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Matthew B. Crawford, »La conduite, une révolte contre le Borg. » N°1118

Écrit par sur 12 octobre 2023

Parfois, quelque chose amène la Chronique à échapper à cette mécanique de discours bien huilée. Celle du commentaire d’actualité circonvenu par les mots. Et cette fois encore, quelle actualité ! Celle consacrée à « la mort en direct en live mondial (…), l’exhibitionnisme d’une guerre terroriste totale, le meurtre collectif et le sacrifice rituel des innocents ne seraient plus des activités cachées mais des spectacles quotidiens incontournables », comme en parlait en 2002, peu après le « 11 septembre », Paul Virilio dans son livre Ce qui arrive.

Si bien qu’elle s’empresse, cette Chronique de ce jour, d’aller écouter voir ailleurs. D’autant que parfois l’auto nous rappelle à la raison. Tout récemment l’un des nôtres, un de ces derniers soirs en rase campagne, a été victime d’une crevaison. Sans roue de secours, l’aventure commence. Par chance, en chemin, une agricultrice lui a proposé de laisser en sécurité la voiture dans sa cour. Et l’a invité à passer à la maison prendre un pot. Et faire connaissance. Eh bien, des moments comme ceci sont d’autant plus appréciables qu’ils deviennent rares. D’autant qu’après avoir fait connaissance, elle s’est rappelée qu’elle même fut folle auditrice il y a 40 ans de notre radio. « Mais c’est pas vrai, c’est vous la voix? ». Quel réconfort ! Saluons ici sa bienveillance chaleureuse.

De cette anecdote, il semble enfin tout sauf anodin de retrouver via internet le philosophe américain Matthew B. Crawford qui était un type un peu particulier puisqu’il exerçait aussi le métier de réparateur de motos et d’autos.

Son blog Archedelia, il le présente ainsi: « Je fais de la critique culturelle philosophique, souvent avec un angle historique. L’un de mes thèmes unificateurs est le manque ressenti d’action individuelle dans la vie contemporaine. Pourquoi nous sentons-nous si étouffés et abrutis ? » Et sa dernière contribution, en date du 05/10/2023, s’intitule « La conduite, une révolte contre le Borg. Un nouveau front du populisme ? » – « Borg », acronyme formé à partir de l’expression anglaise blackout rage gallon, (unité de volume anglo-saxonne) qui pourrait se traduire par « le gallon qui sert à te mettre un trou noir de malade ».

« La conduite est devenue un front dans nos batailles politiques, l’automobile étant au centre des énergies populistes de révolte d’un côté, générant un nouveau militantisme de régulation de la part des autorités dirigeantes de l’autre côté. Cela peut sembler plus qu’un peu punitif. Par exemple, Londres a imposé des limitations de vitesse ridiculement lentes, 20 mph (32 kmh) et fait payer dix-sept livres sterling par jour (20 euros) pour conduire une voiture qui n’est pas à très faibles émissions (c’est-à-dire très neuve et très chère) dans la ville. Prenez ça, les Brexiteers ! Ces mesures sont similaires à celles qui ont conduit aux manifestations des Gilets jaunes en France, qui ont également commencé par une protestation automobile, en raison des gilets que les automobilistes sont tenus de porter en cas d’urgence. Des luttes similaires se déroulent en Espagne, en Allemagne et aux Pays-Bas.

Entre-temps, en août de cette année, la California Public Utilities Commission a autorisé les taxis entièrement sans conducteur à circuler en grand nombre à San Francisco. Il s’avère que l’un des quatre commissaires de la PUC est l’ancien directeur juridique de Cruise, l’une des entreprises de voitures sans conducteur autorisées à opérer dans cette ville. Nous commençons à nous habituer à de tels partenariats public-privé de corruption, dans lesquels les régulateurs semblent être capturés par l’industrie et les citoyens sont politiquement impuissants, réduits à des actions de guérilla de théâtre de rue contre les robotaxis.

Est-il paranoïaque de souligner que les voitures sans conducteur peuvent être arrêtées à distance ? Peut-être. Mais il se trouve simplement que de nombreux modèles actuels de voitures peuvent être contrôlés ou désactivés via l’internet. J’imagine que l’expérience du convoi de camionneurs canadiens incite les gouvernements à développer des moyens d’accès dérobés aux camions et aux voitures, à utiliser en cas de crise politique. Les citoyens (ou certains citoyens) peuvent occasionnellement avoir besoin d’être immobilisés pour… vous savez, « sauver notre démocratie ». Imaginez un régime de mobilité médiatisé par Internet avec des conditions de service non négociables, faisant partie d’un « système d’exploitation urbain » géré par un cartel d’entreprises technologiques. Imaginez que ce système soit intégré à un système de crédit social tel que le gouvernement Trudeau l’a expérimenté, en utilisant le système financier pour geler les comptes des personnes qui ont fait des dons à la manifestation des camionneurs.

Avoir une vieille voiture commence à être une bonne idée, au cas où la situation deviendrait critique et qu’il faudrait se tirer d’affaire. Ou bien vous n’aimez pas l’idée de vous déplacer dans le monde en tant que passager. Ou alors, vous aimez simplement conduire par le siège de votre pantalon, parce que cela vous donne l’impression d’être vivant.

J’ai la mienne. Voici la voiture que j’ai mis dix ans à construire, décrite dans le chapitre « Folk Engineering » de mon livre Why We Drive. »

Mais finalement, du commentaire d’actualité, la Chronique n’y échappera pas. Voyez vous même où amène l’anecdote de la roue crevée puisque le propos de Crawford fait écho au passage à 30 kmh de la circulation dans Rennes Métropole. A l’instar de Londres, à lire ici.

D.D

Ce qui a été dit et écrit ici-même autour de Matthew B.Crawford. Et de Paul Virilio.


Les opinions du lecteur
  1. FRANÇOISE   Sur   12 octobre 2023 à 15 h 15 min

    Et puis, tant qu’à faire, pour tenter d’oublier quelques secondes le bruit de l’horreur et revenir à ta roue de secours, ne pourrait on pas ajouter une p’tite chanson? celle d’Alain Bashung, « Osez, osez Joséphine », et son leit motiv: « Plus rien n’s’oppose à la nuit
    Rien ne justifie » :

    À l’arrière des berlines
    On devine
    Des monarques et leurs figurines
    Juste une paire de demi-dieux
    Livrés à eux
    Ils font des p’tits
    Il font des envieux
    À l’arrière des dauphines
    Je suis le roi des scélérats
    À qui sourit la vie
    Marcher sur l’eau
    Éviter les péages
    Jamais souffrir
    Juste faire hennir
    Les chevaux du plaisir
    Osez, osez Joséphine
    Osez, osez Joséphine
    Plus rien n’s’oppose à la nuit
    Rien ne justifie
    Usez vos souliers
    Usez l’usurier
    Soyez ma muse
    Et que ne durent que les moments doux
    Durent que les moments doux
    Et que ne doux
    Osez, osez Joséphine
    Osez, osez Joséphine
    Plus rien n’s’oppose à la nuit
    Rien ne justifie
    Osez, osez
    Osez, osez
    Osez, osez Joséphine
    Osez, osez Joséphine
    Plus rien n’s’oppose à la nuit
    Rien ne justifie

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