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« Marchés »? N°429.

Écrit par sur 4 juin 2010

L’impression d’appartenir à un univers de pensée qui a cessé depuis un certain temps déjà d’être le nôtre, m’est venu quand je suis tombé par hasard sur l’annonce de l’intervention d’un libérateur d’énergie, le linguiste et penseur critique Noam Chomsky, pourfendeur de la « fabrique du consentement », qui a clos, lundi 31 mai, un cycle de conférences à Paris.. Pour que tous ceux qui n’allaient pas pouvoir entrer puissent néanmoins vivre l’événement, ils avaient annoncé que la vidéo intégrale du colloque, avec traduction simultanée, serait accessible en direct sur le site web du Collège de France.. Des centaines d’internautes ont ainsi pu suivre le colloque en temps réel depuis chez eux. Ou du bureau, j’en étais. Et j’ai trouvé ça formidable.

Dans cette conférence Chomsky nous démontre l’adoption d’une croyance, cette croyance justifiée ou rationnelle dans laquelle nous pataugeons tous.

Son vulgarisateur en France Serge Halimi, du Monde Diplomatique, écrivait en 97 dans un petit livre : « Les nouveaux chiens de garde » : « Essayez donc de naviguer d’un mot à l’autre, « modernité » ? Libre-échange, monnaie forte, déréglementation, privatisations, « Europe »…du libre-échange, de la monnaie forte et des privatisations, « archaïsme » ? Etat-providence, Etat tout court (sauf quand il s’occupe d’armée, de police et de prisons, ses fonctions « régaliennes »), syndicats (qui défendent les « intérêts catégoriels »), nation (« nationaliste »), secteur public (« monopole »), peuple (trop tenté par le « populisme »), naviguez dans la presse et sur les ondes, et vous retrouverez ces définitions-là, vous retrouverez l’idéologie qui a favorisé les privatisations, la déréglementation des échanges et la mise à bas des « contraintes réglementaires » qui empêchaient les patrons du nord de chercher librement le travail là où il serait le moins cher. Et « si vous voulez jouer avec les autres », vous accepterez tout cela. »

Pas faux, et la même poignée de « chroniqueurs » patentés des médias de masse, avant ou après chaos financier, ne cessent de nous la servir, cette idéologie, à tout les plats en l’accommodant à toutes les sauces. Quelque soit le thème du moment : l’avenir de nos retraites par exemple…Ecoutons-les parler des « marchés » par exemple, c’est très surprenant : les marchés pensent ! « les marchés ont manifesté leur défiance à l’égard de la monnaie unique », Le Figaro : « les marchés doutent de l’Europe » (5 mai). Le Monde: « à la moindre étincelle, les marchés imaginent le pire. » ( 6 mai). Etc. Bien sûr sans jamais nommer qui se cachent derrière, et par qui sont-ils incarnés. « …les marchés attendent » Le Figaro Économie : « Les marchés [sont] euphoriques après le plan européen » (11 mai) Les Échos : « le marché a pointé le manque de cohésion européenne » ( 20 mai). Journal du Dimanche : « les marchés ont plongé en fin de semaine. » (16 mai), Libération : « l’Europe perd la boussole, les marchés s’affolent » (6 mai). A nous rebattent les oreilles ainsi les journalistes feignent-ils de prendre spéculateurs et banquiers pour des dieux qui semblent à même de décider du sort de nos économies, de fragiliser des États après avoir mis à mal les banques ? Ou bien ne seraient-ils, ces journalistes, alors que des gobe-mouches ? Pas sûr !

Halimi cite cette anecdote : »Noam Chomsky ne cesse de le répéter : l’analyse du dévoiement médiatique n’exige, dans les pays occidentaux, aucun recours à la théorie du complot, un jour, un étudiant américain l’interroge : « J’aimerais savoir comment au juste l’élite contrôle les médias ? ». Il réplique : « Comment contrôle-t-elle Général Motors ? La question ne se pose pas. L’élite n’a pas à contrôler Général Motors, ça lui appartient ».

Dans sa conférence pour le Monde Diplo, Chomsky dit ceci : « Une maxime de Thucydide qui au cours des siècles a fait son chemin est celle-ci: « Les forts font comme ils l’entendent, et les faibles souffrent comme il se doit. » Ce qui a pour conséquence ce qui en découle: « les systèmes de pouvoir comptent sur des spécialistes en gestion de doctrine, à qui il revient de montrer que ce que font les forts est noble et juste, et que si les faibles souffrent, c’est leur faute. » Alors à force de bouquins et d’interventions militantes il démontre combien nous sommes cernés par les dispositifs de manipulation. Comme par ceux qui favorisent un penchant naturel à la servitude: « Le pouvoir ne souhaite pas que les gens comprennent qu’ils peuvent provoquer des changements ». Pour ce faire Chomsky s’appuie sur les acquis de la linguistique, sa spécialité.

Qui est Noam Chomsky? Daniel Mermet de l’émission « Las-bas si j’y suis » de France Inter, en parle ainsi: « Chomsky est un contre-pouvoir qui nous incite au contre-pouvoir. Il met ses savoirs à la disposition des gens pour que nous interrogions le pouvoir. » Lui-même auteur d’un film DVD « Chomsky et Cie » poursuit: « On essaie de faire découvrir sa pensée mais aussi de prendre tout de suite ce qu’il y a, de voir vraiment les choses énormes, comment notre opinion est manipulée, comment fonctionne la manipulation de l’opinion dans des systèmes démocratiques, transparents. Comment s’exerce le lavage de cerveau dans ces systèmes. »

Depuis la chaire de philosophie du langage et de la connaissance du Collège de France, Jacques Bouveresse, autre philosophe de renom, le décrit ainsi : « Chomsky est convaincu qu’au nombre des batailles politiques à la fois les plus importantes et les plus difficiles à gagner, étant donné les moyens de plus en plus démesurés que l’adversaire a à sa disposition, figure celle qui vise d’abord à faire reconnaître des faits qu’il a tout intérêt à travestir ou à dissimuler. Ce sont les dictatures, et non la démocratie, qui ont un besoin vital de l’erreur et du mensonge, et tout à craindre de la vérité objective et d’une forme d’éducation qui s’efforce de développer, chez le citoyen, l’aptitude à la chercher avec méthode et à l’accepter et la respecter une fois qu’elle a été trouvée, dans tous les cas, du moins, où il peut être question d’une vérité de cette sorte. »

D.D


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