pour cet acteur des politiques menées depuis le début de la crise, qui mènent à la précarité, au recul des droits sociaux, qui portent atteinte à la démocratie et empêchent toute transition écologique ! Deux tours jumelles de verre et d’acier de 185 mètres de haut, une structure froide et bureaucratique qui illustre le fossé entre les élites et les populations.

D.D


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