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« Les Algues vertes. » N°1110

Écrit par sur 16 août 2023

Vu samedi au cinéma Chateaubriand de Combourg – bravo à lui!-, et c’est comme si ce mercredi je ressortais tout juste de voir le film « Les Algues vertes ». Film citoyen, touchant, profondément humain, et haletant, en tout point remarquable que je recommande vivement. Loin de l’IA (intelligence artificielle) à l’algorithme assoiffé de spectacle, car très beau par ses acteurs et paysages costarmoricains. De facture « tournée caméra à l’épaule par obligation« , efficace et ingénieuse assumée. Avec des parenthèses charmantes, humbles et pudiques. En un mot, un film qui échappe au calcul.

Qui raconte l’histoire réelle d’une jeune journaliste pigiste pour France Culture qui, avec les moyens du bord, c’est à dire très peu, car elle est seule, isolée dans la commune de Maël-Pestivien, au cœur des Côtes d’Armor qu’elle ne connaît pas, puis en glanant çà et là des infos, découvre ce qui constitue un vrai scandale sanitaire couvert depuis tant d’années par une omerta puissante. Abasourdie par la dimension écologique et sociale de ce qu’elle découvre en tirant une maille à l’endroit, une maille à l’envers, et ainsi de suite, elle met à l’oreille des auditeurs de la radio nationale, ce qui est monstrueusement nié par les autorités de tout poil, et en premier lieu, évidemment la FNSEA.

Au fil du temps passé dans le coeur silencieux de la Bretagne de l’agro-industrie, elle recueille les bribes, les traces de témoignages à l’unisson d’opposants locaux qui lui ouvrent un fond de documentation – plus de 50 ans d’archives! Puis ses bobinos (documents-audio) mis bout à bout rendent ses Chroniques bretonnes de plus en plus écoutées, donc gênantes. Car en révélant ces morts suspectes autour de ces déchets devenus des algues vertes toxiques, ses Chroniques d’une humble archiviste du banal comme probablement a-t-elle été perçue localement, dénoncent la noirceur d’un scandale agro-environnemental qui s’accompagne de la matière sombre des intimidations et menaces.

Les Chroniques bretonnes commencent alors à faire un tel remoud dans le Landerneau politico-FNSEA, qu’une intervention en haut-lieu exige l’arrêt de la série sans délai, laissant la journaliste sans revenu. Aussi modeste qu’inspirée, le refus de la renonciation à faire connaître l’amènera alors vers la Bande dessinée, dont l’ouvrage prendra le titre « Algues vertes, l’histoire interdite » devenu un succès de librairies. Bande dessinée dont le scénario offrira au réalisateur la base de ce film. Ni plus ni moins que la réalité.

Partie ainsi à se confronter à l’agrobusiness breton et à tous les prescripteurs de l’image de marque de la Bretagne, jusqu’aux soubresauts judiciaires qui ne manqueront pas, par ce film cette fois la journaliste d’investigation-sous pression Inès Léraud, obstinée, héroïque et modeste, passe la main à la magnifique interprétation de Céline Sallette et à sa beauté remplie d’énergie et d’ardeur.

Une suite… bien dérangeante eu égard aux deux façons de regarder l’avenir de la Bretagne: laisser pisser les méga-porcheries et méga-poulaillers ou prendre fait et cause pour le vivant. Car tout récemment sorti, le film dû à sa qualité rencontre à son tour un grand succès en salles. Comme le confirme ce communiqué de La Ligue des Droits de l’Homme, à lire ici.

Et quand bien même a-t-il du succès après que l’équipe du film eut subi censure, pressions et intimidations de la part de responsables politiques et d’agriculteurs, eh bien rien ne bouge et tout continue, comme à Dinan agglo, voir ici. Son réalisateur et co-scénariste Pierre Jolivet décrit ainsi une atmosphère singulière : «Il y a partout cette tension. Les gens sont pour ou contre le film, pour ou contre poser le problème de cette façon… On sent qu’on met le doigt sur quelque chose de compliqué et tabou, c’est tout à fait passionnant».

Quoi répondre alors dans ces salles à celles et ceux qui craignent pour leur emploi à leurs yeux menacé par une mauvaise publicité ? Il suffit de rappeler tout ce que semble dire le film: en toute hypothèse, ça ne doit pas encourager la démocratie – tout au contraire- à délaisser sa propre lucidité. Mais on ne rouvrira pas ici la discussion sur le point de savoir ce qui justifie ou non l’omerta, la loi du silence.

Passionnant sur ce que ce film «Les Algues vertes » dit de l’époque.

D.D

Ce qui a été dit et écrit ici-même autour d’ Inès Léraud. Ainsi qu’autour du Versant animal & végétal. Et du cinéma.


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