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24 mai. La Résistance persiste… N°788

Écrit par sur 24 mai 2017

commune24 mai 1871, 4e jour de la répression de la Commune, de la « Semaine sanglante ». Comment parler de la Commune aujourd’hui sinon déjà par lui rendre hommage.

Avec du slam, du jazz et de la poésie comme le propose le spectacle-concert fort émouvant créé par le metteur-en-scène David Lescot et l’organiste Emmanuel Bex – Chronique à relire ici, ainsi qu’articles de presse ici et , relatifs à la sortie CD de « La Chose commune » qui raconte les deux mois d’insurrection du peuple de Paris contre le gouvernement de Thiers, réfugié à versailles, et la « Semaine sanglante ».

Pour rendre hommage à toutes les victimes de la répression déchaînée par les escadrons de la mort des versaillais, qui, du 22 au 28 mai, vont perpétrer les massacres, multiplier les déportations, il est bon de réouvrir le livre de l’historienne américaine Kristin Ross « L’Imaginaire de la Commune« , que nous avions accueilli à Rennes.

Dans son livre cet extrait concernant Lucien Descaves, romancier, auteur de « Philémon, vieux de la vieille » qui raconte l’histoire d’un grand nombre de communards réfugiés en Suisse :
 » On m’a souvent demandé avec curiosité, sinon avec étonnement, je ne dis pas d’excuser, mais d’expliquer mon attachement constant aux hommes qui, du 18 mars au 28 mai 1871, avaient participé, les armes à la main, au mouvement insurrectionnel baptisé la Commune… J’ai déjà dit que je les ai défendus et amnistiés parce que tous ceux que j’ai connus dans leur âge mûr et leur vieillesse déshéritée, étaient d’honnêtes gens, sincères, désintéressés et sans remords. J’ai recueilli la même opinion sur les insurgés fusillés sommairement, sur les morts tués aux barricades, les déportés et les bannis que dix ans d’exil avaient animés d’une révolte exempte d’envie ou d’ambition personnelle. » (pg 127).

Parmi ces réfugiés le géographe de renommée internationale Elisée Reclus, précurseur de l’écologie, auteur d’un petit livre retentissant « L’Histoire d’un ruisseau« . Après avoir été emprisonné dans le fort de la petite île de Trébéron en rade de Brest, comme le raconte l’historien Roger Faligot en premières pages de « Brest l’insoumise« , son gros ouvrage paru en fin d’année dernière.

grainesL’épisode révolutionnaire a été noyé dans le sang, mais son héritage est immense vu les mesures mises en œuvre par la Commune en un temps record : moratoire sur les loyers, suppression du mont-de-piété, séparation de l’Église et de l’État, réquisition des ateliers abandonnés, réquisition des logements vacants, interdiction du travail de nuit dans les boulangeries, laïcisation de l’enseignement, émancipation de la femme font partie de ses grands combats qui aboutiront plus tard.

« Le bilan total de la Semaine sanglante est d’environ 20.000 victimes, sans compter 38.000 arrestations. À cela s’ajoutent les sanctions judiciaires. Les tribunaux prononceront jusqu’en 1877 un total d’environ 50.000 jugements. Il y aura quelques condamnations à mort et près de 10.000 déportations » (cf site Hérodote). La violence de cette répression et la haine qui la guidera seront à la hauteur de la peur que la Commune a inspirée à la bourgeoisie.

Rendre hommage à la Commune, c’est affirmer que la Commune est vivante. Comme dans cette succession de tableaux colorés nourris d’un gros travail documentaire, avec cette toute nouvelle BD « Des Graines sous la neige« . Qui met en lumière la part très active prise par la grande communarde brestoise Nathalie Le Mel (1826-1921) notamment dans l’émergence du mouvement féministe – dont nous parlions ici-même. Elle fut déportée au bagne de Nouvelle-Calédonie avec sa grande amie Louise Michel.

« Une féministe bretonne, à la vie romanesque et à l’éthique irréprochable, qui croyait à un changement vertueux de la société », explique Laëtitia Rouxel, sa dessinatrice – voir vidéo :

Et affirmer la Commune vivante, c’est aussi dire la nécessaire solidarité internationale des travailleurs, si présente au cours de ces semaines du premier gouvernement ouvrier -lire Chronique-ci. Et qu’il existe bien une irréductible mémoire internationale de l’insurrection.

De plus, comme le note Kristin Ross (Le Monde diplomatique –mai 2015) il s’y dessinait « les contours d’un imaginaire puissamment non national. Ainsi, par « luxe communal », les artistes et les artisans de la Commune semblaient penser à une sorte de « beauté publique » : l’amélioration des espaces partagés dans toutes les villes et tous les villages, le droit pour chacun de vivre et de travailler dans un environnement agréable. En créant un art public, un art vécu, au niveau de municipalités autonomes, le « luxe communal » œuvrait contre la conception même de l’espace monumental et sa logique centralisatrice (nationaliste). »

Au fil des événements qui se sont déroulés depuis 146 ans dans le monde, il est indéniable que la Commune « déborde l’espace-temps qui lui est habituellement attribué, les 72 jours écoulés et les fortifications sur lesquelles elle a combattu. L’Imaginaire signifie que cet événement révolutionnaire n’est pas seulement international mais qu’il s’étend bien au-delà du domaine de la politique, vers l’art, la littérature, l’éducation, la relation au travail. (…) la Commune n’est pas un simple épisode de la grande fable républicaine, c’est un monde nouveau qui s’invente pendant ces brèves semaines, un monde qui n’a pas fini de hanter les uns et d’inspirer les autres. » ( Kristin Ross « L’Imaginaire de la Commune« ).

Ecoutons aussi notre entretien avec le poète Bernard Noël qui, à l’occasion de la présentation de son ouvrage le Dictionnaire de la Commune, se pose la question du contre-pouvoir. Rappelant que le « désir » de la Commune, grande dans son expérience de démocratie directe, était que les représentants élus restent sous la surveillance des électeurs, avec le pouvoir de les révoquer. A écouter ici.

Enfin ce point histoire – ci-dessous- vue par l’historien Henri Guillemin, un formidable conteur. Où l’on apprend plein de choses qu’on ne nous dit pas dans les livres d’Histoire.

Bref, « La chose Commune », comme le dit David Lescot, c’est « un laboratoire fécond d’inventions sociales où nous pouvons nous refaire des forces aujourd’hui ».

D.D


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