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« Ethnographies des mondes à venir. » N°1069

Écrit par sur 2 novembre 2022

Il y a comme un air de famille entre ces deux grands penseurs de notre époque : l’anthropologue Philippe Descola – professeur au Collège de France, élève de LéviStrauss, spécialiste du rapport à la nature établi par les sociétés humaines-, et le philosophe Jacques Rancière.

D’abord, l’un et l’autre sont dotés d’idées claires sur leur époque. En cela c’est déjà une proximité. Mais pas la seule ! Car, comme tout lecteur de l’ouvrage Ethnographies des mondes à venir, je viens de l’apprendre à la lecture de Philippe Descola, dans sa conversation avec l’auteur de bandes dessinées Alessandro Pignocchi.

En témoigne l’empressement que cette Chronique du jour – en qualité de « brouilleur de frontières » elle-même- a d’en reprendre l’extrait qui porte sur la conception de la politique « qu’indique Rancière lorsqu’il écrit: « la politique n’est pas faite de rapports de pouvoir, elle est faite de rapports de mondes« .

« Ce que l’on peut entendre par là, c’est d’une part que les rapports de pouvoir existent partout et dans toutes le sphères de la vie, de sorte que l’on voit mal pourquoi l’expression de ces rapports relèverait de la seule politique ; et d’autre part, qu’un sujet politique n’est pas un groupe qui tout à coup prend conscience de lui-même comme un collectif organique, qui s’exprime d’une seule voix, qui impose son point de vue et, dans le meilleur des cas, un rapport de force dans la vie sociale, ainsi que l’affirment tant les libéraux (avec les partis parlementaires) que les marxistes (avec le prolétariat). Un sujet politique est « un opérateur qui joint et disjoint les régions, les identités, les fonctions, les capacités existant dans la configuration d’une expérience donnée ». En ce sens, n’importe quel opérateur, humain ou non humain, est capable de devenir un sujet politique, en quelque sorte par destination, s’il parvient à mettre ensemble des choses qui n’ont pas au départ de connexions intrinsèques, notamment parce qu’elles ressortissent en apparence à des régimes ontologiques différents (un tsunami et une politique énergétique), mais aussi s’il arrive à dissocier des choses que l’on croyait à tort liées ( la croissance économique et le bien-être). Un sujet politique est ainsi un brouilleur de frontières qui, par sa situation ou son action, recompose les mondes : en redistribuant les éléments dont ils sont faits et leurs relations, en exploitant consciemment ou inconsciemment la diversité des matériaux sur lesquels il agit. Avec pour conséquence que cette diversité prend une figure différente, mieux ou, parfois, plus mal adaptée aux circonstances. C’est en ce sens qu’un milieu de vie, un glacier ou une zad peuvent être des sujets politiques : ils instituent des relations nouvelles que d’autres sont incapables de faire advenir. On en revient à l’idée avancée plus tôt que ces entités relationnelles – du fait qu’elles favorisent l’éclosion de relations d’un autre genre entre des êtres qui n’étaient pas reliés auparavant – seraient susceptibles de devenir à la fois des personnes morales autonomes figurant en tant que telles dans des organes représentatifs, et des sources de légitimité juridique pour celles et ceux qu’elles abritent. »(Philippe Descola, Ethnographies des mondes à venir, p.141)

N’y-aurait-t-il à ce jour que la Chronique pour voir une proximité inattendue entre ces deux ethnographes de notre temps, voire « des mondes à venir », qu’elle s’empresse sur-le-champ d’inviter à retrouver cette fois ce qui a été dit et écrit ici-même autour de Jacques Rancière. Voir ici.& .

D.D

Ce qui a été dit et écrit ici-même autour d’un milieu de vie.


Les opinions du lecteur
  1. Françoise   Sur   3 novembre 2022 à 10 h 18 min

    La politique « faite de rapports de mondes » dit Rancière, Le sujet politique qui « recompose les mondes » écrit Descola…mais aussi repenser les mondes eux-mêmes, leurs composantes, « constituer en permanence une communauté avec le monde des humains et des non-humains », saisir les « interactions complexes impliquant des échanges d’énergie, d’information et qui doivent être menées au mieux, de façon à ce que la perpétuation de la vie des humains passe aussi par une meilleure prise en compte de leurs échanges avec les non-humains» (Philippe Descola, La composition des mondes), tenter de capter ou de capturer « le mouvement qui commence dans le jeu des éléments naturels, se poursuit dans le jeu des formes et met en branle les facultés de l’esprit pour les faire s’accorder librement entre elles comme l’ombre et la lumière le font pour composer un décor d’air, d’eau et de terre. » (Jacques Rancière, Le temps du paysage.) à la manière de l’artiste qui crée un paysage tout « en brouillant les frontières »: Un paysage n’est-il pas « le reflet d’un ordre social et politique. Un ordre social et politique peut se décrire comme un paysage. » (Jacques Rancière, Le temps du paysage.)

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