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14-Juillet. N°487

Écrit par sur 20 juillet 2011

Faut-il qu’ils soient bien mal embouchés pour prendre mal cette proposition de bon sens qu’Éva Joly énonce: «remplacer ce défilé militaire par un défilé citoyen où nous verrions les enfants des écoles, ou nous verrions les étudiants, où nous verrions aussi les seniors défiler dans le bonheur d’être ensemble, de fêter les valeurs qui nous réunissent.» Et elle conclut son discours ainsi: «Je pense que le temps est venu de supprimer les défilés militaires du 14-Juillet parce que ça correspond à une autre période.» A pareille proposition, bon ça à l’air d’aller!

Que cette simple proposition déclenche immédiatement le feu haineux de ces fiers d’être nés quelque part qui bavent en aboyant en meute en dit long sur la dérive xénophobe du moment comme du repli fumeux sur le réduit hexagonal.

Qu’une « étrangère » puisque Française née en dehors de France, ait le toupet de faire remarquer que le roi est nu, ou plutôt que la France, en plus d’être engagé militairement dans plusieurs pays, célèbre son jour le plus sacré par une démonstration de force, ça leur est insupportable. Mais pour gênant et désagréable que puisse être l’état d’hostilité à son égard, infesté de soupçon et prêt au combat « au son du canon! », c’est l’aspect imprévu de la proposition de l’ancienne magistrate qui crée l’événement.

C’est l’esprit de « gestion » tout entier, chien de garde du capital, qui s’est pris d’une rage propre aux marchands d’armes. Car c’est connu l’esprit de « gestion » fait la guerre à l’imprévu. Concevoir des alternatives imaginées au statu quo du conformisme ambiant qui donne la nausée, en concurrence avec les gestionnaires, c’est « dérailler », c’est être qualifié de « Pas Française! » (Fillon), de « naïve inconséquente (…) La candidate écologiste ferait mieux de s’occuper de son jardin bio  » (Joffrin du Nouvel Obs).« On ne va pas perdre de temps à défendre ici les vertus républicaines, identitaires, collectives, démocratiques du défilé du 14 juillet ».(un éditorialiste de l’Express). Etc, et en plus sale nombre d’invectives et jeu délétère des petites phrases.

A vouloir contrôler le futur, non content de tenir les rênes de la boutique France et son tiroir caisse, le complot de la « gestion » contre la liberté nous fabrique tous les jours un peu plus une France étriquée, rabougrie, malade, marécageuse, enkystée à odeur de renfermé. Il cherche à préserver la reproduction monotone de la réalité sociale. La routine, la répétition, l’inertie, l’ordre qui se renouvelle automatiquement, plutôt que de sa perturbation et de sa refonte éternelles. Cet esprit combat tout manquement à la norme. Il veille à perpétuer la militarisation de l’imaginaire national quand bien même la conscription a été supprimée, transformant nos forces militaires en armée professionnelle. C’est ça l’anti-France!

Proche du mouvement des comités de soldats durant mon service, je suis de ceux qui regrettent que le service national n’ait pas été transformé plutôt que supprimé – par exemple, en l’étendant à des missions d’intérêt civique – tant il aurait pu être l’occasion d’un brassage du peuple de France autour de ce qui le rassemble. Constatons que l’engagement militaire de la France dans plusieurs pays en ce moment, ne soulève ni débat démocratique ni mouvement pacifiste mais une quasi-totale indifférence. Doublée d’une méconnaissance de ce qu’est devenue la Grande Muette elle-même. C’est très dangereux! la tentation d’instrumentaliser est toujours déjà là. Imaginer un nouvel imaginaire républicain, voilà ce dont ils ont horreur.

Oui, vraiment cette pensée visionnaire, amicale, poétique, d’Eva est donc centrale.

Quant à moi je livre cette confidence: le 14 juillet dernier au matin, entre amis pour fêter des 20 ans, nous dansions et chantions Brassens « La mauvaise réputation » en fiers…libertaires. Ce courant de pensée-là n’oublions pas est aussi au cœur des aspirations du mouvement ouvrier et populaire sous la IIIe République.

D.D
Image: « Chien pissant sur son matricule », toile de Paul Rebeyrolle. »Pas Française! »


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