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Au Festival photo de La Gacilly, “La nature en héritage”. N°1112

Écrit par sur 30 août 2023

Pour que la photographie ait un sens, c’est très important que le travail que nous faisons soit la représentation du moment historique que nous vivons. La photographie va continuer d’être le miroir de la société.

Sebastião Salgado, économiste-photographe brésilien.

Le Festival photo de La Gacilly est non seulement le lieu à partir duquel il est possible de s’en extraire par les images, il est simultanément le lieu à partir d’où, sans en sortir, l’on sent un « bien vivre », doux, apaisé, silencieux. Et paradoxe infini, dans ce même temps, il est le lieu à partir duquel l’on accède à « la représentation du moment historique que nous vivons « .

Ceci par le biais des 20 expos présentées, et particulièrement par l’exposition-phare de la 20ème édition du Festival Photo de La Gacilly affichée « La nature en héritage « , qui est celle du grand photographe socio-documentaire et photojournaliste franco-brésilien Sebastião Salgado. Judicieusement placée dans un petit bois au bord de l’Aff , Amazônia, comme se dénomme son grand reportage, est le fruit de sept années de cohabitation de l’artiste avec douze communautés indigènes d’Amazonie. « J’étais comme chez moi, dans ma propre tribu, celle des êtres humains, celle où tous les systèmes logiques et traditionnels se mêlent les uns aux autres, aux miens, à ceux de l’Homo Sapiens ».

Rappelons que Sebastião Salgado, ce grand maître de la photo est surtout connu pour ses travaux consacrés à la pauvreté dans le tiers monde. Citons deux de ses reportages les plus marquants: la mine d’or de Serra Pelada au Brésil- présenté à La Gacilly en 2020-, et les puits de pétrole en feu au Koweit après la guerre du Golfe. Ou encore, réalisée en six ans et dans 43 pays (Afrique, Asie, Europe de l’Est et Amérique latine), « Migrations » qui contient des photographies de personnes poussées à quitter leur foyer et leurs traditions pour s’installer dans les villes et leurs marges – les bidonvilles, les rues et les camps de réfugiés. Mais il s’est surtout spécialisé dans l’immortalisation des forêts et des différents écosystèmes qui couvrent le globe.

Conquis par la grande vérité qui ressort d’un tel travail de témoignage essentiel au coeur de l’Amazônia, « Un univers mystérieux dans lequel la puissance de la nature est ressentie comme nulle part ailleurs sur la Terre. » Et pour en saisir la force au plus près, cette Chronique du jour n’hésite pas une seconde à casser les règles de bonne conduite rédactionnelle en vous installant d’emblée face au panneau de présentation de l’expo planté à l’entrée. Pour quelques minutes de cogitation.

Il émane de lui un texte puissant, de lutte. Qui oblige le visiteur ainsi à affiner ses perceptions. C’est une introduction élégante à la compréhension du poumon de la terre rongé par la déforestation et à la pensée de Sebastiao Salgado. C’est aussi une invitation silencieuse à considérer plus pleinement les vies des Indiens Korubo, Ashàninka, Macuxi et Yanomani, – dont il dresse le portrait- qui préservent « leurs modes de vie traditionnels. Aujourd’hui, les voici gravement menacées, ainsi que la survie de la forêt. » Nous sommes face au tragique.

Parce que les gens de ses photos regardent l’appareil photo, ils savent qu’ils regardent le monde. Ils posent donc une question au monde : Qu’est-ce que vous êtes, vous là-bas ? 

Ce qui va suivre, en changeant de rive et quittant le bois, est un autre moment touchant. Qui a trait aux grands arbres, et qui de la même façon est « la représentation du moment historique que nous vivons « . C’est celui que l’on consacre à vivre avec notre temps mais pas au prix d’une certaine exigence, devant les portraits « des gros pépères » arbres, les plus anciens qui subsistent à la surface de la Terre. Souverains, plus précieux que jamais, à la fluidité fascinante. « L’immortalité des arbres« , de la photographe Beth Moon, est le fruit de quatorze ans sur les traces de ces arbres.

Une photographe californienne qui, comme Salgado, travaille en noir et blanc. Pourquoi le noir et blanc ? Lui, il s’en explique ainsi: « La couleur transforme le message. Tandis que le noir et blanc est une abstraction. L’ensemble de l’image se transforme en une gamme de gris, et là on peut vraiment dire quelque chose. » (extrait d’entretien à Polka magazine).

Elle, l’on suppose que c’est en raison de sa fascination pour les arbres et leur permanence dans le temps. D’où ses choix, à l’issue de recherches documentaires, basés sur des critères d’âge, de taille cyclopéenne et d’importance historique.

D’où ces « portraits du temps » : des ifs millénaires tordus qui peuplent les cimetières anglais aux majestueuses « avenues » de baobabs, connues sous le nom de « Renala », c’est-à-dire « mères de la forêt », de Madagascar – touchés par des vagues intenses de sécheresse-, des arbres « sang de dragon » de l’île de Socotra dans l’océan Indien aux spectraux « Balfourianae » de Californie, capables de résister pendant des milliers d’années à des conditions de sécheresse extrême.

« Je suis souvent en admiration et j’apprécie beaucoup de nombreux aspects de la nature. Il est certainement difficile de ne pas ressentir la majesté de ces très grands et vieux arbres lorsqu’on est en leur présence « , a expliqué Beth Moon au Huffington Post. « En tant que monuments vivants les plus grands et les plus anciens de la terre, je crois que ces arbres symboliques prendront une plus grande signification, en particulier à un moment où notre objectif est de trouver de meilleures façons de vivre avec l’environnement », écrit-elle dans sa déclaration d’artiste.

Et comme ce lieu doux du bord de l’Aff l’incite, « Difficile de ne pas ressentir  » (…) « ce qui existe encore avant que davantage ne disparaisse « . Voici-là en deux fragments de phrases pris à l’une et à l’autre et mis bout à bout, ces deux démarches photographiques contemporaines réunies en un langage commun lourd de sens. Au beau milieu du monde, au beau milieu de nous et entre nous. D’où, en plein air, sous le ciel sans mur, à l’ombre discrète portée par ces deux témoins (ici&), nous entendons résonner « la préscience sauvage « , telle que l’exprime la voix forte de cet autre grand et vieil arbre, Jean Malaurie !

D.D

The Great Western Red Cedar of Gelli Aur

Ce qui a été dit et écrit ici-même autour du festival de photo de La Gacilly. Et du Gwinzegal.

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