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“ Je suis Rabelais, je suis Voltaire, je suis Charlie ”. N°667

Écrit par sur 21 janvier 2015

chinonEn septembre dernier nous sommes allés flâner sur les bords de la Vienne. En Touraine, « Jardin de France », région douce et clémente. A la recherche de quelques vieilleries, des lithographies d’un artiste du début XXème, que personne ne connaît, dont je me suis fait l’un des collectionneurs. Sommes descendus à l’hôtel qui occupe l’ancien palais du Bailliage où plaida le père de Rabelais, avocat, à Chinon.

Le temps de visiter un peu le centre ancien, au pied du château fortifié, et de goûter fort logiquement de beaux vins de Chinon -que du tout bon, le plus naturel possible, et carrément en dehors des sentiers battus-, dont Rabelais ne manqua pas de faire l’éloge. Cela, à la Cave Voltaire, sous-titrée « Les papilles font de la résistance », qui sait vivre, située à la jonction de la rue Voltaire et de la rue Jean-Jacques Rousseau, dans laquelle se partage, en une longue tablée, le vin, la conversation sur les produits respectueux du sol et du consommateur, et la lecture du Charlie de la semaine.

Bref, nous étions bien là sur les pas de l’humaniste bon enfant dénommé Rabelais (1485-1553), enfant du pays. Et de Voltaire (1694-1778) -au 13, rue Voltaire (l’adresse du détaillant en vins) : « J’ai le malheur d’être un homme de lettres, un ouvrier en paroles et puis c’est tout ».

Comme rien ne peut confondre cette chronique-ci avec les pages du Guide du Routard en Val de Loire, pourquoi donc évoquer dans ces colonnes-ci François Rabelais et Voltaire ? Réponse : parce qu’il existe comme une sorte de filiation entre Charlie et l’auteur des aventures de Pantagruel et de Gargantua, d’une part, et l’auteur de Candide, d’autre part.

B7Etn4HIEAAElt1Entendre par là que Charlie incarne de nos jours, à sa façon:

-l’esprit rabelaisien.

A la lecture de Charlie comme de Rabelais, il se partage la même manière de se foutre de la gueule de toutes les institutions et de tous les prétentieux qui vont avec. Comme dans un carnaval, en célébrant les réjouissances populaires. Puis de faire apprécier d’autres modes de perception. En passant de la foi au rire, de la liturgie au carnaval, par la célébration haute en couleur des réjouissances populaires.

Rabelais a donné le la à un esprit français où le sens du plaisir déborde dans tous les domaines: pas seulement plaisir des sens, mais aussi de l’esprit -la langue liant tout cela, dans une débauche d’amour pour les mots. Un laboratoire langagier à la fois empreint d’érudition et d’oralité, de rigorisme et de facéties, dont l’étrangeté donnait le tournis déjà à ses contemporains. Du coup, de son vivant, Rabelais quoique fort sociable, se situe à la marge. En dehors des rangs.

Rabelais n’appelle pas à constamment ripailler, mais à cultiver chaque jour le climat de liberté et de légèreté que suscite le carnaval. Il rêve d’un espace parfaitement décloisonné. Là où se dressent des murailles, nous dit-il, « il y a forces murmures, envies et conspirations réciproques ».

« Imaginez et buvez », tel est son mot d’ordre. Qui résume le lien entre utopie et carnaval. Et pour Rabelais, chacun de nous a en lui un surplus « de biens et de bien » qui ne fait pas seulement son bonheur mais aussi celui d’autrui. Telle est sa leçon. Si proche de celle de Charlie  (autrefois, Desproges comparait Cavanna à un « Rabelais moderne »).

Ah! Tenez dans cet esprit Charlie n’est pas seul, suffit d’écouter le bien vivant poète belge Jean-Pierre Verheggen.

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– et l’esprit voltairien.

La lecture de Charlie comme de Voltaire demeure un recours salutaire face à l’obscurantisme. Toujours d’une brûlante actualité. Face à l’obscurantisme mais selon une façon particulière faite d’ironie et de goût du cosmopolitisme.

Citons Voltaire: « La meilleure façon de se venger de ses ennemis, c’est d’être heureux. »;  « Il faut savoir s’instruire dans la gaieté. Le savoir triste est un savoir mort. L’intelligence est joie »;  « Jamais la nature n’est si avilie, que quand l’ignorance superstitieuse est armée du pouvoir. » Et puis cette dernière: « Ce sont les fripons qui conduisent les fanatiques. »

Voltaire combat l’intolérance religieuse et veut faire naître un espace public pour la discussion rationnelle et critique. Et nous dit que le perfectionnement de la société est toujours précaire et fragile, car il dépend strictement de nous. Telle est sa leçon. Si proche de celle aussi de Charlie (d’ailleurs des lecteurs ne s’y trompent pas, comme à Troyes).

Une évidence.

Chez le détaillant en vins du 13 rue Voltaire, la longue table en bois était en fait l’incroyable trait d’union entre Charlie, Voltaire, et ce bon Rabelais. Et le vin et l’invitation au rire. Tout l’esprit Charlie était là. Sans qu’on le sache ! Mais comment le prévoir il y a quatre mois ? Ne manquaient que l’édition de Candide illustrée par Wolinski, et de Voltaire encore, le Dictionnaire philosophique portatif et son article Mahomet.

D.D


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