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« Private yacht no access ». N°646

Écrit par sur 27 août 2014

Suite aux dernières péripéties gouvernementales  » à la vas-y que j’te pousse », ainsi qu’à ces deux yachts de luxe qui ces jours-ci font escale dans la cité corsaire, sans déclencher le moindre scandale, le cours des choses m’amène à la présentation d’un petit livre salutaire.

Pourquoi tolère-t-on que «les vingt individus les plus riches du monde» aient des ressources «égales à celles du milliard de personnes les plus pauvres», et que «10% des adultes les plus riches de la planète possèdent 85% de la richesse mondiale totale» ? écrit Zygmunt Bauman, l’un des grands sociologues actuels, le théoricien de la «modernité liquide» (son livre: La Vie liquide), dans un petit livre franc et direct : Les riches font-ils le bonheur de tous ?

Dans ce livre le grand sociologue britannique y développe une thèse très simple : «La richesse amassée au sommet de la société n’a absolument pas « ruisselé » sur les niveaux inférieurs. Elle ne nous a pas rendus plus riches, ni plus heureux, ni plus sûrs, ni plus confiants dans notre avenir et l’avenir de nos enfants.»
Depuis la «crise», les choix économiques irresponsables ont provoqué «la dégradation des « classes moyennes » en « précariat ». Et pour renflouer les milliards de dollars de la spéculation financière, les plus faibles doivent payer. Comment est-ce possible ? Pourquoi l’injustice ne nous choque-t-elle plus ?

Bauman pose la question de la persistance du «dogme de l’injustice» -la prétendue « naturalité » de l’inégalité sociale. Qui s’est trouvé des justifications nouvelles : l’économie de marché, le fondamentalisme de la croissance. Ou encore sous le vocable de « la main invisible du marché » vise à faire admettre l’idée étrange que l’égoïsme de quelques uns pouvait faire le bonheur de tous.

« Le fossé des richesses s’est creusé, mais sans les progrès économiques promis. Depuis 1980, les taux de croissance et de productivité au Royaume-Uni ont diminué d’un tiers et le taux de chômage est 5 fois plus élevé que pendant la période de l’après-guerre, pourtant plus égalitaire. Les trois récessions survenues depuis 1980 ont été plus prononcées et plus longues que celles des années 1950 et 1960, et elles ont culminé dans la crise des quatre dernières années. Le principal résultat des expériences faites à partir de 1980, c’est que l’économie est plus polarisée et plus encline à la crise. »

« La « croissance économique » signale l’opulence croissante de quelques-uns, mais une chute rapide en matière d’estime de soi et de position sociale pour la masse toujours plus grande des autres, écrit Bauman. Loin de réussir l’examen permettant d’accéder au rang de panacée universelle aux problèmes sociaux les plus omniprésents, les plus visibles et les plus déchirants, la croissance économique comme nous avons appris à la connaître à partir d’une expérience collective de plus en plus critique semble être la cause principale de la persistance et de l’aggravation de ces problèmes. »

Que peuvent les mots ? En toute franchise, l’une des figures majeures de la sociologie contemporaine, cet infatigable lanceur d’alertes de 90 ans doute finalement de leur efficacité. « Pourquoi ce fossé entre les mots et les actes ? ». Pour lui, consommation frénétique (« La plénitude de la jouissance consumériste, c’est la plénitude de l’existence elle-même. J’achète donc je suis. Acheter ou ne pas acheter, telle n’est plus la question. »), compétition et rivalité ont tout balayé. « Au final, le monde, une fois tombé dans ce piège, devient hostile à la confiance, à la solidarité et à la coopération. Il dévalorise et dénigre la dépendance et la loyauté mutuelles, l’aide réciproque, la coopération désintéressée et l’amitié gratuite. »

Opinion classique d’un vieux monsieur face à la nouveauté ? Qu’importe ! Qu’il s’appuie, dans ce livre, sur Wikipédia comme source documentaire peut-il froisser certains dont nous sommes ? Qu’importe !

Reste dit-il « cette question hautement démocratique: comment voulons-nous vivre demain ? La priorité doit être donnée aux citoyens qui ne se contentent pas de renoncer -moins de trajets en voiture, plus de trajets en tramway – mais qui contribuent culturellement aux changements qu’ils jugent bons. »

Recommandation reçue ici-même cinq sur cinq. Jusqu’à en reprendre sa conclusion : « … essayons encore et encore. Et toujours plus obstinément ».

Alors, comment ne pourrai-je recommander à mon tour de ré-écouter ce qu’ont dit à notre micro le grand sociologue Robert Castel sur le « précariat », la journaliste Catherine Herszberg sur le sort réservé aux plus faibles, la sociologue Monique Pinçon-Charlot sur l’injustice sociale, le psychanalyste Roland Gori et le sociologue Vincent De Gauléjac sur la compétition et la rivalité. Entre autres (voir rubrique podcasts).

D.D


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