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« Rien de personnel ». N°707

Écrit par sur 28 octobre 2015

bastashevski_installation_2015_ForPress01Il est difficile de choisir où va sa préférence entre tel ou tel photographe-reporter dont les images sont présentées (jusqu’au 1er novembre) dans le cadre du 4ème festival Photoreporter de Saint-Brieuc. Un festival rare et remarquable qui a pour objectif « de nous éclairer en tant que citoyen sur le monde dans ce qu’il a de beau, de subtil, d’effrayant et de complexe. »

Mais d’abord, à l’heure où tout le monde fait des photos ou peut en faire à l’aide du moindre téléphone de nos modernes technologies, il se veut un coup de pouce au photojournalisme, une profession indispensable à l’information mais qui connaît la galère (conditions de travail de plus en plus précaires, liées à des commandes raréfiées et une dérive people qui affecte quantité de publications) .

Pour ce faire, le festival ne se contente pas de clamer haut et fort que « le photoreportage n’est pas mort ! », il réunit aussi auprès d’entreprises bretonnes, pour l’essentiel de Saint-Brieuc et de sa région, les fonds nécessaires à produire et réaliser les dix sujets environ de reportages présentés chaque année.

Suite à un appel à projets, qui a fait l’objet d’un choix parmi près de 250 venant du monde entier, pour cette 4ème édition dix reportages sur des thèmes inédits ou peu traités dans les médias ont été retenus : la Moldavie, « terre silencieuse« , l’Italie et les femmes disparues, l’Afghanistan et la vie en temps de guerre ou encore l’Afrique du sud post-apartheid chez les jeunes Xhosa, les îles Shetland aux colonies d’oiseaux de mer en danger, les jeunes filles au nord du Nigéria qui ont survécu aux enlèvements.  

Avec d’un clic, l’art de faire coïncider acuité documentaire et subtilité esthétique, il en découle de superbes images qui sautent les frontières, les cultures et apportent témoignage de notre époque – le photographe est d’abord un observateur- en nous montrant des « personnages » remplis d’humanité. Qui en connaissent aussi la face la plus sombre .

mari-bastashevski_04.Exhibition_OverView_04_1200x600Maintenant, s’il me fallait retenir un thème entre ces différents sujets, dans l’embarras j’opterais pour l’exposition « Rien de personnel », un sujet traité par la photographe danoise née russe Mari Bastasheski. Qui combine le journalisme d’investigation avec la puissance de la photo dans 15 pays différents, sur l’industrie lucrative de la défense et de la sécurité.

D’abord à la base de son travail il y a sa fascination « par la façon dont l’information est façonnée par ses sources, en fonction de leurs intérêts financiers, politiques ou personnelles ».

Du coup pour mettre en lumière le « véritable import-export de données, créé par des entreprises de haute technologie de surveillance mondiale », elle décrit sa façon de montrer: « Le rôle de la photographie dans ce projet est de permettre de définir jusqu’où est accordé un accès photographique aux institutions et aux documents impliqués dans ces processus. Chaque image représente une institution gouvernementale, un agent ou une entreprise existants. Chaque image est réalisée avec l’autorisation de cette entité. Lorsque l’autorisation n’est pas accordée, pour des raisons de sécurité en général, j’ai demandé à quelle distance la photographie pouvait être prise. Au bureau d’accueil ? A l’entrée ? A dix mètres de distance ? D’une certaine façon, chaque photographie est décidée par cette entité et devient l’autoportrait que celle-ci construit. »

D’où des clichés froids de locaux, d’appareils, de façades d’établissements, de portails d’entrée, qui nous interrogent dit-elle sur cette « arme destinée à préserver le pouvoir en place en portant atteinte à la vie privée de ceux qui s’opposent à l’Etat (entre autre). L’insertion de virus dans nos ordinateurs, et téléphones mobiles servent d’interface entre le serveur et l’utilisateur. Sur la toile désormais, nos moindres faits et gestes sont traqués, utilisés. »

Loin du reportage humaniste, et pourtant… Car ce qui s’en dégage tombe pile dans le bon tempo de notre agenda politique national, disons plus justement mondial.

bastashevski_installation_2015_ForPress05 Puisque ces jours-ci dans un silence presque total, une nouvelle loi légalisant la surveillance globale et en masse de nos communications, est en passe d’être entérinée par les deux assemblées Sénat et Parlement.

Ainsi comme l’énonce le représentant d’Amnesty International France : «Là où la loi renseignement n’autorisait la surveillance de masse que pour les menaces terroristes, cette proposition de loi autorise la surveillance généralisée pour des motifs trop vastes et peu précis tels que la promotion et la défense des intérêts majeurs économiques, scientifiques, industriels ou diplomatiques de la France. En clair, toute personne ou association qui irait à l’encontre d’ « intérêts » dont la définition n’est nulle part écrite dans la loi, est potentiellement ciblée. » (lire ici).

Une nouvelle loi venant confirmer, si besoin est, la justesse de l’enquête de la photojournaliste : « Lorsque nous évoquons les questions relatives à l’interception des données à grande échelle, nous pensons à Facebook, iCloud, Citizen 4… mais il y a une autre industrie, qui elle, génère plusieurs milliards de dollars avec des bénéfices 5 fois supérieurs à 2014: la surveillance des communications de masse commanditées par les Etats ».

Un brillant avenir pour la French Tech ! De gros doutes par contre sur le maintien des droits de l’Homme et le journalisme d’investigation quelque soit sa forme !

En marge des expos, un appel à contribution (crowd-investing) été lancé en faveur d’Olivier Jobard afin de lui permettre de financer un reportage sur le thème « Migration : Paris- Manille, les nounous à tout prix.» Bonne occasion pour ré-écouter ici l’entretien qu’il nous avait accordé lors de l’édition de 2012 de ce même festival.

D.D


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